Bobin : Lavilliers, qui lui va comme un gant
11 septembre 2024, salle Agend’Arts à Lyon,
Bernard Lavilliers est un peu à part dans la chanson. A la hauteur d’une œuvre impressionnante où rien n’est à jeter, il est aussi le hâbleur que l’on sait, merveilleux conteur et bien plus menteur que tout un congrès d’arracheurs de dents. Sont-ce ces muscles et son aura d’aventurier qui font encore peur, toujours est-il qu’il ne fait guère école et n’a pas de repreneurs. Enfin, jusqu’à ce jour où, insolite commande d’une Helvétie qui avec raison se prend pour une lanterne, le lyonnais Frédéric Bobin a fait miel du répertoire de notre Stéphanois pour ce qu’il nomme une « veillée Lavilliers ». Représentation à l’origine unique mais qui se renouvelle parfois, à la manière de sympathiques répliques sismiques.
C’est un Bobin seul, à la guitare acoustique, sans nulle sono, et un pupitre pour y poser les paroles au cas où. Et c’est tout. De La Grande marée à La Bandiera rossa, Bobin revisite un demi-siècle de Lavilliers : du Lavilliers sans Lavilliers, ça fait du bien et nous permet de redécouvrir, si besoin est, des chansons précieuses, en des orchestrations minimum mais travaillées avec grand soin : au passage, Bobin, que l’on sait bon guitariste, a encore appris de son instrument.
Car, avec sa seul guitare, retrouver tant la piste du Brésil que celle de la Jamaïque, celle de la Fensch Vallée et, bien sûr, de Saint-Étienne, n’est pas donné au premier venu.
Grand amateur de chanson au goût raffiné, Bobin connaît tout Lavilliers. Avec des chansons de prédilection, qu’il interprète en scène. En premier lieu Betty, aussi Fortaleza, Petit et Attention fragile. Il a en commun pas mal de choses avec Nanar, d’abord d’être né dans une ville ouvrière : Saint-Étienne pour l’un, Le Creusot pour l’autre. L’un chante Les Mains d’or, l’autre Singapour, deux titres douloureux où le travail est volé, les machine-outils parties pour des ailleurs plus rentables au capital. C’est dire si entendre Bobin reprendre, avec le public « J’voudrais travailler encore / Forger l’acier rouge avec mes mains d’or » est prenant au-delà du mal et des mots, d’autant que Bobin la précède de Fensch Vallée et fait suite avec le barbare : « Je n’attends pas la fin de cette mort grise / De mes yeux éteints des chevaux de frise / Y’a peut-être un ailleurs / Plus loin du malheur… »
Le talent du lyonnais est tel que, même si l’interprétation est conforme, absolue fidélité, Lavilliers finit par s’estomper, l’ombre et le timbre d’origine disparaissent en ce tour de chant, nous permettant enfin et sans fard d’écouter et de plus encore apprécier l’œuvre. La performance, qu’on aurait pu croire impossible, est réelle. C’est à saluer.
Stand the ghetto, L’Été, Guitare song, Vivre encore, L’Espoir, On the road again, Idées noires… la belle, la superbe compilation que voilà. De quoi plus aimer encore Frédéric Bobin. Et de réécouter tout Lavilliers, et son chapelet de vers si beaux : « Je laisserai ma peau comme elle l’a laissée / Sueur et cannelle orange poivrée / Afin que ma mémoire revienne… »
Le site de Frédéric Bobin, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là.
La voix de cet homme me touche
déjà ému par sa chanson « LA MAISON DE MON GRAND PERE »
Et là je le découvre en Lavilliers qui nous fait oublier Lavilliers
Rien en force tout en douceur avec ce sourire dans la voix qui est si rare depuis Jo Dassin
Frédéric Bobin n’impose rien mais il nous propose si bien avec ses guitares aux pickings ciselés comme des plumes de lumière (comme je les aime)
Vive cette belle chanson française !
Rien à jeter