Allo maman bobo, la chanson ne s’engage plus
Je viens d’un tout autre monde, planète des années soixante-dix, peuplée de fêtes politiques et de chanteurs le poing levé. Leny Escudero, Gilles Servat, Jean Ferrat, Francesca Solleville, Joan Pau Verdier, François Béranger, Patrick Abrial, Colette Magny, Catherine Ribeiro, Francis Lemarque, Gilbert Laffaille, Léo Ferré, Renaud, Anne Sylvestre, Mannick même, cette dernière autant féministe que catho. Ne l’oublions pas : ce sont eux et bien d’autres qui, par leurs chansons, ont labouré les sillons qui menèrent à l’avènement de Mai 1981.
Les temps ont changé et je manque de repères. Nous sommes à la veille (trois semaines, ce n’est pas beaucoup) de l’accession au pouvoir de l’extrême-droite dans le pays de la Déclaration des Droits de l’Homme. A trois semaines – vous allez vous en rendre compte – de privations de libertés, d’atteintes sans précédent contre la culture et le vivre-ensemble, d’atteintes à ces droits de l’Homme, et ceux de la femme en particulier. Suppression de l’intermittence du spectacle, aussi, ce qui devrait sensibiliser plus que tout les gens du spectacle. Jamais notre République n’a été aussi en danger. Jamais depuis le honteux gouvernement de Vichy. Putain, revoilà Pétain !
Par bonheur, oubliant sur l’heure ses querelles intestines, la gauche, d’une dignité retrouvée, fait front. Elle fait Front Populaire, le retour.
Et nos chanteurs célèbres, ceux qui, s’ils prennent le micro, passeront à la télé, écriront dans les journaux, où sont-ils, que font-ils, que disent-ils ? Ben rien : atones, aphones, aux abonnés absents. Il sera bien temps, après, quand les fachos se seront confortablement installés dans les fauteuils ministériels, de nous tricoter des chansons d’indignation aux cris d’orfraie. Dérision, dérisoire…
Où sont-ils les Daho, Souchon, Izia, Sanson, Biolay, De Sagazan, Roussel, Lavilliers, Renaud, Duteil, Le Forestier, Thiéfaine, Luciani, Zaz, Chedid (Anne ma sœur Anne, la première chanson sur le Front national, en 1988, ce fut lui), Perret, Cali, Bénabar, Bruni (semble-t-il qu’elle fut de gauche), Beaupain, Marchet… Et nos rappeurs aux grandes gueules qui fourmillent de poncifs ?
En ont-ils encore le courage, d’ailleurs ? Non, nous ne sommes plus aux temps héroïques du protest-song, on ne confond plus la politique et le biznesse. Pour tout vous dire, Universal, la plus grosse major du disque, appartient à Vincent Bolloré, propriétaire de CNews, d’Europe1, d’Hanouna et de Ciotti : prière de ne pas fâcher son boss.
Désormais les chanteurs ne sont plus guère citoyens : ils se taisent. S’ils sont engagés, c’est uniquement par contrat avec leur maison de disques et leurs tourneurs. Pour le reste, ils ne se mouillent pas. On ne va pas se mettre à dos une partie de son public, l’argent n’a ni odeur ni couleur, pas même celle du brun…
Bien sûr des Éric Mie, Hélène Piris, Claude Semal, Agnès Bihl, HK, Rémo Gary, Christina Rosmini, Nicolas Moro, Bruno Ruiz, Nawel Dombrowsky (et j’en passe, des tout aussi bons) ont déjà fait part de leur indignation, de leur appel à faire face à l’extrême-droite. Mais, pour la plupart inconnus du grand public, ils comptent pour peanuts.
Par défaut, pour aider à réveiller la conscience populaire, faut-il faire appel à Taylor Swift ?
« Que sont mes artistes devenus / Que j’avais de si près tenus / Et tant aimés / Ils ont été trop clairsemés / Je crois le vent les a ôtés / L’amour est morte / Ce sont amis que vent emporte / Et il ventait devant ma porte / Les emporta ». (d’après Ruteboeuf)
Arrête Michel je comprends ta colère mais le travail incessant des artistes n’est-il pas d’écrire de chanter. Nos chansons ne sont que chansons. Mais à Arras la foule chantait les paroles de l’Estaca de Luis LLach traduction Marc Robine. Manifestons, je manifeste avec les gens pas pour montrer le métier. Je ne suis pas d’accord avec toi.
As-tu un jour parlé de moi comme chanteur engagé ? Et pourtant 40 années pour une école de spectateurs c’est mon engagement. Qui en parle même pas toi. La transmission est mon seul objectif réel profond. Jamais on ne m’interroge sur mes engagements pendant l’année qui parle de ce que fait Voulzy avec ATD quart monde?>>Je sais pourquoi il est discret et d’autres qui vont dans les prisons, hopitaux etc…
J’ai déjà écrit et dis à chacune de mes conférences qu’à mon sens un chanteur engagé est quelqu’un qui se permet de chanter alors que tout semble contre lui. Tu me sembles être du lot. Mais ce n’est pas mon propos d’aujourd’hui : dans cet article, je parle des artistes « médiatiques », ceux vers qui les micros se tendent et qui visiblement ne profitent pas de leur aura médiatique pour alerter leur public du danger mortel imminent. Je ne risque pas d’arrêter de le dire et de m’étonner de leur silence, à mon sens suspect, sinon coupable.
Arthur H réagit toujours à ce genre d’actualité
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Gauvain Sers :
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et à Oradour
« J’n'oublie pas le 10 juin
Mille neuf cent quarante-quatre
Moi, le dernier témoin
Qu’ils n’ont pas pu abattre
Je ne suis qu’un vieux chêne
Mais je veillerai toujours
Pour que l’on se souvienne
Des 7 lettres d’Oradour »
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Gauvain est un des seuls à ne pas cacher ses opinions et à se servir de sa notoriété pour la cause. Ou sont les artistes qui nous soutenaient quand nous vendions les petites mains pour SOS Racisme, les Lavilliers, Renaud, Cabrel… Même JJG qui a choisi de disparaitre de la scène publique pourrait là prendre position.
Ceux là n’ont plus rien à perdre. Certains peuvent redouter les foudres de la world company Universal mais eux franchement… Pourquoi tant de silence, sont-ils résignés, hors sol ? Contrairement à tous les artistes engagés confidentiels dont on parle, ceux-là ont accès à toutes les TV Radio de grande audience. C’est désolant alors qu’il y a urgence, péril.
Nicolas Moro :
« On te reconnaît »
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Lavilliers vient de sortir la chanson « bandera rossa », si ça ce n’est pas de la chanson engagée alors…
On aurait bien besoin de gens comme Maxime, Alain etc. mais en tant que citoyens… et artistes. l’heure est grave… bien sûr, comme d’habitude, on va me ressortir la chanson de Brassens…
Je ne parle pas de chansons passées, même si elles sont récentes, mais de prise de parole publique, là, en ce moment, compte-tenu de la gravité des événements et du danger imminent. Et là, force est de constater que nos grands artistes (ceux qui ont accès aux grands médias), à de rares exceptions près (Gauvain Sers, et qui d’autres ?), sont muets. Leur prise de parole publique nous ferait pourtant du bien ; s’ils commentent après coup ce sera trop tard.
Je pense qu’ ils ont des avis divers, différents les uns des autres ! peut-être, j’ écris bien peut-être ne le font pas parce qu’ils ne se sentent pas être toujours détenteurs de la bonne parole, peut-être par discrétion du fait de leur notoriété. Je ne peux, hélas avoir un avis tranché ! Comme le souligne Christian Camerlynck … le moment présent, c ‘est tous les corps de métiers, les chômeurs etc … etc. Les deux se complètent, par moment, un métier en difficulté doit se mobiliser et puis après, y’ a me semble–til la nécessité citoyenne d’ échapper au pire et de souhaiter la justice sociale des hommes et des femmes, la paix dans le monde enfin l’ humanisme ! Le salut à toutes et à tous et merci à celles et ceux qui nous enchantent !
Volo :
« Français de souche »
https://www.youtube.com/watch?v=HM8oxBIIWPA
Coucou Michel, je ne fais pas partie de la liste des premiers, des gros, qui auraient, en effet, pu et dû parler. Mais tu aurais pu (dû ? ) me mettre sur la liste des seconds, des moins connus, certes, mais résolument engagés, puisque j’ai posté dès le premier jour sur mon Facebook, et vais continuer, tu me connais ! Besos y… No Pasarán…Ojalà !!! (interjection qui en Espagne veut dire Espérons !!!)
Chère Christina, l’omission (involontaire) est réparée. Ojalà !
Ne nous trompons pas d’époque.
Michel, tu cites des septuagénaires qui ont, en leur temps, joué leur rôle d’« influenceurs » à une époque où la chanson s’écoutait presque partout.
Qui aujourd’hui se soucie de ce qu’ils pensent, à part ceux qui le savent déjà ?
La chanson prend toute sa puissance lorsqu’elle suggère avec subtilité, lorsqu’elle suscite la réflexion. Le chanteur qui assène des vérités au premier degré est déjà hors-jeu, il est un simple citoyen et n’a dans ce cas rien de plus que mon boulanger pour me convaincre.
Les gens qui ont besoin d’être convaincus du danger que représente le RN se moquent bien de l’opinion de ceux qu’ils considèrent comme des intellos ou pire encore des nantis. Jean-Marie Le Pen aimait Brassens ! Ce n’est pas qu’il n’avait rien compris, c’est qu’il différenciait l’artiste de ses opinions.
Laissez donc en paix ceux qui ont déjà donné…
« Migrants de souche », texte de votre serviteur et musique de Yann Malau.
https://www.youtube.com/watch?v=eo-5uDDcbHQ
« Lampedusa », texte de votre serviteur et musique de Jean-Louis Cadoré.
https://www.youtube.com/watch?v=_4AVxO3IICg
« Défèque niouzes », idem, avec la participation de Jean-Louis.
https://www.youtube.com/watch?v=Ha48oMWGaEc
« Joséphine », texte et musique de votre serviteur.
https://www.youtube.com/watch?v=N9u1LQM302U
C’est curieux le rapport qu’ont les artistes avec le public. S’ils ne s’engagent pas, on leur reproche leur silence. S’ils s’engagent, on leur dit que l’artiste n’a pas sa place dans la politique, qu’il faut qu’il reste à sa place d’artiste. S’engager, c’est prendre le risque de se tromper parfois, et à l’heure des réseaux sociaux où la moindre erreur est mise à travers une loupe déformante qui détruit toute une image qu’on a pu forger au cours des années. S’engager est devenu aujourd’hui plus que jamais un acte de résistance avec la conscience qu’on peut y laisser des plumes. Mais cet engagement est nécessaire, car sans lui, il n’y a pas d’artiste, seulement des décorateurs du temps. Alors, n’ayez pas peur, engagez-vous.