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Le carnet désincarné de Lavilliers

 

Bernard Lavilliers (photo Vincent Capraro)

Bernard Lavilliers (photo Vincent Capraro)

La promesse de sortie des fameux « carnets » de Lavilliers a longtemps mis à l’affût et fait saliver nombre d’éditeurs. Nous ne saurons d’ailleurs jamais si ces carnets existent et ce n’est certes pas ce livre (qui revêt l’aspect d’un carnet mais ne l’est pas) qui nous le prouve, bien au contraire. On sait aussi que Lavilliers, à plusieurs reprises, fut en contact avec des journalistes réputés (nous tairons les noms) pour un projet de livre autobiographique suggéré par son entourage. Le projet resta longtemps sans suite.

Apparemment, c’est Véronique Mortaigne, longtemps journaliste au Monde, consœur respectée à juste titre, qui a remporté le marché, apportant avec elle l’éditeur de son précédent et excellent ouvrage sur Anne Sylvestre.

Difficile a priori d’être journaliste soucieuse de déontologie et porte-plume des récits souvent fantaisistes de notre Nanar qui a fait de sa légende une carapace, une aventure humaine digne des plus belles et héroïques destinées. A valider la fantaisie, le mensonge, on peut y perdre tout crédit. Ce n’est donc pas une biographie : seuls quelques éléments biographiques, au gré de conversations, sont ici transcrits : un « parcours poétique » comme il est dit. Disons-le tout net : Véronique Mortaigne s’en sort honorablement. Bravo.

lavilliers livreMais il faut dire que ce livre pas bien épais, dont une grande partie de la pagination est prise par les ornements de la maquette (qu’on doit à l’épouse de Lavilliers), les pages vierges et colorées, l’iconographie et un corps de caractère qui flatte les porteurs de cataracte, ne va pas très loin dans le récit (je n’ose dire les révélations) et ne se hasarde absolument pas dans ces affabulations qu’il serait facile de démonter. Véronique Mortaigne fut, jadis, une de ces rares journalistes à avoir cité Les Vies liées de Lavilliers, et sait ce qui est vrai de ce qui ne l’est pas.

En fait, ce livre donne l’impression de ne recueillir que des propos sages, softs, débarrassés de l’exubérance de sa luxuriante légende. C’est paradoxalement frustrant, en total porte-à-faux avec l’argumentaire commercial de ce livre : « Bernard nous entraîne au cœur de son imaginaire nomade [...], il nous embarque d’escales légendaires en rencontres inoubliables ». J’aurai aimé renouer avec l’enfant de la rue qu’il fut, son papa résistant, la maison de correction, le Boxing-club du Soleil, l’Arsenal de Roanne où il fabriquait des tanks, les hauts-fourneaux, le Brésil initial, les aventures amazoniennes façon L’Homme de Rio, le sordide QHS de la forteresse de Metz, le tonton flingueur et les tontons macoutes…Tel n’est pas l’objet de ce livre d’une grande sobriété, d’une infinie précaution, où les escales légendaires sont quelque peu amputées de leur imaginaire nomade.

Reste un objet d’une rare élégance que les fans s’offriront ou se verront offrir aux prochaines fêtes. Ils auront bien raison.

 

Bernard Lavilliers, Écrire sur place (avec la collaboration de Véronique Mortaigne), Équateurs 2023, 120 pages, 20 euros. En commerce le 8 novembre 2023Le site de Bernard Lavilliers, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là. Nous reviendrons prochainement sur Métamorphose, l’album symphonique de Lavilliers.

 

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2 Réponses à Le carnet désincarné de Lavilliers

  1. Dominique Carvalho 7 novembre 2023 à 10 h 13 min

    A bien vous lire ce bel objet n’a d »intérêt que pour le travail de Véronique Mortaigne. On sent quand même dans votre chronique une certaine ironie sur ce que vous appelez son « carnet désincarné ». Mais là, ce n’est pas nouveau… Effectivement on peut douter de certains de ses récits mais le plus important n est-il pas qu’ils nous permettent quelque peu de voyager et de nous évader sans toujours penser à ce qui peut être vrai ou pas ? Mais bon, pour ma part, pas de doute, ses carnets existent et là où je vous rejoins… c’est une très bonne idée de cadeau.

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  2. Richard Coquillat 7 novembre 2023 à 10 h 14 min

    J’ai bien aimé votre chronique, comme j’avais aimé votre bouquin sur Bernard. Je me procurerai l’ouvrage, sans rien en attendre de particulier, je le lirai donc encore plus facilement.

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