La Baronne et Pia Colombo retournent au charbon

Sylvie Cobo, dite La Baronne (photo Nathalie Baudry)

3 novembre 2023, Puits Couriot – Musée de la Mine de Saint-Étienne,

Étrange et fascinant lieu que cette Salle des pendus où des centaines, des milliers de bleus de travail et de casques attendent perchés depuis des lustres ces mineurs qui jamais ne reviendront. Une salle haute en labeur, en douleurs, en noirceur, cernée de douches collectives. Ce soir, en cet étrange et insolite lieu de presque recueillement, La Baronne retourne au charbon.

Peu d’éclairages, la scène est comme houille. Le propos est noir aussi, mais chaleureux. Sylvie Cobo, notre Baronne, remonte le fil de son passé supposé, son enfance ripagérienne (de Rive-de-Gier, dans la Loire), sa famille, l’appartement près de la voie ferrée tant que chaque nuit elle compte les wagons si c’est un train de marchandises, le bar où elle officie dès ses quatorze ans, les filles qui travaillent au bouchon… Et ce 33 tours qui va l’accompagner pour toujours : Pia Colombo chante Weill et Bretcht. Il était dit, écrit, que notre Baronne en ferait un jour spectacle, condensé d’émotions, chargé tant de la voix au beau vibrato de sa maman que de celle de Pia Colombo.

Le Puits Couriot (photo non créditée)

Ce n’est pas un récital, moins encore un concert, mais le « rapport intime avec ces chansons, de l’histoire qui me relie à celle-ci ou celle-là ». Oui, un moment privilégié qui renoue avec l’enfance, l’adolescence, la petite ville ouvrière et les gens du quotidien, dont ces femmes, « héroïnes souvent abîmées, dotées d’une énergie formidable, de l’instinct de survie qui va avec et d’un sens de l’humour noir à toute épreuve. Des vrais personnages brechtiens. » Elle, sa mère, ces femmes (Mémé-Choute, Cathy, Charlotte et Marinette) et Pia.

Soixante-quinze minutes d’une grande densité, où l’intime tutoie l’universel, où tout s’entremêle, où la chanson révèle sa vraie dimension tant dans le sombre du salon que dans la magnificence d’une scène, où sans faire se dérouler l’histoire du peuple, de son travail, de ses misères, on la sent, palpable. Sylvie Cobo incarne des tas de gens, de dames, leur force, leur courage, leur talent. Elle est tant chanteuse qu’actrice. Avec un chapelet de titres, tous de Kurt Weill et Bertolt Bretcht qui, par elle, nous reviennent en mémoire : La Complainte de Mackie, La Fiancée du pirate, Le Grand Lustucru, La Chanson de Bilbao, Comme on fait son lit on se couche, Le Grand Citron… Voyez, oyez comme rien qu’à l’énoncé, votre mémoire se réveille.

La voix de La Baronne est celle qu’on sait, ample et belle, séduction sans appel. Debout ou à sa batterie, elle vous emmène avec elle, mais pas sans Teddy Gauliat-Pitois, son complice de scène et formidable pianiste (en chemise pas bien épaisse, dans le froid de cette immense salle).

Dans le sombre, peu de lumières intentionnellement dans ce décor d’appartement (guéridon, abat-jour, fauteuil, et le youki fiché dans le tableau mural). Devant cette scène si peu naturelle en cette salle muséale, un public émerveillé, passionnés par ce que La Baronne laisse lui entendre : des bribes de souvenirs, des vrais comme des qui le sont moins, d’une époque où, pas loin de l’épicentre, des hommes descendaient chaque jour dans les entrailles de la terre en extraire le charbon, après avoir pendu leurs habits, les troquant pour des bleus. Juré que La gouailleuse qu’est notre Baronne a aussi chanté pour eux.

Le facebook de La Baronne, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit d’elle, c’est là.

Clip promo du spectacle « Kurt, Bertolt, Pia… et moi » de La Baronne : 
Pia Colombo chante Le Tango des matelots, de Kurt Weill et Bertolt Brecht :