Off Avignon 2023, Barjac 2023, Vaslo, un coup de vent et mon cœur qui s’éveille
Sauvé dans Catherine Laugier, En scène, Festivals, L'Équipe
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17 juillet 2023, Avignon, l’Arrache-Cœur,
Première à l’Arrache-Cœur à Avignon, pour Vaslo qui n’est là, si j’ose dire, qu’à mi-temps, du 17 au 29 juillet, prenant le relais d’Alissa Wenz. Un premier concert qui a trouvé d’emblée son public, tant par le naturel du chanteur que par l’implication de ses musiciens, débordant d’énergie – j’ai rarement vu des artistes semblant aussi heureux d’être là, souriant aux anges, au public et au chanteur – à gauche, Pierre Mahier à la batterie, à droite, Martina Rodriguez au violoncelle.
S’accompagnant à la guitare, Valentin Gilbert-Pichot, alias Vaslo et son look androgyne, thin duke en veste pailletée, yeux fardés, tempes étoilées, chignon, fort et fragile, laisse sa voix, feutrée, presque cassée, murmurer, puis s’élever en puissance avant de s’envoler en liberté dans des volutes vocales. Il crée un univers d’eau, d’air et de feu dans un mélange de chanson, de pop-rock progressive, de musique klezmer, de lyrisme baroque, de slam percutant… et de clarinette. Disant, chantant, soufflant le vent et les vagues dans le désert tandis que sa guitare arpège ou glisse doucement, donnant une atmosphère orientale avec cette clarinette magique, mélancolique comme un duduk, joyeuse et dansante quand il le faut, il vous envoûte, et génère l’émotion. Les musiciens sont étourdissants, accompagnant chaque note, chaque phrase, batterie subtile qui monte en puissance, bat au rythme de la vie, roulement de tambour, grosse caisse ; violoncelle profond, tantôt pincé, tantôt frotté, résonnant de son bois frappé par la main si légère et puissante à la fois de la frêle violoncelliste, dans un rythme tourbillonnant. Une complicité étonnante, une parfaite joie d’être là et de créer du beau.
Vaslo est la preuve vivante que la chanson, la musique, ne doit pas, ne peut pas suivre des impératifs commerciaux. Et qu’il n’est nul besoin d’attendre la vieillesse pour appréhender le monde dans toute sa globalité. Il peut se soucier de sa planète tout en faisant de la pure poésie. « Nous avons tout mélangé » disait Prévert dans un de ses poèmes. Il en tire une attaque lyrique contre nos excès : « La beauté d’une flamme / Qui éclaire nos nuits / Et la traînée d’une larme / Devant cet incendie », et encore « Nous avons tout oublié / D’où l’on vient où l’on va / Nos racines sont mêlées / Mais les branches ne poussent pas ». Qu’il transforme en supplique, « Délivre, délivrons-nous de nous / Le temps nous a mis à genoux », reprise en chœur. Entend le temps des oubliés,[ exilés] sans être coupables. Et clame son effroi : « Y en a qui disent à mort, à mort / Et on entend l’amour, l’amour / C’est dire à quel point on est sourd / Car pour eux l’amour est mort ». Ou encore, peint la longue épopée de notre monde chaotique : « On va de crise en crise (…) Le temps part à vau-l’eau (…) Nos désirs font désordre / Et de l’ordre il en faut ». Un message qui pourrait être tragique, mais qu’il accompagne toujours d’espoir, de l’énergie qu’il nous insuffle pour oser vivre debout.
Puisant dans ses deux premiers albums, sans plus de reprise ni de chanson en anglais, il ricoche sur son passé pour mieux affronter l’avenir, se libérer de ses craintes, « Je réveille la flamme endormie » dans une poésie intime. Tel un Quijote dans sa quête d’amour il chante un lai médiéval, flamboyant, écrit à quatre mains au bord d’une plage avec sa mère Evelyne Pichot. Qui nous fait croire aux princesses, nous les faire craindre aussi : « Il m’est très dur de t’aimer / J’ai bien trop peur d’être étouffé / Il m’est très dur de t’aimer/ J’ai bien trop peur de t’étouffer ». Poésie et mélodies imparables intimement mêlées, empathie d’un chanteur qui avance, qui écoute, le trio est irrésistible à qui est doué de sensibilité, et plus d’un larme furtive fut versée devant tant de beauté. De celles qui parlent d’amour comme dans la romance de Donizetti chantée en ultime rappel :« I palpiti sentir / confondere i miei coi suoi sospir…/ Cielo! Si può morir! »*
- Catherine LAUGIER
* Après l’aveu de la belle qui a laissé perler une larme d’amour, « Una furtiva lagrima », Nemorino chante : « Sentir les palpitations de son cœur / Fondre ses soupirs et les miens / Ciel ! On peut mourir ! » Même si l’histoire est basée sur un malentendu, on ne veut écouter que l’amour…
31 juillet 2023, Barjac, Espace Jean-Ferrat – Cour du château
C’était osé, il me semble, de programmer Vaslo sur la grande scène. Et c’est réussi. Ce fut ovation, tout le monde ou presque debout, saluant l’artiste et poursuivant sa chanson finale bien après son départ. L’art de Vaslo est à ce point fédérateur qu’il a cette énergie. Du rare en ce poinçon de la chanson. Occasion s’il en fut de constater, de mesurer, sans toutefois l’étayer de chiffres, le rajeunissement du public. A croire que des années de travail et cette programmation en particulier portent leur fruit. L’avenir n’est certes pas écrit, mais il s’envisage plus sereinement.
-Michel KEMPER
Le titre de l’article est un vers d’une de ses chansons. Présenté par Contrepied Productions. Le site de Vaslo, c’est ici. Ce que Nos Enchanteurs en a déjà dit, là. En concert le vendredi 4 août 2023 à Langogne, le 8 août au Mans, autres dates sur son site.
« Première pierre » clip 2021
« Nous avons tout mélangé » Concert en quatuor Pan Piper juin 2023
« Le temps part à vau-l’eau » Concert Pan Piper mai 2023 (avec Lizzie)
Cet artiste tutoie la beauté, un moment de grâce !!!