Beau comme Beaucarne
1er et 2 avril 2023, L’Esprit Frappeur à Lutry (Suisse),
Par quatre fois, salle pleine. Et, par quatre fois, concert de louanges.
D’abord, des images de chez lui, à Tourinnes-la-Grosse. En fait des objets : des trucs énormes, d’autres minuscules, comme cette libellule en poignée de porte… Et ces pagodes, étrange et gigantesque monument de ce petit royaume. « Cette course humaine / Vers quoi et vers qui / Ce petit royaume / Sans majordome / C’est chez lui ».
Sous nos yeux, deux séduisantes koras, un djembé, des petits instruments par terre… ça c’est pour l’espace dédié à Vincent Zanetti. A l’opposé, Pascal Rinaldi à la guitare, au petit accordéon, au shruti-box, au kazoo aussi. Au mitan de la scène, Alain Nitchaeff. Trois Suisses qui ne redoutent le Belge.
On ne sait qui de Rinaldi ou de Beaucarne a pris de l’autre, a pénétré son univers, tant qu’entendre ces chansons de l’un par l’autre semble naturel, évident. Qui plus est de toute beauté.
À Rinaldi d’abord le sérieux, la poésie ; à Nitchaeff le récitatif, le récréatif, le drôle, même si par la suite ils inverseront les rôles.
Bien sûr quelques chansons dont l’absence serait incompréhensible : Je ne songeais pas à Rose, d’Hugo (servie de toute beauté par Rinaldi et Zanetti), La Petite Gayolle. Et cette Lettre à Loulou, sobrement dite par Nitchaeff, qui vous tire les larmes du cœur et du corps.
Ici et là, bien plus souvent qu’à l’accoutumée, des mots mémorables, des vers à méditer : « Sur le bord du monde marchent des enfants / Il ne faut presque rien pour qu’ils tombent dans l’abîme / Précipités hors d’eux-mêmes… », « Elle avait pris dans son armoire à seins / Une paire de seins du dimanche / Une paire de mains à faire l’amour / Lui, avait changé de tête / Il avait pris dans sa garde-tête / Sa tête des beaux jours… », « Celles qui font de nous des hommes sont les mères / Elles vont devant nous comme clarté des cieux / Aux mères ne devez-vous point d’être sur terre ? / Alors, ayez pitié des mères, beaux messieurs / Que les nuages ne tuent pas les hommes… » Quintessence d’une poésie populaire qui ne craint pas l’obsolescence.
On n’élira pas qui de Zanetti, Rinaldi ou Nitchaeff fut le meilleur. Ce trio est simplement formidable, doux, émouvant. En fin de ce récital, Julos apparaît sur l’écran, pour nous dire quelques mots, en mondiovision il va de soi. Puis Loulou, en fond d’écran : on aimerait ne jamais quitter cette image, ce regard…
Sélection pertinente qui revisite plus d’un demi-siècle de Beaucarne l’humaniste, le pacifiste, l’utopiste, l’écologiste avant l’heure. Sait-il, depuis qu’il est parti, il y a dix-huit mois, pour musarder en son terroir de galaxies, combien le monde s’est aggravé, comment nos existences sont en sursis ? En sortant de ce brillant et touchant récital, on mesure à quel point nous avons plus que jamais besoin de Beaucarne, qu’il nous est vital, indispensable face à la folie des hommes et à cette nature qui éructe son vomi, son trop plein, son dégoût de l’humain.
Ici ni cheveux ébouriffés ni pulls arc-en-ciel, juste le passé et le présent de Beaucarne. Et l’avenir du Monde. J’ai dû voir trois ou quatre fois Julos en scène. Juré qu’à Lutry, je l’y ai de nouveau vu.
Reste à ce spectacle-hommage à tourner, aller de salles en festivals, sillonner la francophonie. Ce sera sans nul doute l’un des fleurons de votre programmation.
Le site de Pascal Rinaldi, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là. Le site d’Alain Nitchaeff, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là.
Merci Michel Kemper pour cet article et ta présence. Que d’émotions à jouer ce spectacle qui fait du bien à l’âme et au cœur. Un médicament en cette période qui a mal à la terre et aux humains.Je suis fier d’avoir monté ce répertoire avec mes camarades.
Ci-dessous un commentaire d’une spectatrice qui résume bien le sentiment que provoque ce spectacle:
« Et bien hier soir les coeurs purs se sont mis ensemble pour rendre le monde plus beau avec ce florilège de la ronde de mots de Julos Beaucarne, à vous trois vous nous avez emmenés dans ce voyage si juste et touchant, alternant entre gaité et bons mots, poésie et drôleries, drame aussi, nous fûmes émus aux larmes et avons ri aussi!
Quel beau moment à l’Esprit Frappeur, c’est du haut vol que vous nous avez proposé, bel équilibre entre vous trois, complices, précis, musicaux tout en délicatesse✨
Merci de tout coeur »
Merci Michel. Bravo pour cet hommage au poète wallon universel. Souhaitons la venue du trio dans les salles de la francophonie . Julos, si tu savais comme le monde a besoin de ta douceur, de regards fraternels , de chants d’oiseaux pour couvrir le chant du canon qui tonne plus que jamais.
Merci Monsieur pour ces mots qui résonnent tellement en moi. Julos n’est pas parti, il est toujours là, dans notre coeur, comme, d’ailleurs Philippe Forcioli qui l’a rejoint. J’aimerais tellement assister à ce spectacle (spectacle ? ou plutôt partage ?). Mais ici, dans ma Provence, on dirait que les programmateurs ne suivent que la mode… hélas… En tout cas ça fait plaisir de voir que nous sommes si nombreux à nous souvenir…