François Hadji-Lazaro, 1956-2023
S’il est une de ses chansons qui pourrait défier le temps et s’inscrire de plain-pied dans le grand florilège de la chanson française, c’est bien ce Bar-tabac d’une rue qui d’ailleurs n’existe même pas : la rue des Martyrs.
Lui, c’est François Hadji-Lazaro dont vous connaissez le physique, éléphant dans un commerce de porcelaine, monument s’il en est de la chanson.
Pigalle, c’est lui. Les Garçons Bouchers, c’est lui. Boucherie Productions, c’est encore lui, avec un catalogue incroyable , improbable. Hadji-Lazaro en solo, c’était aussi avec des musiciens, dont certains issus de ses anciennes formations.
Hadji-Lazaro c’est tout un arc de la chanson, un étalage de ses fragrances : du punk au folk (il jouait en pur autodidacte du dulcimer, du diatonique, de la vielle à rue, de la cornemuse… (son premier disque, confidentiel, présentait les instruments trad’ aux enfants). Car François est curieux et gourmand de tout : tous les instruments (son tourniquet en scène pouvait en porter bien une trentaine), tous les registres, tous les genres, fût-ce la techno-pop à base de séquenceurs et de boîtes à rythmes. Si Pigalle fut à ses débuts un groupe folk (sous le nom de Pénélope), il passa rapidement à l’électricité pour devenir la formation que l’on sait. La création des Garçons Bouchers, une des grandes figures du rock alternatif et de Los Carayos (avec en son sein Manu Chao) est allée de pair avec celle du label Boucherie Prod, qui bientôt se subdivisera en plusieurs sous-labels : Boucherie-Prod pour le rock alternatif, Abathrash pour le fusion tendance hardcore, Acousteack pour le folk et musiques acoustiques (qui accueillera un temps des albums de Gabriel Yacoub et de Malicorne), Chantons sous la truie pour la chanson. C’est par ce dernier label que sortent les premiers albums de Clarika, Les Belles Lurettes, Les Elles, Paris-Combo, Wally, les premiers albums français de Sttellla… (cette aventure « Boucherie », cette folle indépendance durera quinze ans, stoppée net par des comptes dans le rouge). Connaissez-vous, dans cette profession qui souvent fonctionne au mieux par genres, au pire par chapelles, homme aussi large, aussi ouvert aux sensibilités que notre Hadji Lazaro ? Aussi courageux (ou fou, c’est selon) aussi ?
C’est un monument des musiques actuelles (chanson incluse il va de soi) qui disparaît aujourd’hui, un homme épris de chanson populaire (au sens de proche du peuple), celui qui, à bien regarder, est à l’origine du rock-réaliste (qu’on nomme parfois musette-rock) et de cette foison de groupes dont certains, trente ans après, durent toujours. En cela comme en toutes choses de son art, l’apport de François Hadji-Lazaro est simplement considérable : il a imaginé, façonné en grande partie la scène d’aujourd’hui.
Retenons aussi, pour mémoire, son François détexte Topor de 1996, ses chansons pour jeune public et quelques incursions dans le domaine du cinéma (son premier rôle le fut dans La Passion Béatrice de Bertrand Tavernier). Rien de surprenant en fait pour ce touche-à-tout qu’il nous faudra toujours garder en mémoire. A chaque fois que nous devenons trop cons, que nous érigeons de stupides et craintives barrières entre les genres, souvenons-nous de ce bonhomme qui, lui, aimait à les détruire.
C’est lui qui a raison.
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La rue des Martyrs existe, j’y habite.
A Paris pas loin de la place…. Pigalle…
La rue existe, c’est le Bar-Tabac qui n’y a jamais existé
Merci
Oui, c’est vrai que la rue des Martyrs existe, il me semble qu’il y avait un magasin de musique où j’ai acheté quelque chose jadis, par contre, je crois qu’il n’ y avait pas de bar tabac dans cette rue et c’est pour cela qu’elle a été évoquée par F H-L
Exactement, il ne voulait pas évoquer un bar en particulier, pour garder toute liberté dans sa chanson