JePh, dans la colère et la tendresse…

JePh (photo R. Bassenne)

Ce disque a presque trois ans, est sorti au mauvais moment, au temps des confinements, quand le disque était, au même titre qu’un livre ou qu’un soutif, un de ces produits non essentiels. Sortie ratée donc : on efface tout, on recommence !

Ou pas tout fait : rien n’a changé en trois ans, si ce n’est que le monde d’après est encore pire. C’est dire si ce disque de JePh (Jean-Philippe Vauthier, le chanteur de l’ex groupe Tournée Générale) est toujours on ne peut plus d’actualité, en plein dans le mille même : faites chauffer votre platine, il y a du lourd, il y a du bon ! JePh ne faisait que prendre la température de Mon pays, le nôtre : le mercure a monté entre-temps, et cette chanson carrément politique est toujours bienvenue : elle est dans l’indispensable même.

Qui plonge loin dans nos mémoires pour constater comment ce pays s’étiole, comment ses dirigeants le détruisent : « Fini les années Mitterrand / Plus de Chirac ou de Jospin / Désormais nos gouvernements / Se font à l’arrière des pantins […] Au lieu de ça ici maintenant / C’est plus qu’un tout nouveau terrain / À construire pour les puissants / Puisque l’argent n’a pas de fin. »

Mais c’est une chanson plus optimiste qui débute l’album, C’est le début de quelque chose, nous chante-t-il. Le début ? Serait-ce ce 31 janvier à la prochaine manif ? « Tu as vu ce matin / Comme c’était gigantesque / Ça serrait dans nos poings / Ça nous soulevait presque / Tu as vu l’éclosion / Le sourire des «sans-dent» / La couleur du patron / Le retour du vivant / Un soleil s’est levé / Sur une autre planète / Qui battait le pavé / D’une pluie de canettes. »

Sans les singer loin s’en faut, Jeph est dans le sillon jadis creusé par Renaud, entretenu par Gauvain Sers (à qui La Chanson pour Gauvain de ce disque rend hommage à « Mon copain, mon fier / Écuyer de lune / Mon soldat, mon frère / De plume » ), Dorémus, HK et quelques autres : des textes socialement impliqués, soucieux des autres, des vers finement troussés et des interprétations douces mais le poing levé.

Le reste de ce premier album solo de JePh, c’est rien que d’l’amour, du beau, de tendre, du qui dessine à la manière d’une poésie des sentiments tenant plus du vocabulaire rénaldien que du baudelairien : « Dévoile tes petits seins nus / Fais-moi revivre l’innocence / Retrouvons nos trésors perdus / Dans les replis de l’indécence… »

Il eut été dommage de rater cet album, début d’une autre aventure, autre carrière presque, qui sera vraiment lancé dès cette année par une tournée solo de JePh, dans l’espoir, l’année suivante, de le voir comme c’était prévu à l’origine, avec de nouveaux compagnons de route. Car, avec deux mille dates au compteur avec sa précédente formation, Vauthier est rompu à l’art de la scène. Ce qu’il y donne, c’est ce qu’il nous offre sur disque mais encore en mieux. Avec ses doigts de pure tendresse et ses poings levés, dans l’espoir d’un monde meilleur.

JePh, Mon pays, Lalouline/Ma si belle production/ InOuïe Distribution. Le facebook de JePh, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là. Pour commander ce CD, c’est là. 

« Mon pays » :