Alexandre Révérend : retour pour une ultime fois
Qui se souvient de lui, après une si longue absence ? « Il y a près de quarante ans, je m’éclipsais sur pointe des pieds du métier de la chanson. Une activité artistique qui m’avait passionné, mais dont j’avais fait le tour et qui ne me faisait plus rêver. Après sept ans de petites et grandes scènes, quatre albums enregistrés, un succès ascendant, je laissais tomber du jour au lendemain, persuadé qui si l’envie revenait un jour, je reprendrais le micro. Ce désir n’a jamais repointé son museau. »
Jusqu’à ce jour de 2020 et cette drôle d’idée d’enfin mettre un terme à cette carrière passée, le point final qui jamais n’avait été posé, calligraphié.
Un concert et, quitte à faire, la captation que voici. Avec grand luxe de douze musiciens en scène qui, par leur talent, font tous révérence à Révérend : sans doute n’avait-il jamais joué avec tant d’instruments. Et trois participants qui l’un après l’autre font duo qui avec leur frère, qui avec leur père : Clément, le frangin, qui a toujours été sur scène avec lui, et Aladin et Alice, les enfants qui pour la première fois voyaient leur paternel en scène.
C’est un disque-témoignage pour fixer l’événement que fut ce concert forcément mémorable, car émouvant et prestigieux ; le porter au public c’est se faire plaisir, dans le fol espoir que ce plaisir soit partagé : « Mes chansons ont un demi-siècle. Elles ne sont clairement plus dans l’air du temps, elles ne l’ont jamais été. Il faut les écouter pour ce qu’elles étaient : des ballons-sondes, gonflés d’enfance et de fantastique, lâchés par un jeune flandrin à la gueule enfarinée. »
Ne comptez pas sur nous pour chroniquer des titres aussi vieux (c’est bien La Mobylette à explorer le temps qu’il chante et qui illustre la pochette du CD) : les critiques de l’époque (il y en avait alors, et des bons) s’en sont chargés. Juste constater que le temps n’a pas eu raison d’eux, qu’ils sont toujours agréables à nos oreilles. Et, surtout, bien interprétés, bien joués. La prise de son nous restitue joliment ce concert exceptionnel de fait : pour peu, nous y serions. Rien que ça est un bien beau cadeau. Pour la plupart d’entre nous, ces chansons sont nouvelles, et peuvent être prises comme tel, une vingtaine de gagnées dans notre escarcelle, notre moisson quotidienne. Et la découverte d’un « homme-sandwich au pâté de maison », sincère et efficace fourbisseur de bonnes et élégantes chansons.
Pour prolonger cet article, nous avons fait le choix de publier ci-dessous la chronique de Bruno Van Geel, publiée sur sa page facebook : celle de retrouvailles réjouies. A le lire, ça devrait vous donner envie, y a de quoi !
Alexandre Révérend, Évadé du présent, autoproduit 2022. Existe en CD ainsi qu’en double vinyle : on commande ici.
Il était une fois… Alexandre Révérend
par Bruno Van Geel,
Je viens d’acheter un 33 tours… Un double 33 tours !
Et je le fus avec ce loustic ! Quatre 33 tours « commis » entre 1977 et 1984, que je découvris avec un peu de retard, me baladant entre fin d’adolescence et âge adulte. J’étais très « branché chanson française » et suis tombé sous le charme de cet OVNI. À priori, d’un regard ou d’une oreille trop rapide, on pourrait croire que c’est de la chanson pour enfant mais c’est bien plus subtil que cela…
Je reprends la définition qu’il en donne lui-même : « Mes chansons ne sont clairement plus dans l’air du temps, elles ne l’ont jamais été. Il faut les écouter pour ce qu’elles étaient : des ballons-sondes, gonflés d’enfance et de fantastiques… »
Je vous invite à prendre le temps de (re)découvrir Emile et Amélie : bien longtemps avant Brat Pitt et le film Benjamin Button on y découvre l’histoire d’Amélie, la petite fille qui ouvre la tombe d’Émile, son très vieux fils qui se lève et vient vivre avec elle, rajeunissant un peu plus chaque jour… Dans L’Épouvantail vous ferez connaissance d’un épouvantail vert comme un sapin, à l’idée de se faire enguirlander car 2 hirondelles ont coupé ses bretelles, et que les oiseaux se moquent désormais de lui… Au Bal masqué vous rencontrerez une coccinelle et un homme domino qui font le total des points qu’ils ont sur le dos… Et quand il enfourche Roberte, sa vieille mobylette à remonter le temps, c’est pour croiser Leonard de Vinci et la fille du Pharaon, avant de troubler ses ancêtres et chatouiller ses descendants.
La pochette de son album « Chansons d’une grande banane alitée » (sic) s’ouvrait sur une photo de personnages en pâte à modeler avec des contours à découper pour avoir un effet de « pop-up ». Elle illustre la chanson Swimming-Poule où l’on partage les affres du jeune gringalet Alexandre qui se rend à la piscine, avec la ferme décision de se muscler mais qui se rend compte, après un formidable plongeon que son maillot de bain n’est plus sur ses fesses…
D’un hommage à Ferdinand Cheval et à son Palais idéal, il nous emmène au-dessus de Paris, sur une immense carte de Monopoly flottant dans les airs, puis on partage l’angoisse de la femme de Davy Croquet à laquelle un Maître chanteur exige un coquette somme pour ne pas révéler son infidélité…
On découvre le terrible projet que développe sournoisement la petite souris qui récolte nos dents de lait, ou bien l’on suit la paire de ciseaux qui découpe les routes le long des pointillés. Et puis l’on se demande à quoi rêvent les morts, dans leur caisse… (en admettant d’abord qu’ils soient vraiment dans leur caisse… ) ou l’on se laisse enfermer pour passer une nuit au Grand Magasin.
Comment voulez-vous définir ceci ? C’est du non-sens, du fantastique, de l’humour, de la nostalgie de l’enfance avec une pointe de cynisme d’adulte… c’est de la poésie, quoi.
En point final à sa carrière de chanteur, un dernier concert fut organisé le 17 décembre dernier à Vernon (Normandie). Ce superbe disque (la pochette fait de multiples références aux chansons de l’artiste) en est le témoignage sonore. Alexandre est au piano, accompagné d’une dizaine de musiciens et de la complicité de notre compatriote Philippe Tasquin. Disponible en CD mais aussi en 33 tours pour ceux qui veulent rester dans ce format dans lequel nous avons fait connaissance, il propose vingt titres, principalement issus des quatre albums anciens. Un inédit (Les siamois) est chanté avec son frère Clément qui l’a accompagné sur disques et sur scène à la batterie. Son fils Aladin partage Candidat Libre en duo avec lui. Le disque se clôt sur un autre inédit, Quand je ne serai plus là, chanté en duo avec sa fille Alice
C’est une élégante façon que ce sacré bonhomme a trouvé de nous dire au revoir, en ce qui concerne la chanson, mais il a depuis 40 ans continué à explorer de nombreuses voies de créativité, notamment dans les films d’animation… (il vient de remporter le Prix Auteur Animation 2022 de la Société des Auteurs et compositeurs Dramatiques).
Merci Alexandre pour cette chouette bulle de nostalgie, et pour toutes ces chansons qui m’auront aidé à comprendre qu’il ne sert à rien de se prendre trop au sérieux, mais que si l’on peut provoquer un sourire ou une émotion chez quelqu’un… c’est déjà un formidable cadeau…
C’est au Printemps de Bourges que j’ai découvert Alexandre Révérend. C’était à la fin des années 70. Quelle belle surprise de retrouver sa trace par Twitter interposé.
C’était une époque où les disques s’achetaient chez un disquaire qui connaissait les goûts de ses clients. Le mien (à Douai) ne connaissait pas, il me l’a commandé et on l’a écouté ensemble.
Il est toujours dans ma discothèque.
Le concert est visible en intégralité sur YouTube
https://www.youtube.com/playlist?list=PL-XI57wHHiXH6ZoaUqdpUMKoUdG04XmDM