Cœur de Bretagne : les codes du biznesse régional

Le titre (du spectacle comme du disque qui en résulte) sonne comme une nouvelle marque, ou un label, au linéaire des camemberts à pâte molle. Que je sache, spectacles et disques sont aussi un produit de consommation… Mais, quand même, Cœur de Bretagne, d’autant que l’insipide visuel (où tout y est, sauf les symboles identitaires comme le triskell ou le drapeau noir et blanc orné d’hermines, sans doute trop clivants, pas assez fédérateurs, pouvant nuire au biznesse)… en fait, tout pour vous faire fuir, considérant ce disque pour le dernier rejeton des amours vénaux d’un producteur avisé et d’un office du tourisme.

Cependant, le contenu vaut mieux que l’emballage. Suffit d’ailleurs de constater au générique le nom de quelques de nos enchanteurs, qui ont leur rond de serviette chez nous : Clarisse Lavanant (auteure de plusieurs des titres et chanteuse), Patrik Ewen (récitant) un du trio EDF, Dan Ar Braz (compositeur d’un titre) et Jean-Michel Caradec à qui on emprunte son « tube », Ma Bretagne quand il pleut, superbe chanson que bousillent une interprétation bien trop enlevée et une stupide rythmique.

« Cœur de Bretagne vous invite au voyage, entre Terre et Mer, dans un univers attachant et poétique, toujours tourné vers l’horizon. Laissez-vous guider au gré des paysages, et prenez le large à la découverte de l’âme de la Bretagne ! » nous informe l’argumentaire du promoteur, ajoutant : « Ce nouveau spectacle, construit tel un road-movie visuel et musical explorant les sentiers battus de Bretagne, illustre toute la singularité de cette authentique terre de légende, la richesse brute d’une culture ancestrale mêlant imaginaire, romance et mystère, l’immatérialité exceptionnelle d’un patrimoine millénaire, la diversité des paysages façonnés au gré des vents et marées, le caractère, la force et l’ouverture de cette péninsule vers l’immensité des océans, rendant cette région du Monde ô combien universelle. »

Ce spectacle (pardon, ce « show ») rassemble vingt artistes « pour une performance intense et orchestrale ». Un « medley », Roc’h Breizh, qui semble tout devoir à Stivell (remember Olympia 72) sans toutefois le créditer, authentifie la démarche à la manière d’un énergique imprimatur.

Les textes, bien écrits sans plus, s’inscrivent dans le stéréotype de ce genre de spectacles : descriptifs, touristiques, d’un imaginaire éthéré (« Je viens d’un pays / Aux larmes de pierres / Qu’on appelle aussi / La fin de la terre… ») à grand renfort de légendes celtes, avec ce qu’il faut de mélancolie calculée. Des chansons en service commandé, ni plus ni moins.

C’est sans doute un bon spectacle, aux sens chorégraphique et musical, mais un mauvais disque que les amateurs de chansons et musiques bretonnes, à plus forte raison les autochtones, salueront d’un sourire mais se garderont d’acheter. Le meilleur de Clarisse Lavanant (qu’à NosEnchanteurs nous aimons beaucoup) n’est pas, loin s’en faut, dans cette production-là.

Cœur de Bretagne (danses, musiques & chants), Coop Breizh 2022. Le site, c’est ici. Ce que NosEnchanteurs a déjà dit de Clarisse Lavanant, c’est là. Tournée qui débute ce 29 avril à Landivisiau (29), le 30 à Tours (37) et le 1^er mai à Saint-Brieuc (22).

Extraits du spectacle :