Chichi et Banane : la littérature et ses ficelles

Banane et Chichi

Chichi justement n’en fait pas : il déclame ! (tant que ça se nomme de la déclamade…). Quant à Banane, lui n’est pas au régime : il joue tant du banjo, de la guitare, de l’espine, des percussions que « d’autres instruments », ceux qui ont l’oreille musicale les distingueront.

Chichi (Sébastien Ballester) et Banane (Alexandre Auria), qu’est-ce ? J’oserai les termes plaisir, merveille, mais c’est pas suffisant pour bien saisir ce que fait ce duo. C’est de l’ethnologie vivante. Dit comme ça, c’est plus parlant. Et pour parler, putain que ça parle !

Nous sommes dans un village gaulois occitan, qui toujours résiste à l’uniformisation, un pays merveilleux où toute l’année chantent les cigales, qui sent plus qu’ailleurs le pastis, les sardines grillées et l’huile d’olive. Ailleurs les sardines baignent dans l’huile de vidange, pas ici. Nous sommes à La Ciotat : la mer et les grues. Les grues des chantiers et les candidats à l’embauche qui font le pied de grue. On construisait jadis des bateaux, on ne répare plus que des yachts, changement de logiciel.

À La Ciotat, au mitan du vieux port, il y a l’épicentre et son meilleur jour : le bar le samedi après-midi, quand passent les filles en déshabillés qui s’autophotographient. Ça doit être ça le QG de Chichi et Banane, qui consignent l’un de sa tchatche l’autre de son banjo les rites, les mœurs, us et coutumes de ce presque écomusée. Le propos a la douce ivresse de l’anisette et la couleur du soleil : ce disque devrait être prescrit sur ordonnance aux gens du Nord et de Paris qui eux sont perpétuellement dans le gris.

C’est un CD, certes, c’est aussi un livre : un livre-disque de trente-six pages qui paradoxalement ouvre ses pages à l’art poétique de la rue, la littérature de ficelle inspirée de la littérature de cordel brésilienne, un art qui suppose d’être dit, écouté, entendu, pas forcément être consigné sur papier. Mais il est vrai que Chichi fait fi de tout code, de tout protocode : il écrit comme il vous parle. Et c’est fou comme ça nous parle ! Un parlé usuel à l’accent provençal qui aime se marier à la musique…

L’art de Chichi et Banane fait chorus avec celui de Moussu T e lei Jovents (dont Banane fait partie), Massilia Sound System et quelques autres tels les Fabulous Trobadors, folklore toujours vivant, régénéré, art de la vie et du vivre-ensemble, mélange des générations et respect des cultures.

Fi des clichés éculés pour tourisme à la masse, Chichi et Banane sont la preuve vivante, qui plus est jouissive, de cette part d’universel que recèlent, à La Ciotat comme à n’en pas douter ailleurs, les cultures locales qui ne sauraient se résumer à de belles cartes postales en quadrichromie. L’eau qui baigne La Ciotat serait-elle bain de jouvence et de bon sens ?

Chichi et Banane, Littérature de ficelle, Les Éditions du Gabian 2022. Le facebook de Chichi et Banane, c’est ici ; pour écouter et commander ce livre-disque, c’est là.

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