Héran : Brassens à cent pour cent !
Pour certains – je le sais, j’en suis – Brassens est un fidèle compagnon du quotidien. Tellement qu’on pourrait presque se passer de l’écouter, tant il est en nous, en notre ADN. J’ai dit de l’écouter, pas de le fredonner, pour soi comme pour les belles à l’intention desquelles on effeuille encore les marguerites. Brassens n’est pas pour eux une religion, oh que non, ni une idole, simplement l’équivalent d’un Jiminy Cricket qui parfois vous tire les oreilles et vous rappelle quelques bonnes vérités, quelques bordées de tolérance et d’empathie toujours bienvenues. Brassens est une leçon de savoir-être, de savoir-vivre, de savoir-aimer.
J’ai toujours pensé que Brassens était en moi l’addition de mes globules blancs et de mes globules rouges, de ceux qui toujours m’oxygènent. Pour l’ami Jean-Marc Héran, ça doit être à peut près ça, aussi : à la banque du sang, nous devons avoir le même numéro de registre.
Héran est dessinateur. A dessein, il croque Brassens depuis longtemps. En fait ça fait quinze ans qu’il pond une illustration à chaque livraison de l’érudite et indispensable revue Les amis de Georges. Au bout du compte, ça en fait. C’est sur le tard, à la mi-2021, alors que, centenaire oblige, les étals des libraires se gonflaient déjà de bouquins sur Brassens (des très bons comme de ceux qui mériteraient de redevenir pâte à papier), qu’Héran s’est mis à compter ses dessins : bigre, pas loin de cent ! Il suffirait de presque rien…
L’idée fait vite son chemin : il faut dare-dare en dessiner quelques autres, trouver un éditeur… Je vous le fait court : voici cet ouvrage : Brassens, 100 dessins pour 100 bougies. Un recueil d’images avec à chaque fois, en bas de page, trois ou quatre vers pour se remettre la chanson et l’air en tête : le livre d’Héran est non seulement fédérateur, il est terriblement fredonnateur.
Il fallait une préface. C’est Marcel Amont qui s’y colle, lui le chansonnier érudit à qui le cher moustachu a jadis offert Le chapeau de Mireille (page 93 de ce livre). Rien que de le savoir à l’amont de tels dessins, on biche.
Que les dragons de vertu n’en prenne pas ombrage mais Héran aime décidément beaucoup dessiner des seins plantureux ou de tout petits nichons, des fesses qui se serrent en étau ou s’ouvrent comme fleurs au printemps : les courbes de dames en situation. Jean-Marc Héran est un coquin, mais c’est aussi ainsi que je me représente Brassens. En jeune ou en vieux, cheveux et moustaches bruns ou blanc, Héran fait, au regard des titres, de bien jolies propositions de son pinceau. On en pince pour moins.
Il y a des bouquins sur Brassens qui, paradoxalement, malgré leur abondante typographie, en disent bien moins sur le chanteur à la pipe qui un triste jour l’a cassée, que l’ami Héran. Car ses dessins nous parlent, font échos, caisse de résonance. On peut aussi les regarder pour leur seule beauté : il y en a des superbes, qu’on aimerait avoir en poster pour cacher le vil papier peint de nos chambrées.
Pour le cul de La religieuse, les douceurs faites à L’ancêtre, pour le quasi-zoo de Jeanne, Les lilas que Brassens tente d’effeuiller, le couple charnel du Gorille, le presque complot du Boulevard du temps qui passe… pour ces cent dessins de pure anthologie, je dis merci. Merci au père Brassens et au mythe Héran, merci pour leurs talents qui devaient bien un jour se rencontrer, se tutoyer.
Ça nous fait, le savez-vous, l’un des livres de l’année, un indispensable pour tout amateur de l’œuvre de Brassens. Sincèrement, si vous ne l’aviez pas, vous passeriez pour un c…
Jean-Marc Héran, Brassens 100 dessins pour 100 bougies, Un point c’est tout ! 2021. Ce que NosEnchanteurs a déjà dit de Jean-Marc Héran, c’est là. Et ce qu’il a dit de Brassens, c’est ici.
Et ben, je ne crois pas avoir eu un tel article aussi bien renseigné que jubilatoire pour un de mes auteurs.
Il faut que je l’avoue, Héran est bien plus qu’un auteur, c’est un homme multiple et c’est aussi et surtout un grand Ami !
Alors lorsque le talent se conjugue à une véritable complicité éditoriale et une amitié vraie, en dehors du métier, je ne demande rien d’autre pour être pleinement heureux ! Merci !