Tri Yann : il fut une fois, cinquante années durant

Tri Yann (photos DR/ libres de droits)

Les grandes histoires naissent souvent d’un petit rien… Ici trois copains, trois Jean (Jean Chocun, Jean-Paul Corbineau et Jean-Louis Jossic), qui, l’un à la flûte, les deux autres à la guitare, interprètent La pastourelle de Saint-Julien devant quelques amis à Plouharnel, près des alignements de Carnac. Nous sommes le 27 décembre 1970, jour de la Saint-Jean. On ne peut alors s’imaginer que c’est le début d’une folle aventure d’un demi-siècle. La semaine suivante, nos trois amis jouent trois airs à Nantes, dans un bal breton. L’histoire veut qu’un danseur les surnomme « Tri Yann an Naoned », les Trois Jean de Nantes. Chocun est alors assistant administratif dans une compagnie maritime, Jossic prof d’histoire et de géographie, et Corbineau acheteur pour un hypermarché. Très vite, ils débauchent un collègue de Jossic, Bernard Baudriller, prof d’anglais, au seul prétexte qu’il jouait jadis du violoncelle : il sera ipso facto contrebassiste.

Jean-Paul, Jean-Louis et Jean

Mais tout se joue vraiment par la rencontre avec Gilles Servat, le barde de l’île de Groix, qui leur propose d’enregistrer un 33 tours pour le jeune label breton Kelenn. Le premier millier d’exemplaires est vite épuisé : la moitié du stock étant parti en une seule soirée. Phonogram a vent de ce qui se trame dans l’Ouest et s’offre à distribuer le label Kelenn : Les prisons de Nantes déferlent sur les ondes nationales, Juliette Gréco prend nos quatre amis en première partie de son Olympia en décembre 1972, dans ce lieu mythique où, quelques mois auparavant, a triomphé Alan Stivell. Le groupe devient professionnel en 1973, le jour de l’an.

Faut-il lister ici les faits d’armes de Tri Yann, ses albums, ses musiciens (et musicienne, un court moment de son existence) ses scènes, ses tribulations, ses doutes, ses avancées ? Personne, à leurs débuts, n’aurait parié le moindre verre de chouchen sur leur possible avenir. Même après la vague folk des années soixante-dix, malgré le creux de la décennie suivante (pour le folk comme pour la chanson en son ensemble), le trio vite grandi, vite grossi (ils seront jusqu’à huit dans le groupe), a su naviguer en bons marins sur des océans d’incertitude, de doute et d’avancées, contre vents et marées, en se réinventant souvent, en faisant de la scène un vrai théâtre, une comedia dell arte même.

« Tri Yann – Le meilleur », la dernière compilation en date du groupe, sortie avant l’été

Que restera-t-il de Tri Yann ? Des tas de chansons en nos mémoires vives, de celles qui s’inscrivent sur presque toutes leurs compilations : Chanson de Pelot d’Hennebont, Tri martelod, La jument de Michao, Princes qu’en mains tenez, Si mors a mors, Le mariage de Marie la Bretonne, Le soleil est noir, Kan ar kann, Les filles des forges… Mais plus encore. Certes ils ne furent pas les seuls (Glenmor, Servat, Stivell, Dan ar Braz, Djiboudjep et Michel Tonnerre, le trio EDF, Manu Lann Huel, Red Cardell, Soldat Louis, Denez Prigent…) mais ils ont largement contribué à porter la culture bretonne à la (re)connaissance d’un large public, tant dans tout l’Hexagone qu’ailleurs. Cinquante ans après, plus rien n’est pareil : par tous ces artistes d’exception, la réalité d’une Bretagne riche d’Histoire, de légendes, d’enseignements et de culture n’est plus à démontrer. Ce même si Nantes est toujours bouté hors du territoire breton, cause aux stupides et volontaires politiques de tous poils.

Tri Yann a mérité de la Bretagne, la Bretagne a mérité de Tri Yann. Nos amis peuvent prendre une légitime retraite, leurs chansons ne s’effaceront pas : elles font partie de l’ADN d’un pays. Merci à vous, kenavo !

Ultimes concerts à Nantes (les 4, 5, 10 et 11 septembre 2021 au Palais des congrès) et à Angers (le 7 septembre 2021 à l’Amphitea).

Le site de Tri Yann, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit d’eux, c’est là.

Le Kenavo Tour, au Mans :

« Les rives du Loch Lomond » :