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Luciani, qui de la poule ou de l’œuf ?

Clara-Luciani

À propos de Cœur, le nouveau Clara Luciani, je lis, sous la plume d’un de mes collègues et amis : « Difficile, en effet, d’échapper ces jours-ci à la promo de son deuxième album [qui] tend à prouver que le succès du précédent n’était pas un simple coup de chance au royaume de l’éphémère. »

Que l’ami ne m’en veuille pas, mais je m’inscris en faux ; ça ne se passe pas comme ça à la cime du biznesse. Jamais on n’a attendu l’approbation publique (tenir compte de l’avis des gueux, et pis quoi encore ?) pour diffuser en masse un titre sur les ondes : c’est parce qu’on matraque un titre que les auditeurs, je n’ose dire les « prospects », vont acheter. Ou pas.

Le choix des programmateurs radio-télé n’est d’ailleurs pas lié à leurs goûts (si toutefois ils en ont, ce dont vous me permettrez de douter) mais au pire le diktat, au mieux le partenariat des gros labels : il n’échappe à personne que si vous n’êtes pas cornaqué par une major, vous n’avez quasiment aucune chance de passer en radio-télé. Ne croyez pas que chez France-Inter (c’est un exemple qui vaut certes d’autres stations, mais celle-ci est censée être du service public), on attende d’écouter un disque pour le décréter « disque Inter » et l’inscrire sur leur playliste : ils n’ont sans doute pas encore eu, pas entendu, le prochain Lavilliers qu’ils savent déjà qu’il sera une des préférences de l’antenne, matraqué plusieurs fois par jour à sa prochaine sortie : c’est contractuel.

Ne croyez pas non plus que les bookers attendent la sortie d’un disque pour vendre une tournée. Tout se fait très en amont : les chansons ne sont parfois pas encore écrites ni composées, le studio d’enregistrement même pas réservé, que les dates de la prochaine tournée tombent comme à Gravelotte et que débutent les réservations.

Peu importe la qualité ou non de ce nouveau disque de Clara Luciani, tout était décidé à l’avance, on ne fait qu’appliquer scrupuleusement la feuille de route. Les programmateurs radio la diffusent plus que de raison, les télés l’invitent en masse, les clips défilent sous nos yeux… Et le consommateur est prié d’acheter son disque et de réserver ses places hors de prix pour la prochaine tournée. Manquerait plus que ces médias, qui ne sont que simples tuyaux à tubes, jouent un quelconque rôle critique, et de quel droit ? Qu’ils se prennent pour le grain de sable dans une machine financière bien plus grosse qu’eux. Qu’ils l’éreintent, le boudent, décrètent qu’il est creux, vide, convenu, formaté à outrance (ce qu’il me semble être). Mais non, bien au contraire : on est prié de l’adorer, de l’aduler. Mieux encore, on érige Luciani en nouvelle icône, qui fait de la dénonciation des violences faites aux femmes une part de son fonds de commerce (bien d’autres les ont dénoncées aussi, souvent bien avant elle, mais sur de petits labels ou, pire, autoproduits). La frange contre la fange : pour peu on ferait de Clara le nouveau personnage central du tableau de Delacroix, La Liberté guidant le peuple.

Tout ça, c’est comme une élection où les sondages, dont on peut parfois mettre en doute la bonne foi, vont orienter voire détourner au final les électeurs : qui de la poule, qui de l’œuf ? Luciani est-elle beaucoup diffusée parce qu’elle a du succès, ou a-t-elle du succès parce qu’elle est beaucoup diffusée ? On sait la réponse, il suffit de reconstituer la chronologie.

Peu importe là encore ce que vaut Luciani (elle comme les autres). La façon dont on la diffuse, la promeut, la vend, est simplement une escroquerie. Une de plus, dans ce monde de faussaires.

10 Réponses à Luciani, qui de la poule ou de l’œuf ?

  1. Pol de GROEVE 16 juin 2021 à 9 h 26 min

    Evidemment que plus un artiste bénéficie de promo, plus les gens ont la possibilité de le connaître et que cela influera sur la courbe de ses ventes de disques et d’assistance à ses concerts. Et encore, ça ne marche pas si facilement que ça, on peut trouver des tas d’exemples de disques promus à l’extrême et qui à l’arrivée font des flops.
    Mais ce raisonnement a le défaut de mettre l’artiste sur le côté, comme si tout cela résultait d’une loterie. Parmi la pléthore de chanteurs.euses disponibles sur le marché, pourquoi une major décide de faire bénéficier untel ou unetelle de son pouvoir de promotion ? J’aime me dire que c’est quand même parce qu’ils ont repéré que celui.celle-là avait un petit quelque chose en plus, qui ressemble au talent. Tous les gens du show-biz ne sont pas des ânes bâtés aux oreilles de veau !

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  2. Christophe Artannes 16 juin 2021 à 10 h 15 min

    Et comme ceux qui ont misé sur elle il y a 4 ans et ont claqué beaucoup de tunes pour sa promo marketing et bien lors de ses passages à l’Olympia il y a 2ans elle touchait 180 € brut par soir.
    Voici donc la réponse sans équivoque

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  3. serge anselme 16 juin 2021 à 10 h 36 min

    Même si ce n’est pas nouveau vous avez raison d’écrire cela, ne soyons pas dupes, la perte de repères, le « génial » imposé, c’est la sous culture qui abrutit et évite de penser…

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  4. LeHache 16 juin 2021 à 16 h 11 min

    Je ne connais pas Luciani mais… Merci Michel pour ces réflexions sur le business qui, au fond, encouragent à tracer nos routes venues de l’intérieur.

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  5. ben popp 16 juin 2021 à 16 h 36 min

    Oui Pol (« On on peut trouver des tas d’exemples de disques promus à l’extrême et qui à l’arrivée font des flops ».)
    (Thierry) Matiozek a eu une promo digne des GI’s fondant sur l’Irak et personne n’en a voulu (De Matiozek, pas des GI’s)

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  6. Jean Lapierre 16 juin 2021 à 19 h 13 min

    Le problème de Clara Luciani est celui du 2ème album.
    Et l’attente suscité par la déferlante médiatique…
    Il y a 2 parcours :
    Le parcours créatif de chaque artiste…
    La médiatisation de son travail…
    Je pense qu’elle a une grande sensibilité…
    Mais elle fait avec ce tintamarre…
    Je lui souhaite de sortir indemne et de chanter longtemps…

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  7. Germinal Le Dantec 17 juin 2021 à 9 h 56 min

    Une question de civilisation hautement politique ! Merci mon Michel. Hélas, tant de dupes !

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  8. Carraro JP/CadiJo 17 juin 2021 à 11 h 13 min

    Excellemment bien dit!

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  9. Hart 18 juin 2021 à 23 h 56 min

    Évidemment qu’il y a une machine derrière. Ça n’enlève en rien la sincérité de cette artiste qui est partie de rien, et qui a bâti sa carrière à force de travail et de persévérance. Clara est une passionnée de la musique. Ce qui la distingue, c’est un timbre de voix unique et un univers rétro, classe et sophistiqué, qui pour autant n’est pas inaccessible. Le soucis, c’est qu’elle fait de la chanson Française. C’est pas le style le plus populaire ces dernières années. Pour que ces artistes puissent exister au milieu du rap, il n’ont pas d’autres solutions que de sortir des singles un minimum radiophoniques, et de bénéficier du soutien des médias et radios.

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  10. COUBIPCOU 6 novembre 2021 à 14 h 11 min

    Perso sa « grenade » bien que l’ayant entendue matraquée un certain temps, j’en ai compris le texte qu’une fois énoncé lorsqu’elle fut primée « meilleure chanson de l’année » 2019.La phrase « Sous mon sein, la grenade » est tellement mal prononcée dans son chant (bien que répétée 18 fois) que je ne comprenais pas du tout cela mais plutôt 1 mystérieux : »cela sent la grenade »…

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