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André Brillaud, 1934-2021

André Brillaud (photo Radio-Gatine)

André Brillaud (photo Radio-Gatine)

Franck Halimi,
avec le précieux témoignage de Dominique Desmons,

 

Il est rare qu’une personne porte aussi bien ces attributs de singularité que sont le nom et le prénom.
« André » vient de la racine grecque ???? (an?r), radical ????- (andr-) « homme, mâle ».
Quant à « Brillaud », il s’agit d’un nom de famille de l’ouest de la France, dérivé de « bril », « piège à oiseaux ».

On peut donc dire que le personnage « Dédé Brillaud » fut un homme qui sut prendre les oiseaux de passage, mais aussi les autres, dans ses filets de chasseur de chansons. Car, au-delà du fait qu’il fut pédagogue dans l’Éducation nationale, auteur de manuels d’histoire, correspondant local de La Nouvelle République pour sa chère commune de Saint-Pardoux-Soutiers (proche de Parthenay, dans les Deux-Sèvres) et animateur pour Gâtine FM, ce que toutes celles et tous ceux qui ont pu le croiser dans les festivals chanson de l’hexagone retiendront immanquablement de lui, c’est sa connaissance encyclopédique en matière d’opérette et de chanson française.

 

Véritable puits de science, il était capable de vous raconter la genèse d’une chanson -qu’il tenait, cela va de soi, de l’auteur lui-même (même s’il s’agissait d’un auteur du 18ème… siècle… ou arrondissement, j’ai la mémoire qui flanche, j’ me souviens plus très bien)-, comment les mots lui étaient venus, pourquoi il était allé enregistrer dans tel studio, et puis comment les reprises avaient ensuite été imaginées et fabriquées,… bref, Dédé nous étourdissait de son savoir omniscient. Au point parfois, il faut bien le reconnaître, de nous laisser épuisé à l’heure où blanchit la campagne, complètement KO face à cette fontaine intarissable.

 

Pour le coup, on pouvait alors ressentir le fait d’avoir été pris au piège d’un histrion matois parlant beaucoup de lui-même et de ses rencontres (peut-être) fantasmées. D’autant que, juste derrière ce Pinocchio (souvent) à l’ouest, se tenait immanquablement -discrète et encore plus petite que lui- son Jiminy Cricket au féminin, Marie-Claire. Car celle qui fut « en m’aime temps » femme, mère, intendante, conscience, disque dur (mais, en douces heures) et équilibre indispensable, n’en pensait pas moins. Et un petit clin d’œil de sa part nous faisait comprendre que la sardine alors narrée par son cher et tendre n’allait pas tarder à boucher le port de Parthenay…

 

Arrivé à cet endroit de la nécrologie, vous êtes tout à fait en droit de vous demander si je ne suis pas en train d’enterrer Dédé une seconde fois. Mais, c’est sans compter sur toute la tendresse, les sourires et la reconnaissance que j’ai pour la vie de nous avoir permis de nous rencontrer. Parce que vous aurez bien compris que des comme lui, y en n’a pas 2 ! Parce que si, tomber sur Dédé, c’était l’assurance de ne pas pouvoir en placer une, c’était aussi la chance de vivre un moment intense et passionnant. C’était également l’opportunité de découvrir des petits bijoux de chansons qui, jusqu’alors, nous avaient totalement échappé (alors que, chez NosEnchanteurs, on aurait plutôt tendance à être l’affût de tout ce qui sort et de tout ce qui sonne).

 

Parce que ce que je ne vous ai encore pas dit, c’est que, si vous aviez la chance de passer du côté de Saint-Pardoux-Soutiers (qui ne se situe qu’à 17,2 kilomètres du centre du monde, soit le village de Pougne-Hérisson selon le conteur Yannick Jaulin), il était inutile de montrer patte blanche (car Dédé le savait déjà) et il était hors de question que Marie-Claire et lui ne vous ouvrent pas tout grand les portes de leur maison, où vous étiez alors accueilli comme un prince. Et là, c’était la caverne d’Ali-Baba ! Sans dire trop de conneries, je pense qu’y étaient soigneusement entreposés et classés, dans plusieurs pièces, quelques 25.000 disques (des phonogrammes aux CD, en passant par les vinyles) : une discothèque unique en son genre ! Et l’intarissable Dédé était alors capable de nous enivrer d’anecdotes plus savoureuses les unes que les autres jusqu’au bout de la nuit.

 

Et puis, l’une des plus remarquables singularités de l’ami Dédé et de ses 87 balais -qui dépoussiéraient tout ce qui passait à leur portée-, c’est que, malgré son amour de l’opérette et de la chanson dite « de qualité », il ne s’était pas arrêté aux chanteurs-poètes rive-gauche… loin de là ! Il était à l’affût de tou.te.s les p’tit.e.s jeunes et de tout ce qui sortait, avec une écoute à la fois exigeante et empathique. Certainement parce que la chanson est le mode d’expression qui, lorsqu’il est émis avec âme et talent, touche le plus directement au cœur tous les sensibles qui ne sont pas sans cible. Mais aussi, parce que ce Pinocchio émotif et fragile (qui n’était pas de bois), au-delà du « brillant » qui l’attirait, du « bruyant » qui le caractérisait et du « brio » qui l’animait, fut, tout simplement, ce Brillaud, chasseur-cueilleur ancestral et érudit partageur de beauté, qui savait bien que : « Y a des oiseaux de basse cour et des oiseaux de passage. Ils savent où sont leur nids, qu’ils rentrent de voyage ou qu’ils restent chez eux : ils savent où sont leurs œufs. »

 

Et si André Brillaud est mort quelque part, Dédé restera bien vivant en nous ! Et pour longtemps encore…

10 Réponses à André Brillaud, 1934-2021

  1. Michel Kemper 29 avril 2021 à 14 h 16 min

    Merci Franck. Dédé méritait bien un tel hommage ;)

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  2. Anne-Marie Panigada 29 avril 2021 à 15 h 09 min

    Ca me peine beaucoup, la disparition de Dédé. Il n’y en avait que deux en ce bas monde, André et Jacques Roussel, pour lequel on aurait presque pu écrire la même chose. J’y associerais tout de même aussi Francis Chenot, leur pair belge, mais lui était tellement… discret… De vraies « encyclopédies vivantes », dont les connaissances pointues ne viennent pas essentiellement des livres ou des disques lus ou écoutés, mais bel et bien d’un vécu, de rencontres dont nous avons parfois été jaloux. Des vies riches, bien remplies, qui laisseront forcément des traces… Eh Franck, il manque une toute petite chose, dans la description du bonhomme : les bottes ! je crois que je ne l’ai jamais vu sans ses santiags ! Une tendre pensée pour la douce et effacée Marie-Claire, qui doit être bien en peine.

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  3. PITHON Bernard 29 avril 2021 à 18 h 46 min

    Oui, oui Merci pour lui et il le mérite. Un ardent défenseur de la chanson. Combat de toute sa vie. Et pour ceux qui ne le sauraient pas une collection de disque et CD FABULEUSE ! Je pèse mes mots. Il me semble qu’il m’avait dit qu’il la léguait au Département ? J’espère qu’effectivement ces milliers de documents seront sauvés et accessible aux passionnés !

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  4. Danièle Motin 29 avril 2021 à 19 h 57 min

    Merci d’avoir trouvé les mots pour parler de Dédé, si « extravagant » qu’il est difficile d’en dessiner les contours… Chacun de nous garde la mémoire de ce qu’était la sienne : phénoménale, universelle, sans failles (et s’il y avait un doute, Marie-Claire était son joker) ; pour la personne qui a écrit le message précédent, Marie-Claire est partie avant lui, il y aura un an en juillet et on ne peut que penser qu’il avait hâte de la retrouver.
    Dédé, nous ne profiterons plus de tes découvertes pleines d’enthousiasme « écoutes ça ! » Tu nous offrais à chaque fois « le N°1 du top 50″ … encore plus extraordinaire que le précédent : on a atteint des sommets ! Et toi, tu as changé de scène mais le spectacle est là, avec toi : Salut l’artiste et cher ami si bienveillant pour chacun de nous.

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  5. Franck Halimi 29 avril 2021 à 20 h 13 min

    Oui, tu as raison pour les santiags, Anne-Marie.
    En revanche, Marie-Claire était partie la première, en juillet l’année dernière.
    Et je pense que Dédé ne s’en est pas remis…

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  6. Laurence Belliard 29 avril 2021 à 23 h 01 min

    Merci pour ce témoignage, cet hommage dans lequel je retrouve bien vivant « notre Dédé », accompagné de sa discrète Marie-Claire.
    Je les imagine se souriant, s’étreignant, heureux d’être enfin de nouveaux ensemble.
    Eh oui, les santiags !! Moi aussi je les avais oubliés…
    Ah ! Quel personnage inoubliable ! Oui Danièle, il était bienveillant…

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  7. Babette Richard 30 avril 2021 à 0 h 40 min

    Merci Franck pour ce bel hommage à notre Dédé « national »

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  8. babou 30 avril 2021 à 11 h 18 min

    Quel personnage haut en couleurs qui nous en faisait voir de toutes les couleurs. !
    Quelle culture pointue au milieu de sympathiques extravagances !
    Sacré Dédé, connu comme le loup blanc, un bon et brave loup qui va nous manquer

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  9. Marc Gicquel 30 avril 2021 à 16 h 54 min

    Mon Dédé à moi….

    Le hasard (le destin ?) fait que je m’inscris à un stage de chant de Vocal Plus en juillet 2000 à l’Abbaye des Dames à Saintes… Vocal Plus était animée par quelqu’un de rare, Jacques Baraton, avec en cheville ouvrière à l’intendance sa compagne Danièle Motin, et comme principal intervenant artistique Dominique Desmons.

    Sans le savoir, je tombe sur une association dont l’objectif est d’amener des amateurs à préparer des spectacles comme des « professionnels »… Cela, je le comprendrais plus tard.

    André Brillaud était présent à la fois comme documentaliste mais aussi animateur de moments d’information sur l’histoire de la chanson. Il était hyper pointu sur ce dernier point…mais n’admettait pas qu’on lui fasse remarquer une légère erreur… ce que je fis car sur un point j’étais sûr de mon fait… ça commençait bien, car il était têtu (mais pas rancunier). Lors de ce stage, il demanda à chacun « quel est ton projet ?»… J’étais bien embêté pour répondre…car je venais pour me faire plaisir… et je lui répondis que mon « fantasme » était de chanter devant famille et amis ; il me répondit « eh bien tu le réaliseras ! ». Je lui montrai alors une première sélection de chansons qui pourraient y trouver leur place…et il me dit « tu as un chanson d’entrée de scène ? »… « euh, c’est quoi une chanson d’entrée de scène ? »… il me dit « il faut que tu chantes celle-là »… C’était « Puisque je vous retrouve » de Jean Marie Vivier… il avait visé en plein dans le mille ! Je ne le remercierai jamais assez.

    3 ans après, en 2003 donc, grâce aux week-ends et stages d’été de Vocal Plus, je montais ce spectacle devant une centaine de personnes de familles et amis, spectacle qui, indirectement par les titres retenus, renvoyait à ma vie… Certes Dédé aurait bien aimé que je retienne « A l’enseigne de la fille sans cœur » qu’il essayait de refourguer à tout le monde… Personne ne nie l’intérêt de cette chanson, mais mes choix étaient tout autres. Il revint plusieurs fois à la charge ultérieurement.

    Parmi les souvenirs de Dédé, je me souvient le voir arrivé tout de cuir vêtu, avec ses santiags et une chaine dorée autour du cou, le poitrail apparent… à 70 balais quand même… c’était son style. Autre souvenir, dans les soirées de Vocal Plus (les soirées du Trou du Luc… seuls les initiés comprendront le nom) ou lors des week6ends de formation, il venait voir chacun et chacune des chanteurs pour donner son avis… franco de port, mais avec lui, tout était accepté car exprimé pour nous faire avancer.

    Autre souvenir : souvent il disait « c’est extraordinaire » à propos d’un spectacle ou d’une chanson… C’est sans doute pour cela qu’il s’entendait bien avec ma sœur Anne (chanteuse également) car il n’y avait pas de graduation dans leur ressenti. Nous étions nombreux à en sourire…

    Et puis comment ne pas confirmer le couple adorable qu’il formait avec Marie Claire… Franck, que j’ai connu dans un stage de Vocal Plus, a eu tout à fait les mots justes la concernant. Je ne suis allé qu’une seule fois passer 2 journées chez eux pour une collecte de chansons en vue d’un nouveau spectacle. Parmi ses 25 à 30 000 disques des années 20 à nos jours m’a proposé des raretés qu’il a enregistrées pour moi, et m’a fait écouter tant et tant de titres… à tel point que Marie Claire m’a sauvé vers une heure du matin en lui disant « tu ne vois pas que Marc résiste au sommeil ? ». Et il n’est pas possible de parler de Marie Claire sans parler de son jardin et de son amour de la cuisine…

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  10. Menanteau Claire 26 mai 2021 à 16 h 51 min

    Comment pourrait-on oublier un couple si gentil et cultivé? L’écoute des chansons dans le salon, les petits-plats de Marie-Claire et son amour pour les plantes. Dédé, ça fait très longtemps (1996? 1997?), tes écoutes, tes encouragements, ton invitation à la radio et sur le plateau de St Pardoux avec A. Aurenche, les ripailles dans le garage juste après, puis les rencontres à Entrebrault quand tu venais voir, un peu plus tard, C. Paccoud, M. Bernard, les Yannick chers à Patrick Jean ou une magnifique chanteuse polonaise découverte par G. Bourgeois… Je viens seulement d’apprendre votre départ à tous les deux. Je vous regretterai car je conservais toujours une petite pensée pour vous même si certain(e)s s’étaient évertué(e)s à mettre de la distance entre nous depuis 2001.

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