Vianney : qu’attendez-vous ?

Vianney (photo Jérôme Witz)

Par bien des côtés, Vianney est un chanteur énervant. Déjà, son look de gendre idéal et son sourire permanent… Suffisant pour mettre les nerfs à pas mal de monde ! Si on y ajoute le succès fulgurant qu’il connaît, avec deux malheureux disques seulement derrière lui, voilà de quoi susciter bien des jalousies et des aigreurs, sur l’air célèbre du « Pourquoi lui, alors qu’il y a des tas de chanteurs bien mieux qui n’arrivent pas à percer ? ».

Son troisième CD, intitulé N’attendons pas, sera-t-il l’occasion de réconcilier les extrêmes ? Allez savoir. Le succès public, à en lire la presse, semble déjà là. Qu’on s’en réjouisse ou le déplore, le constat s’impose : cet homme plaît et ce qu’il propose trouve sans mal le cœur de son public, probablement autant touché par la sympathie et la simplicité que l’artiste dégage que par ses chansons bien tournées, petites tranches de vie où chacun peut se reconnaître.

Une chose est sûre : si le disque n’avait pas rencontré le succès escompté, Vianney n’aurait pu s’en prendre qu’à lui-même. Auteur-compositeur de tous les morceaux, il en est en outre l’arrangeur et le réalisateur de l’album. Cet album est bien le sien, de A jusqu’à Z. On y retrouve d’ailleurs d’emblée sa patte. D’abord avec son chant, mélange d’Ed Sheeran et de Dick Annegarn, tout en rupture de ton, ne cherchant jamais la facilité. Ensuite par l’omniprésence de sa guitare, qui l’avait accompagné en solo durant la tournée qui avait suivi ses deux premiers opus, même dans les plus grandes salles. C’est donc tout naturellement que son instrument de prédilection est mis en valeur dans les orchestrations, souligné discrètement d’un ensemble de cordes, d’une batterie, d’un piano ou de programmations. Une option acoustique bien vue, sans surproduction inutile, idéal écrin pour des chansons aux senteurs de tradition.

A l’instar d’un Aznavour, Vianney chante les gens. Avec humanisme et humilité. Avec un romantisme fleur bleue assumé. Avec un humour distant. Avec toujours le regard tourné vers l’autre. C’est l’ami que l’on remercie pour ce qu’il vous apporte (Merci pour ça) en donnant dans la relecture du Petit Prince : « S’il n’y a que du cœur qu’on voit bien / Avant toi je ne voyais rien ». C’est, Pour de vrai, l’engagement durable dans le couple (« Et les coups de poings, les coups de vieux / J’veux qu’on les prenne à deux »). C’est la difficulté d’élever l’enfant d’un autre dans le cadre d’une famille recomposée (Beau-papa). C’est le portrait intime de l’être aimé (La fille du sud). C’est l’importance de tenter quelque chose, plus que la réussite elle-même (J’ai essayé). C’est la prière adressée à son grand-père défunt (Tout nu dans la neige). C’est l’envie d’être soi sans céder à la mode du moment (Mode, je te maudis, tu me voles / Qui je suis si j’te suis). C’est la conscience de susciter la raillerie par son idéalisme affiché (Les imbéciles). C’est l’urgence de la vie qui frappe à la porte (N’attendons pas).

Des chansons simples, sans recherche poétique excessive, que certains ne manqueront pas de brocarder pour leur naïveté apparente, voire leur mièvrerie, mais qui toucheront ceux qui se laisseront émouvoir par leur pudeur et leur sincérité.

N’attendons pas est un disque optimiste et positif, œuvre d’un artiste résolu à chanter ce qu’il y a de bon en nous et à nous exhorter à aller de l’avant. Un message bobo bon teint, pourra-t-on ricaner. Pourtant, par les temps mortifères que nous traversons, est-il vraiment plus malin de faire la fine bouche et de tourner le dos à ceux qui clament leur espérance malgré tout ?

Vianney, N’attendons pas, VF Musiques/Tôt ou Tard, 2020. Le site de Vianney, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là.

« Beau-papa » :