Joan Pau Verdier, 1947-2020
Vous pouvez ne pas connaître ce chanteur occitan qui, pourtant, dans les années soixante-dix, caracola au fronton de la chanson d’engagement, au même titre que François Béranger, Gilles Servat et Bernard Lavilliers. Selon qui nous étions, nous l’avons rangé dans un tiroir ou dans un autre. « Chanteur régionaliste », « chanteur engagé », « chanteur folk » même. On a souvent oublié de lui adjoindre le terme, plus vrai encore, de « chanteur libre, indomptable ». Libre, il l’était. Et l’a payé. Il fut un temps où les « minorités nationales » (dans lesquelles on trouvait des artistes comme Roger Siffer, Gilles Servat, Claude Marti et quelques autres d’un même et excellent tonneau) furent à la mode, avec des attentes chez le public fort différentes. Si Verdier entreprend de recouvrer sa langue comme on recouvre une créance (selon la jolie formule de l’historien Louis-Jean Calvet), il n’en abandonne pas la langue française pour autant. Ces trois premiers albums comprennent autant de titres en occitan qu’en français, comme d’ailleurs le faisait Stivell, le breton. « Lo parlar daus païsans, amar torna flurir / Jos la pluma de fer de jaùnes trobadors… [Le parler des paysans refleurit amer / Sous le plume de fer de jeunes troubadours...] ». Comme le produit bâtard d’une éducation : la langue du grand-père et celle des écoles. Ce que lui reprocheront amèrement les militants occitans purs et durs, dans une querelle qui a tout d’une guerre sans merci, s’étalant à couteaux tirés dans la presse, même parisienne. D’autant plus que Verdier est le premier artiste occitan à signer avec une major : ce qui est pour beaucoup une inexpiable trahison. Combat d’arrière-garde désormais, quand on sait que c’est grâce à Joan Pau Verdier et à quelques autres que la langue occitane a progressé dans les consciences.
Verdier aurait pu se contenter d’une chanson « folklorisante » comme l’était le folk également en vogue à cette époque, par des groupes d’importance (Mélusine, La Bamboche, Malicorne, La Chiffonie…), mais ce ne pouvait être son propos. Lui est un enfant de Léo Ferré, libertaire, rebelle, insoumis, qui cherche la poésie du maître, qu’il interprétera souvent. Dont il fera deux albums, dont l’un en occitan. Il est aussi enfant de son époque, de la pop, du rock, d’un son qui va chercher un public plus large : comme Béranger en ces années-là, comme bientôt Lavilliers, il électrisa avec talent sa chanson. Ne gardons pas le souvenir de Joan-Pau Verdier comme un chanteur folk (ce qui du reste ne serait pas déshonorant) comme aimeraient visiblement s’en souvenir les quelques hommages déjà publiés ce jour dans la presse. C’est une voix (et un son) poétique et politique : il est et restera une des figures majeures de ces années-là. Comme la plupart des artistes d’alors, les années quatre-vingt l’amenèrent dans un relatif et regrettable oubli public.
Collaborateur de Radio-bleu depuis près d’un quart de siècle, par une émission en langue d’òc, co-fondateur du groupe Bigaroc et membre du groupe Peiraguda, Joan Pau Verdier est à la hauteur de dix-sept albums dont Tabou le chat et Le Chantepleure, disques auto-réédités en 2010. Son dernier opus est Les Rêves gigognes, paru en 2010. Verdier est décédé, au matin du jour où se fête la Musique, d’un cancer.
J’ai le souvenir d’un garçon talentueux et généreux, militant bien sûr, chantre de la cause occitane ! Je suis très triste à l’idée de sa disparition !
Que rajouter ? Un grand ignoré de la chanson… Ha, que reviennent des Philippe Meyer et autres Isabelle Dhordain, Claude Villers et Jean-François Kahn qui programmaient ses galettes entre nos oneilles ! (là, j’ai l’impression de virer vieux !)
Merci pour ton « papier » si juste, Michel !
Oui, Michel, excellent article très juste et exhaustif sur la palette multicolore de Verdier !
Tristesse. J’ai l’album « Leo domani ». Merci Michel pour l’article
Oui, un grand merci Michel Kemper pour cet article qui nous ramène si utilement plus de quarante ans en arrière. Joan-Pau Verdier était plus qu’un chanteur folk, un chanteur tout simplement. Et il a en effet plus contribué à la défense de la cause occitane que bien des artistes puristes, lesquels n’ont pas du tout démérité pour autant.
Il serait intéressant, à l’occasion, de revenir sur la chanson « régionaliste » en France, et de rappeler, par exemple, que ce courant chansonnier des années 70, avec ses nombreux auteurs et interprètes, ne participait pas d’un repli sur soi, sur son village, sa région, mais au contraire d’une belle ouverture sur le monde.
(Ils voulaient simplement, et à juste titre, que la langue de leur « pays »ne meure pas)
Ainsi, des chanteurs occitans comme Patric et Claude Marti
se
revendiquaient ouvertement « citoyen du monde ».
Rétrolien LA TÊTE À L’ENVERS, une actualité de la biosphère – juin 18 – 2019 | Planetary ecology
Merci pour ce si juste et si bel hommage… C’est Jean Dufour, son agent, qui nous avait présentés un jour l’un à l’autre et j’avais chanté dans certains de ses concerts… Un artiste pur… Je suis très attristée…
Excellent article Michel !!! dommage ignoré des festivals chanson dans les années 2000 ! fraternel, coincidence, en rentrant de la mer lundi passé, je me suis arrêté dans la Venise verte du Périgord, Brantôme. Dans ce parc là, je l’ avais entendu en concert à l’ air libre ! Quand j’ ai allumé l’ internet à mon retour, j’ ai appris sa disparition !