Leïla Huissoud : l’Auguste secousse…
13 septembre 2019, Le Quai des rêves, Lamballe (Côtes-d’Armor),
La présentation des saisons culturelles peut nous valoir de bien beaux concerts. Ainsi le Quai des rêves qui programmait Leïla Huissoud. Version Auguste le clown. Auguste/Leïla monte sur scène comme on monte sur un ring : avec sa rage, avec son cœur, avec ses tripes…Leïla, c’est une présence et une puissance vocale impressionnantes. C’est ce qui saute aux yeux d’abord. Un petit bout de femme qui crie l’écriture qui la sauve, mais la pousse aussi à déballer avec impudeur son intimité devant tout le monde. Les mots sont souvent crus. Il lui arrive d’affirmer que « La Fontaine était zoophile / Et Molière exilé fiscal / Quand les littéraires nous enfilent / On sent mieux passer la morale » (La Farce). Les mots grattent, secouent, dérangent parfois. Quoi de plus naturel alors que cette reprise de L’infidèle, de Patrick Font, qui raconte l’histoire d’une femme trop libre par rapport à son époque, et qui chérit sa liberté plus qu’aucun de ses amants. Derrière la rage apparente, on perçoit des choses plus nuancées. La peur sous-jacente de n’avoir peut être un jour plus rien de bien à écrire lorsque, dans La Farce, elle fait dire à son personnage Loulette « t’as rien à dire mais tu l’fais bien / t’as qu’à sourire avec les dents / Pis on applaudit à la fin ». Ou la nécessité de défendre les artistes et la culture.
Avec une belle science du rythme, elle alterne de jolis moments d’émotion retenue. Pour rendre hommage à son père qui lui a transmis la passion de chanter et qu’elle encourage en retour à prendre la plume. Ou lorsqu’elle imagine une longue étreinte solitaire pour se consoler de l’absence d’un amant (En fermant les yeux). Mention spéciale pour la chanson Jolies frangines qui raconte avec force le temps qui distend les liens entre sœurs, « à p’tit coup d’choix / à grand coup d’déménagements ». Le thème parlera probablement à beaucoup de gens. Et l’accompagnement aérien et dépouillé à la contrebasse (Sylvain Pourrat) et au piano (tenu ce soir-là par Elodie Andrianantenaina) accompagnent à merveille l’émotion de cette chanson-là.
Leïla Huissoud, ce sont également de savoureuses idées d’écriture. Ainsi rebat-elle les règles de l’amour en imaginant faire Un enfant communiste avec quelques notes de L’Internationale en intro et beaucoup de solennité et de militantisme dans la gestation. Elle rend aussi un hommage rafraichissant à Brassens en se permettant une suite à L’orage, cette fois-ci du point du vue du cocu (Le vendeur de paratonnerres).
Au rappel, elle reviendra seule rechanter la chanson La vieille (aussi de Patrick Font), généreuse et tranquille : « J’ai pas besoin de vous claironnaient tous les vieux / Chaque fois qu’un député voulait s’occuper d’eux / Car vous n’avez pas su vous occuper de nous / Du temps où nous avions encore confiance en vous ». Leïla Huissoud nous aura offert en mettant tout son cœur des coups de gueule, des coups de grisou, quelques rires et nombre de frissons. Après le concert, elle dira simplement qu’il ne faut pas prendre tout ça trop au sérieux, qu’après tout ce ne sont que des chansons. On se dira en partant que Leïla est une bien grande petite chanteuse.
Le site de Leïla Huissoud, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit d’elle, c’est là.
Excellent papier qui reflète bien l’artiste et les petits bonheurs qu’elle a distillés lors de cette belle soirée offerte par le Quai des Rêves. Une très belle artiste à qui je souhaite le meilleur.