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Nougaro, la revisite du monument

cd autrement dit petitQuinze ans déjà que Claude Nougaro est parti s’assurer de la couleur de peau des anges, là-haut. L’occasion pour l’industrie du disque de remettre le maître des mots sur le pavois médiatique. Et reconnaissons que pour une fois, ce triste anniversaire a donné naissance à un beau projet, bien loin des sempiternels disques-hommage où défilent les habitués des commémorations.

L’originalité est de mise. Les artistes embarqués – et non des moindres – ont en effet eu pour mission de réinventer totalement l’œuvre mise à l’honneur. Paroles et musiques. Ceux-ci se sont donc emparés d’une chanson du troubadour occitan pour, s’en inspirant, en créer une nouvelle, avec leur patte habituelle, leur style, leur touche. Le résultat, comme toujours dans ce genre de projet, est inégal, mais à coup sûr ne pourra-t-on reprocher à personne d’avoir sombré dans la facilité.

Miossec3-600x600Un exemple pour mieux comprendre : voici un extrait de Va-t’en, va-t’en, soit la célèbre chanson de Nougaro Une petite fille, revue et corrigée par Miossec, pour un résultat rock et tranché :

Tu pleures, tu pleures sous la flotte
L’amour, ça glisse, c’est de l’eau courante
On croit qu’il faut quitter sa grotte
Mais on sait bien qu’on est mieux dans son antre
Alors va-t’en, va te noyer
Va te noyer, mon adorée

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L’INSEMINATEUR ET LA TROTTEUSE . Dans un de ces cloaques squatté par les fantômes Des ruminants hagards vautrés dans le compost Un Don Juan d’occasion se rêvait en binôme Avec une courtisane maquée chez Chronopost La belle tapinait sur le boulevard du temps Serinant à l’envi sa triste mélopée Un refrain minimal, lascif et entêtant A transformer Saturne en accro éclopé Bien sûr l’autre naïf avait sans guerre ni lutte Tatoué à l’opinel l’image de sa roulure Le moindre des recoins de son rouge occiput Et errait dans la nuit en quête d’aventures . Dans un de ces cloaques aux relents bucoliques Niché dans le passé près du Futuroscope Entendez la clameur des junkies hystériques Les houris délaissées mendient leur dose de dope Elles réclament la tête et ce qui va avec De celui qu’elles partagent ainsi qu’une private joke Plus avides qu’un tox qui aurait plus un kopeck Elles veulent sniffer l’amour comme une ligne de coke Mais l’objet du désir nourrit d’autres espoirs Qu’importe son destin de dealer de semence Il va fuir à jamais ce côté du miroir Le côté des Alice frappées de somnolence . Dans un de ces cloaques on n’a jamais permis Aux mâles dominants du clan des saute-au-paf De se garder solo pour leur petite amie Il va falloir conclure, préparez l’épitaphe La fin, tu le devines, est cousue de fil blanc Pas b’soin d’ bigophoner à la Madame Irma Ici les frappadingues au spleen envahissant On leur règle leur compte sans faire de cinéma La camarde était prête, le pied au starting-block La catin convoitée a sonné le départ On peut servir à table en guise de five o’clock La dépouille du héros dans son jus de pinard

L’INSEMINATEUR ET LA TROTTEUSE
.
Dans un de ces cloaques squatté par les fantômes
Des ruminants hagards vautrés dans le compost
Un Don Juan d’occasion se rêvait en binôme
Avec une courtisane maquée chez Chronopost
La belle tapinait sur le boulevard du temps
Serinant à l’envi sa triste mélopée
Un refrain minimal, lascif et entêtant
A transformer Saturne en accro éclopé
Bien sûr l’autre naïf avait sans guerre ni lutte
Tatoué à l’opinel l’image de sa roulure
Le moindre des recoins de son rouge occiput
Et errait dans la nuit en quête d’aventures
.
Dans un de ces cloaques aux relents bucoliques
Niché dans le passé près du Futuroscope
Entendez la clameur des junkies hystériques
Les houris délaissées mendient leur dose de dope
Elles réclament la tête et ce qui va avec
De celui qu’elles partagent ainsi qu’une private joke
Plus avides qu’un tox qui aurait plus un kopeck
Elles veulent sniffer l’amour comme une ligne de coke
Mais l’objet du désir nourrit d’autres espoirs
Qu’importe son destin de dealer de semence
Il va fuir à jamais ce côté du miroir
Le côté des Alice frappées de somnolence
.
Dans un de ces cloaques on n’a jamais permis
Aux mâles dominants du clan des saute-au-paf
De se garder solo pour leur petite amie
Il va falloir conclure, préparez l’épitaphe
La fin, tu le devines, est cousue de fil blanc
Pas b’soin d’ bigophoner à la Madame Irma
Ici les frappadingues au spleen envahissant
On leur règle leur compte sans faire de cinéma
La camarde était prête, le pied au starting-block
La catin convoitée a sonné le départ
On peut servir à table en guise de five o’clock
La dépouille du héros dans son jus de pinard

L’artiste ayant évidemment puisé dans le vaste répertoire du disparu ce qui le ramenait le plus à son propre univers, quoi d’étonnant de voir Bernard Lavilliers donner sa vision de Quatre boules de cuir

On est deux sur le ring
Lui le trop vieux boxeur et moi le king
La foule est déchaînée
Elle veut le sang impur de mon aîné
Je vois ses yeux là-bas
Aussi rougis de sang qu’un coutelas
Je n’aurai pas le choix
Pour me sortir d’ici, c’est lui ou moi

alain-souchon-album-souchon-dans-l-air-2Dans le livret, où chaque participant décrit sa démarche en quelques mots, Alain Souchon explique : « J’aime beaucoup cette chanson emblématique de Claude qu’est Toulouse. Mais ce qui me frappe, c’est que le monde qu’il y décrit est d’une rare violence, tant verbale que physique. D’où mon idée de me mettre dans la peau d’un enfant qui n’a pas forcément la force de caractère nécessaire pour passer outre ». Cela donne donc Ville rosse :

Des briques rouges et de l’eau verte
Des cartables à gnons
Dans mon cœur une plaie ouverte
Comme une p’lure d’oignon
Même les filles aiment la bagarre
Ma mamie aussi.
J’aurais dû être un mastar
Déjà tout p’tit
On te surnomme la ville rose
Est-ce pour les ecchymoses ?
Toulouse, ma ville rosse
Ma fée Carabosse

renaudPour Cécile, ma fille, il fallait un poète de l’enfance. Qui d’autre que Renaud aurait pu relever le défi ?

Elle voulait un marmot
Moi j’étais pas trop chaud
Repeupler le pays
Non merci
Pas besoin, j’lui disais
D’ajouter un couplet
Je connais la galère
D’être père
Mais tu sais, les gonzesses
Par le cœur, par les fesses
Elles savent t’embobiner
Sans s’presser
Et bien fait pour ma pomme
Tu as déboulé comme
Le grisou dans la mine
Ma gamine

Pierre-Perret-Mes-chansons-sont-toutes-des-prieres_articleMême Pierre Perret s’y est collé, pour une chanson (très) librement inspirée d’Armstrong.

Ecoutez les poteaux, la sombre histoire du gars
Qui rêvait en loucedé d’être chanteur de charme
Sans savoir que pour ça, le nec le plus ultra
C’est d’être noir de peau, même si t’es de Paname
Car apprenez Messieurs, n’en déplaise à Marine
Que les louloutes ne craquent que pour les chanteurs black
Leurs voix les font sauter fissa hors de leur jeans
Et nous on est sexy comme Jean-Sébastien Bach

leprestUne jolie surprise en outre : interprété et mis en musique par Romain Didier, nous avons la joie de nous mettre dans les oreilles un texte inédit d’Allain Leprest, qui s’était prêté à l’exercice de la recréation à l’occasion d’un atelier d’écriture, sans se douter que ce texte se retrouverait gravé bien des années plus tard. La pluie fait des claquettes selon le poète, c’est ceci :

Il pleut des seaux ce soir, manque de bol, manque de pot
Le ciel a décidé de vider ses dépôts
Elle fait son cinéma, elle joue les Fred Astaire
La pluie claque sur moi comme partout sur la Terre
C’est London, c’est Broadway, la lady is a trempe
Elle a éteint d’un jet tous les feux de la rampe
J’ai rangé mes impairs, pendus à la patère
La pluie claque sur moi comme partout sur la Terre

On pourrait poursuivre l’inventaire mais je m’en voudrais de déflorer la surprise. Car pour une chanson  plus faible – le Tu verras revu par Pascal Obispo (Ah tu vas voir, tu vas voir, tu vas voir / Tu vas voir chaque jour / Oui tu vas voir, tu vas voir, tu vas voir / Que je t’aimerai toujours / Mon amour) –, que de perles encore : Picole blues par Eddy Mitchell (sa version de Je suis sous), Je me fais du cinoche par Sansévérino (variante du Cinéma) ou Un jour à N.Y. par CharlElie Couture (Nougayork mis à sa sauce). La palme de mon cœur revient toutefois à Hubert-Felix Thiéfaine, qui aura su le mieux marier les deux univers pour en faire une œuvre qui ne déparerait en aucune façon dans son propre répertoire (voir encadré : reconnaissez-vous la chanson qui l’a inspiré ?).

Ce Tribute original s’intitule Autrement dit. Le CD de nouvelles chansons s’accompagne d’un 2ème CD reprenant les versions originales du toulousain. Pour le même prix, vous bénéficiez donc à la fois d’un disque sortant de l’ordinaire par la crème des chanteurs français et d’une excellente compilation de succès indémodables. Qui dit mieux ?

 

Divers artistes, Autrement dit, April Fish Records/Columbia, 2019. Ce que NosEnchanteurs a déjà dit de Claude Nougaro, c’est ici.

7 Réponses à Nougaro, la revisite du monument

  1. Sylvie Brochet 1 avril 2019 à 7 h 42 min

    J’aime plus que tout le sérieux de l’information et la qualité rédactionnelle de ce site à nul autre pareil. Mais. Mais nous sommes le 1er avril et j’ai subitement comme un doute… En fait, c’est trop beau pour être vrai.

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  2. Michel Kemper 1 avril 2019 à 9 h 39 min

    Qu’il me soit permis de féliciter ici Pol de Groeve pour sa prose, pour ses vers… Bravo !

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  3. Vasseur Isabelle 1 avril 2019 à 9 h 43 min

    pas un poisson tout de même ? je n’y aurais même pas pensé ! … Moi j’y crois et je vais aller l’acheter de suite :-)

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  4. Eric Yzerd 1 avril 2019 à 9 h 44 min

    J’aime bien le nom de la maison d’édition du disque…

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  5. Joël Luguern 1 avril 2019 à 10 h 06 min

    L’année dernière, s’agissant de chansons sur Jean Vasca, j’avais deviné dès la première ligne qu’il s’agissait d’un poisson d’avril.
    Là, en revanche, je me suis fait avoir… Et il a fallu le commentaire de Sylvie Brochet pour que je réalise que je me suis fait avoir…
    Bravo Pol de Groeve, et toutes mes félicitations !!!
    En plus, j’ai un doute. Avec un nom pareil, le 1er avril, Sylvie Brochet existe t-elle vraiment ?
    Si oui, elle est en effet très bien placée pour détecter les poissons… d’avril !

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  6. Jo Torès 1 avril 2019 à 12 h 51 min

    Extraordinaire ce poisson … Parce que l’on a envie d’y croire, en vers et contre tous.
    Merci NosEnchanteurs et Pol de Groeve de nous ré-enchanter !
    Jo

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  7. odile Fasy 2 avril 2019 à 11 h 41 min

    Mais moi aussi je suis tombée dans le bocal du poisson !
    Dommage, c’était une idée très originale…
    Bravo pour la revisite, c’est très bien écrit !

    Répondre

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