Pierre Perret, amour, humour, dignité, liberté
1er décembre 2018, La Forge, Le Chambon-Feugerolles,
Perret n’est pas de ceux qu’on vient applaudir pour ses dernières chansons, que du reste on ne connaît pas. On vient réentendre ce qu’on sait de lui, le tendre, le drôle, l’osé. Parfois l’indigné. Retrouver Alice, Lily, Blanche, Alphonsine, la Corynne, Malika, Lucette, Cuisse de mouche, sa femme, les nôtres, celles libérées, les autres battues, grillagées… On vient, par lui, retrouver un peu de notre passé, bouffer au Tord-boyaux, donner sa nouvelle adresse, vendre des confitures et colmater les tuyaux, réviser son dictionnaire de baisers… Lui le sait et ses récitals tiennent plus de la compilation que de la présentation des p’tites dernières.
Là, c’est presque pas pareil. Il y a trois semaines est sorti son nouvel album (la critique de NosEnchanteurs, c’est ici) qu’il présente pour la première fois en scène, ce soir à La Forge. Tant qu’il en lit les textes posés sur son pupitre : tant d’étapes les ont précédées qu’il n’est pas encore bien sûr d’en connaître par cœur les versions finales. Il a le trouillomètre à zéro, les chocottes, les foies, joue des castagnettes. Comme un gamin que l’instit interroge, un puceau devant une fille de joie, un gilet jaune à son premier rond-point. Et s’essaie avec un titre en phase avec l’actualité : Les émigrés. Première et longue ovation. Puis parle de ses copains de Charlie-Hebdo tombés le crayon à la main : c’est Humour Liberté. Emotion. Seconde ovation. Puis ose une un peu plus Lourdes, même s’il ne nous reste que Lizieux pour pleurer, sur les prêtres pédophiles. Les applaudissements se font plus forts encore : celle-là aura bien du mal à passer en radios et télés, et pas qu’à Radio-Vatican. Et, comme jadis Ferrat le fit, chante sa France à lui. C’est aussi la nôtre : joyeuse et frondeuse, laïque et sans racisme, républicaine, éprise de libertés…
Revoici donc Pierrot, natif de Castelsarrasin, 84 ans. Celui d’Au Café du canal, d’Estelle et de Mon p’tit loup qu’il nous a interprété dès son arrivée en scène, comme un brillant apéritif. La voix est un peu bringuebalée, cabossée, mais joyeuse, franche, résolue. Prête à pourfendre la connerie, et l’instant d’après chanter relief et méandres du corps féminin, de casser la vaisselle et de recoller le cœur, l’âme et le corps en pièces de Mon p’tit loup.
La salle de La Forge est pleine comme un gros œuf. Un peu de tous les âges même si on devine qu’ils sont nombreux à avoir découvert Perret avec ses premiers grands succès, en 45 tours.
Long pot-pourri avec, de ci de là, une chanson au complet : Tonton Cristobal, Donnez-nous des jardins, Le plombier, Quand le soleil entre dans ma maison, Je suis de Castelsarrasin, Fillette le bonheur c’est toujours pour demain, Cuisse de mouche, Vaisselle cassée, Le Tord-boyau, Blanche, Les jolies colonies de vacances… La salle est chorale. Et Pierrot de faussement s’étonner que nous sachions ces chansons par cœur, en chœur.
Et puis deux titres qui aimeraient n’en être qu’un : La femme grillagée et Ouvrez la cage aux oiseaux : « Laissez-les s’envoler c’est beau / Les enfants si vous voyez / Des p’tits oiseaux prisonniers / Ouvrez-leur la porte vers la liberté ».
C’est chaque fois la même chose : on sait qu’on va regretter toutes les chansons qu’il n’aura pas le temps de nous chanter, de celles qui jalonnent nos vies, y ont parfois fait étape, rire à profusion ou trop plein d’émotion. On se console de le savoir toujours là, devant nous, pétant la forme, si chaleureux, si familier, presque intime. Avec à ses côtés une tripotée de bons musiciens (accordéon, guitare, contrebasse, violoncelle et batterie) dont le fidèle Gilles Lecouty, dit Gillou, pile 76 ans ce soir.
Nous l’avons déjà dit : tant que Pierre Perret sera là, nous aurons notre antidote, notre vaccin à la connerie et la certitude que la vie vaut le coup de se battre et de s’aimer, d’en rire et d’en chialer. Et de chanter, comme la chorale improvisée de ce soir : mille voix et plus qui n’en font qu’une, qu’elle nous chante Lily ou Le zizi. Un peuple qui chante peut encore changer le monde.
Le site de Pierre Perret, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là.
Très bel hommage. Qui colle à l’actualité, connaissant le soutien de notre Pierrot national au mouvement des gilets jaunes. Nul doute que les Ogres et d’autres jeunes artistes lui emboîtent encore le pas.
Bah voila, vous avez bien trace le portrait du Pierrot: c’est aussi comme ca que je le vois, depuis qu j’ai rigole sur son Tord-boyeaux, son Cul de Lucette, on Mois d’aout ou suis reste transi d’emotion sur Mon petit Loup, Marie ou Quand le soleil entre dans ma maison. Et toutes les autres…Des souvenirs sur 50 ans et une image qui persiste a squatter dans ma memoire: j’associe Pierre Perret avec un superbe jour d’ete, meme s’il nous arrive parfois une petite averse. Chapeau Pierrot…