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Foé, premiers pas, pas premier

IlEst-ce le jeunisme qui fait des ravages ? La peur des labels de passer à côté de la perle rare ? Une réelle nouvelle vague qui viendrait secouer la poussière de la chanson française à grands coups d’électro ? Un peu de tout à la fois ?

Le fait est là : alors qu’il est de plus en plus ardu pour les chanteurs de la vieille génération de faire entendre leur voix autrement qu’en serinant leurs sempiternels succès, une tripotée de jeunes loups se bousculent au portillon pour réclamer leur part du gâteau. Ils ou elles se nomment Gaël Faye, Tim Dup, Angèle, Suzane ou Eddy de Pretto. Le chef de file de cette nouvelle école : Stromae, qui malgré sa courte carrière, est l’incontournable modèle, tant sa pop mêlant variété et électro, rythmes dansants et gravité du propos, semble s’être érigée en Saint Graal contemporain.

Faut-il s’en plaindre ? Aucune raison, évidemment. Le talent est partout et il serait bien sot de ne pas s’ouvrir à ceux qui seront peut-être les artistes phares de demain. Le problème est en réalité ailleurs. A notre époque où tout se doit d’aller vite, où ce qui est à la mode un jour est déjà catalogué ringard l’année suivante, les artistes sont de plus en plus offerts en pâture avant d’avoir pu faire la moindre preuve et d’avoir acquis la maturité nécessaire à l’exercice de leur métier. Sans même parler des gagnants des divers télé-crochets modernes, qui passent en deux temps trois mouvements de leur salle de bain à l’Olympia…

Ainsi, dernière coqueluche des salons où l’on cause : Foé. Il nous vient de Toulouse et a tout juste 20 ans. Après un EP de quatre titres sorti en 2017, son premier album, Îl, est dans les bacs depuis le 20 avril. Il nous est bien évidemment présenté comme le renouveau de la chanson française (air connu). Cela méritait bien que NosEnchanteurs y jettent une oreille circonspecte.

Dubitatif. C’est le terme qui qualifie le mieux notre état d’esprit. L‘album se compose de 11 morceaux, écrits, composés, interprétés, joués et réalisés par l’artiste. Sur une base de piano, instrument de prédilection, des programmations à gogo, des claviers, un chouïa de guitare, une larme de violoncelle. De la chanson électro comme on en entend beaucoup. Pas pire qu’une autre, mais pas forcément mieux non plus. La différence se nicherait-elle dans les paroles, alors ? Pas trop convaincant non plus. Des textes un peu maladroits (à plusieurs reprises, couplets en français, refrains en anglais), proches du slam parfois, à la métrique  hésitante (quelques coupures de mots vous écorchent les oreilles !), sans trop de recherche littéraire. Du spontané. Du moderne aux rimes pauvres. Pas sans charme, bien sûr : on devine la fougue et l’urgence, on pressent le cœur qu’on partage. Mais on ressent aussi le manque de travail, le vite-fait-pas-trop-bien-fait. Le chant rattrape-t-il la sauce ? Il est la principale pierre d’achoppement, l’élément qui peut s’avérer rédhibitoire : du parler-chanter essentiellement – alors que l’homme fait ses preuves avec Nuria et son beau refrain lyrique – scandé d’une voix grave à l’accent indéfinissable. Qui l’aime le suive. Les autres…

Au final, Îl est un album bancal, comme un brouillon pas bien recopié au propre. Des chansons intéressantes (Nuria, Running), des morceaux énervants (Bouquet de pleurs, démonstratif en diable), des machins horripilants (La machine ou Le mâle a dit, quasi des pastiches de Stromae). A boire et à manger.

A la grande époque, un directeur artistique avisé aurait exigé de l’artiste qu’il se rode d’abord sur scène et l’aurait remballé à son pupitre pour peaufiner ses chansons. Temps révolu que celui-là ! A 20 ans, on s’en balance, on est des lions, chantait Ferré. Encore faut-il que les crocs soient à la hauteur. Sera-ce le cas de Foé ? L’avenir nous le dira.

 

Foé, Îl, Tôt ou Tard, 2018. Le site de Foé, c’est iciImage de prévisualisation YouTube

3 Réponses à Foé, premiers pas, pas premier

  1. Floréal Duran 20 mai 2018 à 16 h 19 min

    Je ne suis pas tout à fait d’accord avec cette analyse un peu trop rapide à mon goût. Cet album, le premier de Foé, est certes dans la veine de Stromaé mais en quoi cela gêne-t-il ? Je préfère de loin un Foé dont les textes cognent que les sempiternelles reprises de Ferré, Ferrat, Barbara plus ou moins réussies. Attention à ne pas déformer mes propos. Ces trois là et quelques autres sont des grands et je ne compare pas le répertoire de Foé à ceux qui ont marqué l’histoire de la chanson française. Mais j’en ai vraiment assez de ces repreneurs, repriseurs, répétiteurs qui passent leur temps à les chanter plutôt que d’avoir leur propre univers. Cela devient lassant. Pour en revenir à Foé, j’aime bien son phrasé, cette alternance entre le chant et le slam, les mélodies, cette utilisation du piano qui accompagne avec efficacité une poésie plus urbaine que celles de ses ainés. C’est un premier album et s’il y a peut-être quelques maladresses (pour ma part elles ne me gênent pas car c’est ce qui fait également son charme) il annonce une suite prometteuse. N’enfermons pas la chanson dans la naphtaline d’un passéisme qui occulterait la création.

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  2. Catherine Laugier 21 mai 2018 à 0 h 22 min

    Loin d’être « de la chanson électro comme on en entend beaucoup », je trouve qu’elle se démarque largement de la « pop-électro » portée aux nues actuellement, redécouverte des nappes électro des années 80 avec voix sophistiquées ou mourantes, sans beaucoup d’âme. L’alternance de parlé et de chanté qui s’envole dans le lyrique, l’électro et les chœurs sertissant des notes du piano qui pourraient évoquer quelques petites musiques mozartiennes, les variations de la voix et la passion qu’il y met, même une certaine ambition, tout cela me plaît bien. La référence à Stromae est pour moi positive, et d’ailleurs s’entend moins que dans les collaborations récentes de ce dernier avec Orelsan ou Big Flo et Oli. J’aime moins les mélanges en anglais . Quant aux textes, «Ta peau, ta peau, ta peau / Verte par la rengaine / Ses épines piquent et t’étrennent / Et sentent le rouge et la peine », on ne peut pas à la fois leur reprocher d’être démonstratifs et de manquer de recherche littéraire. Tout est perfectible, et heureusement. Il lui reste à faire ses preuves sur scène.

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  3. Pol de GROEVE 21 mai 2018 à 12 h 29 min

    Mais qu’est-ce que t’as là
    A m’regarder comme ça
    Avec un air de pitié
    Putain j’en ai aucune pour toi
    Mais qu’est-ce que t’as là
    Mais merde tu l’as fait
    J’y crois pas
    Espère même pas m’revoir
    Maintenant c’est mort

    Exemple de paroles « sans trop de recherche littéraire »…

    Je ne dis pas que Foé est dénué de talents, ni que son disque est sans qualités. Je reproche juste (et probablement plus à son entourage qu’à lui-même) de nous sortir un produit pas fini, trop vite, pas assez travaillé. J’ai lu une interview de lui où il expliquait qu’il avait 600 trucs sur son disque dur (débuts de morceaux, mélodies, amorce de chanson, que sais-je). Je préfèrerais qu’il n’en ai que trente et qu’il les bosse à fond !

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