Rien n’est mieux que la chanson de droite
Sauvé dans En scène
Tags: Didier Barbelivien, Gilles Roucaute, Lucas Lemauff, Michel Sardou, Nicolas Bacchus, Nouvelles, Serge Lama, Stef, Virage à droite
8 mars 2018, A Thou bout d’Chant à Lyon,
« Je vous préviens les gars / Ce n’s’ra pas le grand soir / Simplement un concert / De chansons de connards (…) Aujourd’hui on a tous les droits / On a du fric et des villas / Dépassée la France d’en bas / Quand je pense à moi, je pense à moi / On vous promet que des bobards / Moins d’étrangers, plus de dollars / Du Saint-Estèphe et des valeurs / Nous les escrocs, les escrocs du cœur / Aujourd’hui on a tous les droits / Tu crèves de faim, tant pis pour toi… »
A nous qui n’écoutons que de l’oreille gauche, si, pour une fois, pour le plaisir autant que pour le frisson, nous virions notre cuti. Ah, connaître de l’intérieur les mœurs et émotions du réac, se sentir gonflé d’orgueil rien qu’à l’énoncé des résultats du CAC 40 et des charrettes de licenciements, des bénéfices à venir (« Toute la musique que j’aime / Elle vient de là / Elle vient du flouze »), jouir au sourire de Wauquiez et de Marion… Etre une heure, une heure seulement, beau, beau, con et de droite à la fois !
Il n’y a fondamentalement, on le sait, que deux sortes de chansons, deux rives : celle de gauche et pis celle de droite. L’une est dans le maquis, l’autre complaisamment sur radios et télé comme il se doit. On a beau subir au quotidien celle de droite, on n’en connaît plus ses plus beaux faits d’arme, ses plus belles pages. C’est là où Nicolas Sarcchus, Stéphanie de Morano, Lucas Stoipovcon et Gilles Scardestaing (1), avec une pédagogie de bon aloi et l’haleine supposée fraîche, font merveille (là je ne parle pas de Simone l’avorteuse, que le bon sens commun ne peut que conspuer comme il se doit). C’est un florilège qui ravive la flamme de la (bonne) chanson de droite. Pensez : servis sur un plateau (d’argent, évidemment) Enrico Macias, Sheila, Doc Gynéco, Johnny Hallyday (ce qu’il en reste), Florent Pagny, Serge Lama, Doc Gynéco, Chimène Badi, Serge Lama, Bernard Tapie… Et leur champion Michel Sardou, presque hors concours, tant qu’il a droit à son pot pourri, bien pourri : Ils ont le pétrole, Les Ricains, J’habite en France, Etre une femme, Le temps béni des colonies, Je suis pour, etc. Mais notre quatuor de la chanson bien réac nous a dégoté une perle qui à elle seule vaut l’ISF : un Barzotti des familles, un bijou, un collier de perles : « Du balai, du balai / La France est aux Français / Aux Français ! / Où est passé Paris ? / C’est Casa, Djibouti / Y a plus que des métèques / D’la Roquette à Barbès / Maintenant ça suffit / Maintenant y en a marre / Vous engrossez nos filles / Et faites des bâtards » (texte intégral ici) qui, parait-il, ferait führer aux meetings du fn.
Et cet autre bijou qui fête dignement ses 111 ans, d’un dénommé Fortugé : « Mais il était syndiqué / Je ne sais comment vous expliquer / J’ai eu peur de provoquer / La grève de tous mes ouvriers / Et par solidarité / La grève de tout l’ corps de métier (…) Pour un p’tit machin comme ça / Faut pas fâcher l’ prolétariat » (texte intégral là).
Sur un ton bon enfant, un tantinet guilleret, en forçant (un peu) le trait, nos quatre amis incarnent la droite dans ce qu’elle a de plus dure, de plus bête aussi. Une bourgeoise, un hyper-catho, un bourrin d’extrême-droite et un trésorier : la belle engeance que voici ! Avec un choix de réparties, de fumeux et foireux pets d’esprits, de militantisme dignes d’une assemblée de roquets et de bouledogues. Faut-il vous dire, chers gauchistes, que cette soirée, garantie sans Ferrat ni Renaud (encore que, à un flic près, qu’il embrasse), est un éblouissement, une débauche du cortex cérébral de droite (qui, comme on le sait, en tient une couche, une seule), une ébauche d’anthologie politique. D’un bout à l’autre, vous êtes pliés de rire. Par le ridicule des chansons (« Tu seras Vendéen mon fils / Par notre Roi, et nos Abbés / Tu porteras la fleur de lys / Et la croix des Saints Baptisés… » de Barbelivien), par la vigueur et le talent fou de nos quatre amis qui à dessein rivalisent de bêtise. Dessins dont l’équivalent graphique irait de Sempé à Vuillemin.
Virage à droite tient tant de l’excellente soirée cabaret que de la non moins passionnante conférence chantée. Si vous n’avez qu’un spectacle à choisir au Off d’Avignon cet été, optez pour cet étonnant Virage à droite.
(1) Pour copie conforme : Nicolas Bacchus, Stef !, Lucas Lemauff et Gilles Roucaute.
Le site de Virage à droite, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs en a déjà dit, c’est là.
Ce n’est pas que je sois fan de Barzotti, mais le pauvre ne mérite pas cela…
Cette fameuse chanson « La France aux Français », est issue d’une comédie musicale qu’il avait tenté de monter, sur le thème des émigrés. Elle devait être chantée par le personnage d’un gros beauf raciste. Isolée, sortie de ce contexte, cela devient un hymne nauséabond.
Bon, écrire un tel texte si premier degré était la porte ouverte à ce que le détournement se fasse, okay. Mettons que Barzotti a pas été très malin sur ce coup-là. De là à en faire un nouveau Céline…
On en revient au problème évoqué dans une « Humeur » récente de Michel Kemper, sur la difficulté à établir la frontière entre le chanteur qui exprime son ressenti et celui qui joue un rôle.
Pour plus de détails : http://www.dhnet.be/actu/faits/barzotti-est-malmene-51b7c1cee4b0de6db98c23cd
Nicolas Bacchus précise, avant de chanter ce chef d’oeuvre de Barzotti, l’origine de cette chanson. Le fait aussi que Barzotti la fasse retirer des réseaux sociaux, et que cette chanson y revienne à son insu chaque fois. Reste que c’est un monument et que, dans le cadre de ce spectacle d’humour (de droite), elle y a toute sa place.
Michel, je précise simplement que c’est moi qui ai le plaisir, la joie, l’honneur d’interpréter ce texte ô combien pénétrant, merci à toi de ta présence et de ce noble article. Je peux enfin mettre un visage derrière le web, la bise de la Stef!, la vraie!
Une chanson peut bien être de droite ou de gauche à part entière, sans que son auteur soit étiqueté. Le Grand métingue du métropolitain, repris naguère encore dans les manifs de gauche était une chanson de MacNab, pas spécialement connu pour des opinions ouvriéristes ! Gainsbourg n’a jamais poinçonné de tickets de métro, Boris Vian n’a jamais déserté, et Brassens n’a jamais assassiné d’un coup de buche excessif un noctambule riche ou pauvre ! Ne prenez pas la chanson au pied de la lettre de son chanteur. La chanson est libre, c’est ce qui fait sa force et son charme et la bande de joyeux réacs d’occasion a eu une bien belle idée de faire ce spectacle.