Total respect pour Yves Duteil !
Quelle image a-t-on exactement d’Yves Duteil en 2018 ? Celle du troubadour faiseur de ritournelles pleines de tarentelles et de petit pont de bois ? Celle du chanteur naïf, limite gnangnan, qui prend les enfants par la main ? Celle du poète lyrico-pompier qui vante les beautés de la langue de chez nous ? Ou celle, totalement hors sujet mais prégnante en ces temps de catégorisme médiatique, du maire de village catalogué à droite car pote à Chirac ?
Et pourtant, toutes ces visions déformées d’un artiste qui n’a jamais démérité et s’est toujours montré généreux avec son public fidèle (car, n’en déplaise aux médias qui l’ignorent avec superbe, Yves Duteil continue à remplir les salles sans coup férir), tous ces coups de griffe gratuits à l’encontre d’un chanteur catalogué « gentil » (ça ne pardonne pas en ces temps de cynisme rigolard) et taxé par là-même de ringardise, tout cela pourrait faire plouf si ses détracteurs prenaient la peine de découvrir son œuvre, frappée du sceau de l’humanisme et de l’ouverture, valeurs ô combien actuelles et nécessaires.
L’occasion est donnée d’organiser une séance de rattrapage avec la sortie de son 15ème album studio, cinq années après son Flagrant délice. L’opus s’intitule Respect et s’ouvre sur la chanson éponyme. « Respect / C’est la fin de l’indifférence / Une écoute sur le silence / La lueur dans l’obscurité / Le début de l’humanité ». Le ton est donné. Sérieux sans être pompeux, digne sans apitoiement. A 68 ans, l’artiste n’a peut-être plus guère l’envie de s’égarer dans la voie de la joie à tout crin. C’est que l’élément déclencheur de son envie d’écriture a été sa participation à la marche du 11 janvier 2015, anonyme parmi la foule des « Je suis Charlie ». Les attentats sont ainsi évoqués dans Armés d’amour : « Je pense à ces âmes en allées / Dont le seul crime aura été / D’être heureux au mauvais endroit / Tous nous aurions pu être là ». Tandis que le sobre Mohammed, Aïcha évoque la détresse des musulmans frappés d’ostracisme et soupçonnés d’office de complaisance envers ces crimes (« Vous êtes dans nos cœurs / A jamais, jour et nuit / Et j’ai mal de vos pleurs / Sous les peurs d’aujourd’hui »). L’album trouve sa conclusion dans l’émouvant Une minute de silence (« Le bruit que pourrait faire / Ce calme assourdissant / Tout autour de la Terre / Serait impressionnant »), moment de paix et d’espoir que nous souhaiterions tellement connaître. Et qui adviendra peut-être, l’espérance étant le socle de l’album. N’y est-il pas proclamé qu’ »on n’est jamais vraiment à l’abri du meilleur » ?
D’autres sujets plus légers nous permettent heureusement de respirer : une lettre d’amour à son épouse de toujours (Quarante ans plus tard), un espiègle portrait d’un apiculteur (La légendes des immortelles), une comptine animalière (Mon petit âne corse), un hommage à un amoureux de la Terre (Le passeur de lumières), une nostalgique évocation du piano familial (Mon piano a cent ans)…
Le CD a été réalisé par Franck Monbaylet, musicien de jazz ayant déjà œuvré pour Véronique Sanson. Celui-ci a apporté des couleurs inédites aux chansons d’Yves Duteil, puisqu’à côté des chatoyants arrangements pour cordes (le titre Respect est particulièrement somptueux à cet égard) se positionnent des percussions africaines, des chœurs orientaux ou des ambiances brésiliennes, donnant à cet album des couleurs actuelles et multi-culturelles, ainsi qu’un son ouvert sur le monde, en parfait accord avec les thèmes des chansons. De la belle ouvrage, vraiment.
Alors, Yves Duteil fera-t-il un come-back retentissant et mérité ? On peut hélas en douter, l’homme ayant choisi la voie de la liberté en fuyant les majors pour un label indépendant et l’autoproduction. Ce ne serait pourtant que justice que cette volonté de se renouveler musicalement soit couronnée de succès. Amateurs de chansons, merci donc de lui réserver le plus bel accueil possible. De toutes manières, tout le plaisir sera pour vous.
Yves Duteil, Respect, Unicum Music 2018. Le blog d’Yves Duteil, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là.
Bonjour
Il me plait à penser que, Jean Michel Caradec, s’il était encore parmi nous, aurait certainement emprunté le même cheminement de vie et de carrière. Mais le destin en a voulu autrement.
Yves DUTEIL, ce n’est pas ringard … Yves DUTEIL, c’est de la poésie … plein de chansons qui valent l’écoute attentionnée !!! merci de lui accorder la place qu’il mérite, c’est un des tout premier que j’ai vu sur place…