Prémilhat 2017. Yves Vessière, la force tranquille

Yves Vessière à Prémilhat (photo Michel Kemper)

28 octobre 2017, Rencontres de la Chanson francophone à Prémilhat,

Il se peut que l’appellation contrôlée « régional de l’étape » desserve l’artiste qui a le malheur de résider pas loin du festival, même s’il faut bien être né et vivre quelque part. Il sera toujours taxé d’amateurisme et l’organisateur de complaisance. Avec Yves Vessière, on n’est pas, j’espère, dans ce raisonnement-là, l’artiste ayant, je crois, suffisamment de talent et de bouteille pour ruiner cette idée. Vessière s’inscrit de plain-pied dans la grande tradition de la chanson qu’on dira de qualité (elle l’est !), finement travaillée, bien écrite, aux vers habiles et résolus. Avec, ma foi, une science affirmée de la mélodie, qui fait de chaque titre une pièce d’orfèvrerie.

Grosso modo, Yves Vessière à deux sujets qu’il se plait à explorer sans jamais radoter. L’amour, dans lequel il investit et qui se révèle chez lui être un bon placement : « Qu’est-ce qui fait tourner le monde ? Qui est toujours au goût du jour ? L’amour ! ». L’amour est d’actualité. Et l’actualité, parfois sans trop d’amour. Vessière est comme un peu tout un chacun : il suit la marche du monde et sait se faire intéressante gazette pour peu qu’il en trousse couplets et refrains. Il ne fait en cela que ce que la chanson fait depuis qu’elle existe : cette chanson, sinon engagée (de fait, elle l’est) au moins concernée que d’aucuns tiennent pour morte alors qu’elle a rarement été aussi florissante. Et pertinente. Sur la valeur de l’argent, sur la perte de travail (avec Ça sent la loose, on n’est pas loin des Mains d’or, là…), sur le suicide au travail (terrible chanson sur le harcèlement du management, tellement proche de ce qui se vit, ici et là, au jour le jour), les délocalisations : « Ici y’a plus d’avenir / Y’a plus qu’des routes pour partir… » Être engagé, c’est porter un regard sur le monde, tenter une réflexion, émettre deux trois idées. C’est survivre. Et oser vivre « quelques instants de plus au pays des merveilles ». La chanson de Vessière est clairement engagée. Par bonheur, elle est tout autant engageante. C’est par des vers de Victor Hugo qu’il nous parle de ce fameux et funeste vendredi 13 au Bataclan : la réponse existait bien avant que soit commis l’innommable.

Vessière a une présence scénique incontestable, même si on sent qu’il manque parfois de pratique : il faudrait lui donner bien plus de scènes, il les mérite toutes. Capable d’aller d’un sentiment l’autre, de l’amour à la colère, maniant l’humour et l’ironie avec beaucoup d’art, Vessière est à l’évidence de l’école Mouloudji. Ses intonations et sa façon d’écrire, le beau rendu de musiques qui caressent et magnifient les vers l’atteste. Il viendrait à chanter La complainte des infidèles que ce serait pléonasme : sage, il se contente de Je me suis fait tout petit, de qui vous savez. L’humour, oui, surtout quand il s’essaye à la parodie avec C’est La vache à bleu (non le bleu de vos yeux, mesdames, encore que, mais le fromage de cette Auvergne qu’il affectionne) dans laquelle on reconnaîtra sans mal les notes et la métrique de la java de même couleur.

Le site d’Yves Vessière, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là.