Aujourd’hui, cent ans après, la chanson est à Craonne
Sauvé dans Biblio, En scène, Lancer de disque, Les événements
Tags: 14-18, Arapà, Balbino Medellin, Baptiste W. Hamon, Barcella, Ben Ricour, Bertrand Dicale, Chloé Lacan, Christian Olivier, Dominique Grange, Dominique Zinderstein, Emma Daumas, Franck Vandecasteele, François Guernier, Jacques Tardi, Les Amis d'ta femme, Maxime Le Forestier, Nouvelles, Sanseverino, Tichot, Toma Sidibé, Yves Jamait
Nos lecteurs le savent : ce n’est pas la première fois, loin s’en faut, que nous traitons, par ses chansons, de la guerre de 14-18. Nous n’irons pas jusqu’à reprendre Brassens (« Moi, mon colon, celle que j’préfère / C’est la guerre de 14-18 ») mais nous accordons grande importance au patrimoine de la chanson. Tant d’ailleurs que nous avons fustigé ici ceux qui se permettent de travestir, d’amputer La chanson de Craonne.
Craonne, justement où, pour célébrer la tristement célèbre bataille du Chemin des Dames, plusieurs artistes (Yves Jamait, Emma Daumas, The Celtic Social Club et François Guernier) seront sur scène à l’initiative de ce dernier, qui a même Célébration ce soir, 16 avril 2017, à Craonne, du centenaire de la bataille du Chemin des dames.
Cérémonie très officielle, en présence du Chef de l’Etat, où sera offert aux présents un disque, Adieu la vie, adieu l’amour, une initiative louable de l’artiste François Guernier (lire encadré ci-contre), produit par lui-même et Rémi Hiblot pour Toccata Production, initiative à laquelle se sont associés la Mission du Centenaire, le département de l’Aisne, l’Académie Charles-Cros, Le Terrier productions et notre confrère FrancoFans.
A ses côtés, Chloé Lacan, Yves Jamait, Toma Sidibé, Emma Daumas, Sanseverino, Ben Ricour, Christian Olivier et Thibaut Garcia, Franck Vandecasteele, Balbino Medellin et Barcella, reprenant comme lui, comme il l’a souvent fait, des textes de soldats morts dans les tranchées ou sur des lits d’hôpital après longue agonie. Des vers d’espoir, parfois de résignation. Des vers d’amour, des vers d’adieux. Parfois trouvés à même les corps. Parfois échappés à la censure de l’armée et de son service du courrier. L’encre et les larmes, la peur et l’odeur de la mort souvent s’y mêlent. Des vers mis en musique longtemps après. Ainsi que La Butte rouge, de Montéhus, et cette tristement célèbre Chanson de Craonne que l’armée française aura tout fait, durant longtemps, pour l’étouffer.
Ce soir, cent ans jour pour jour après la bataille du Chemin des Dames, ces vers désormais mis en musique célébreront la mémoire des Poilus, par les voix et les notes de François Guernier, Emma Daumas, Yves Jamait et The Celtic Social Club qui, tous, seront sur scène.
Drôle d’anniversaire en fait que celui de cette guerre : quatre ans d’anniversaire. Quatre ans, trois mois et deux semaines, du 28 juillet 2014 au 11 novembre 2018. 14-18, c’était il y a cent ans chaque jour.
Comme d’autres arts, la chanson a restitué ce qu’on pensait être la Der des ders. Mieux, elle l’a vécu au plus près, impliquée qu’elle fut jusque dans la boue des tranchées.
En ce centenaire, plusieurs productions relatives à la chanson sont parues, chaque fois pour rendre hommage aux Poilus de 14-18. Nous ne pouvons ici en dresser la liste exhaustive. Seulement en conseiller quelques uns.
Comme cet Apollinaire 1914 1918 de Bastiaan Sluis, Virginie Ziderstein, Jackson Mackay et Dominique Zinderstein : que des chansons (sur des textes d’Apollinaire et un de Cendrars) composant le spectacle éponyme créé à Cernay en octobre 2013. Guillaume Apollinaire endosse l’uniforme des poilus en décembre 1914. Blessé à la tempe en 1916, il meurt en 1918 après avoir publié ses Calligrammes, poèmes de la paix et de la guerre. Amoureux de la poésie, Virginie et Dominique Zinderstein ont mis en musique et en scène quelques-uns des textes du poète, témoignages précieux et originaux d’un artiste visionnaire au coeur de la Grande Guerre. Un disque assez impressionnant, émouvant voyage à travers l’histoire et la littérature. Le contact, c’est ici.
Arapà est une colline de l’extrême sud de la Corse, sur laquelle, dit-on, la mémoire de l’homme s’est incarnée. C’est aussi la rencontre de voix et d’identités complémentaires qui se nourrissent de leurs différences. De par les éléments qui le composent, l’univers du groupe est représentatif de toutes les couleurs de l’histoire musicale de la Corse de ces 30 dernières années. Les artistes qui le composent proposent au public un parcours entre sensibilité, imaginaire, mémoire et engagement collectif. Cet album, In memoriam 1914-1918, réunit tant des incontournables (La Butte rouge, La chanson de Craonne, Aragon et Apollinaire) que, là aussi, des lettres (trois d’entre elles sont lues) et poèmes de soldats. En mode presque symphonique comme en mode collectage (c’est assez impressionnant), des chansons en français, d’autres en corse (les textes sont traduits sur le livret), le disque est empreint d’une gravité particulière. Tout dans la réalisation de ce très bel album inspire le respect. On peut le commander ici.
Un beau jour, Baptiste W. Hamon tomba sur un vieux carton ayant appartenu à ses aïeux paternels, dans lequel se trouvait, parmi quelques trésors, un manuscrit de l’arrière grand-père : Louis Hamon, charcutier de son état dans son Anjou natale, y racontait sa guerre. La Grande. Après quelques recherches, ému par cette découverte, l’artiste et petit-fils décidait de lancer ce projet de chansons sur la première guerre mondiale. En quête d’un regard « américain » sur la guerre (en phase avec son univers musical), il a par ailleurs déniché des documents sur l’histoire extraordinaire du poète Alan Seeger, oncle du chanteur et folkloriste Pete Seeger. En résulte un EP de cinq titres, Ballade d’Alan Seeger, que nous ne pouvons que vous recommander. Pour le commander, contactez Hamon (le chanteur, pas le candidat) par son facebook.
LA FLEUR AU FUSIL, 14-18 EN CHANSONS
A l’occasion du centenaire, le journaliste Bertrand Dicale a présenté tout l’été 2014 sur France-Info et France-Bleu près de 90 chroniques sur les chansons de la Grande Guerre. Ce livre, d’une belle iconographie, est le prolongement de cette série, qui réunit une sélection des chansons, célèbres comme oubliées, illustrée des dessins d’origine, de documents inédits, de cartes postales et de partitions, avec les paroles et les commentaires érudits d’un Dicale qui décode leur sens caché et le contexte d’origine. Superbe livre d’art, format à l’italienne. Ne manque, hélas, qu’un disque reprenant les chansons de ce livre qui auraient ainsi parachevé un livre alors exemplaire, indispensable.
Bertrand Dicale, La fleur au fusil, 14-18 en chansons, Acropole 2014, 152 pages, 29 €
Tardi et Grange à nouveau sur le front
S’il est un artiste qui aura consacré l’essentiel de son art à la Grande Guerre, c’est bien Jacques Tardi, l’un des plus grands dessinateurs français, père d’Adèle Blanc-Sec. Toute son œuvre dessinée est charpentée par l’obsession de 14-18. Tant qu’il en est devenu un des plus éminents spécialistes. Son plus récent album, Le Dernier Assaut (Casterman, 2016), semble être comme une compilation de ses précédents. En fait, c’est la version dessinée du spectacle qu’il a créé avec son compagne et chanteuse Dominique Grange (celle de mai 1968) et les musiciens d’Accordzéâm. Inclus dans cet album, un CD de douze chansons avec, notamment, des textes dits par Tardi et des chansons de Grange. Ce n’est pas la première fois que le couple Tardi travaille ensemble sur 14-18. En 2009, avec Verney aux textes, ils nous avaient réalisé un très beau Des lendemains qui saignent paru chez Casterman/Juste une trace, en fait un disque de Dominique Grange sur ce thème, largement illustré par Tardi et commenté et iconographié par Verney. Un incontournable
Tardi, Le dernier combat, livre-CD, Casterman 2017.
Parmi les articles sur NosEnchanteurs traitant déjà de la guerre de 14-18, noter
Le spectacle théâtral et musical « Et l’acier s’envole aussi » consacré par le Théâtre du Maquis aux écrits d’amour et de guerre d’Apollinaire, avec Mabz – Martin Béziers :
http://www.nosenchanteurs.eu/index.php/2016/08/08/avignon-off-2016-et-lacier-senvole-aussi-brulant-apollinaire/
La lecture-spectacle de Philippe Forcioli, « Quatorze auteurs pour 14-18 », où il a su donner à entendre tous les points de vue sur cette guerre :
http://www.nosenchanteurs.eu/index.php/2015/02/26/philippe-forcioli-homme-de-boue-debout/
Le spécial Chanson de Craonne :
http://www.nosenchanteurs.eu/index.php/2014/12/10/la-chanson-de-craonne-les-poilus-et-le-forestier/
Le spectacle en chansons multi-artistes « Mutins » autour de Serge Utgé-Royo :
http://www.nosenchanteurs.eu/index.php/2014/11/28/14-18-a-ceux-qui-voulaient-quon-leur-foute-la-paix/
Le spectacle en chansons de Coko et Danito « Le cri du poilu » :
http://www.nosenchanteurs.eu/index.php/2014/11/15/le-cri-du-poilu-la-der-des-ders-en-chantant/
Pour écouter « Adieu la vie, adieu l’amour »
https://soundcloud.com/user-111431359-953394581/sets/adieu-la-vie-adieu-lamour
Occasion -s’il en fallait une- de réécouter Marie Cherrier :
« …ces Dames ont un chemin qui mène à la mort pour des clafoutis… »
dans « Le temps des noyaux » , de l’album « Alors quoi ? »
le clip :
https://www.youtube.com/watch?v=kgDxxLb2QEs
(les paroles sont au-dessous de la vidéo)
La réaction d’Emma Daumas après la cérémonie :
« Un rythme intense, des événements riches en émotions, cette journée commémorative du centenaire de la bataille du Chemin des Dames s’achève et j’ai le coeur serein. Fière d’avoir porté ce matin les mots bouleversants de Pierre de Lestang, son Cantonnement de Novembre vit en nous à travers les âges, un témoignage de l’horreur certes mais aussi la trace indélébile d’un poète, d’un artiste et c’est ainsi que j’ai envie de me souvenir de lui…
Ravie également d’avoir partagé la scène cet après-midi avec François Guernier, Yves Jamait et le Celtic Social Club devant un public attentif et enthousiaste!
Merci à tous pour votre accueil, pour ces moments partagés qui nous rendent plus forts.
Cher arrière grand oncle Dominique Garcia, même si ton carnet de chansons ne m’a pas accompagné aujourd’hui, tu étais là, en moi tout le jour et cela, rien ni personne ne me l’enlèvera. »
http://france3-regions.francetvinfo.fr/…/cinq-moments-forts…
GUERRE ET PAIX
1/
Dans les brumes de la route au matin
des soldats d’avant en pantalon rouge
surgissent droits comme un jeu enfantin
quand on refait tout’ les guerres tu bouges
dans la carlingue resté ensommeillé
tu aspires aux jours si clairs de l’été
Refrain : La guerre ou bien la paix
il n’y a pas de secret
choisis toujours la paix
ta seule force c’est la paix
2/
Il faut balayer ces esprits de tranchées
la vie ne vaut pas vraiment ces combats
et que reste t’il après de tout cela
des discours des gerbes des monuments
mais seulement leur jeunesse en allée
dans les lignes sombr’ des communiqués
3/
Des maréchaux empanachés paradent
à cheval sur leurs nouveaux boulevards
et les sirènes des bateaux sur la rade
sonn’ comme un chœur la fin de la récré
mais vois-tu ne rêve pas à la guerre
elle a déjà pris un’ fois tes ancêtres
4/
Et la guerre a marqué profond au fer
les visag’ burinés et puis la terre
pleure à jamais sur le chemin des dames
mais chez toi ne rêve pas à la guerre
elle fait tout le temps assez de vacarme
dans les infos du jour qu’on te ressert
Paroles & Musique > Jean Lapierre
Bonjour Michel,
Grand merci d’avoir cité notre travail sur Guillaume Apollinaire.
Petite remarque cependant : l’adresse de notre site web à changé. Voici la bonne désormais : http://www.leventenpoupe.org
Amicalement,
Dominique
Le lien du compte rendu de la cérémonie de la bataille du Chemin des Dames sur France 3 Picardie ne fonctionne pas, en voici un nouveau :
http://france3-regions.francetvinfo.fr/hauts-de-france/picardie/aisne/cinq-moments-forts-lors-ceremonies-commemoration-du-chemin-dames-1234695.html
On y entend La chanson de Craonne chantée en intégralité « Mais c’est fini, car les trouffions / Vont tous se mettre en grève / Ce s’ra votre tour, Messieurs les gros / De monter sur l’plateau / Car si vous voulez la guerre / Payez-la de votre peau ! », la très belle version d’Emma Daumas du Cantonnement de Novembre de Pierre de Lestang, soldat poète mort au front en août 2017, et la Chanson du départ « La République nous appelle / Sachons vaincre ou sachons périr / Un Français doit vivre pour elle / Pour elle un Français doit mourir. » qui est un chant républicain antiroyaliste appelant au sacrifice…