Gauvain, chevalier du Roi Renaud

Gauvain Sers (photos BéGé 1chansonbe)

Stavelot, « Une chanson peut en cacher une autre », 21 octobre 2016.

Fidèle à son crédo de pousser à la découverte, le joli festival Une chanson peut en cacher une autre a permis à un jeune artiste français de faire sa première scène en Belgique. Son nom ? Il en jette et ce ne serait même pas un pseudo : Gauvain Sers. Vous ne connaissez pas ? Il se présentera bien lui-même, comme il l’a fait ce soir-là : c’est un chanteur à casquette, en velours côtelé marron, originaire de la Creuse et devenu titi parigot… Prenons toutefois le pari que son nom ne restera plus longtemps inconnu, puisque l’homme assure actuellement la première partie de la tournée de Tryo, après avoir carrément ouvert le bal des Zénith parisiens de Renaud.

Renaud ? A l’écoute de ses chansons, la filiation est évidente. Assumée d’ailleurs par le chanteur : dans le morceau débutant le concert, sur la bagnole de son père et les musiques qu’il y écoutait, ne clame-t-il pas en guise de clin d’œil que Nos K7 collector, société, tu les auras pas ??? A quoi bon en effet nier l’évidence ? Au jeu des sept ressemblances, on appellera en outre Benoît Dorémus à la rescousse, autre fils spirituel du chanteur énervant, que le chant et le timbre de voix de Gauvain Sers évoque irrésistiblement. Bah, il a 26 ans et tout l’avenir devant lui pour se forger une personnalité artistique plus marquée. Laissons le temps au temps…

Car le levain est bon, il faut juste qu’il arrive à maturité. Ce serait déjà une bonne chose qu’il arrive à se défaire de ce tic d’écriture typiquement leprestien (oui, il admire le bel Allain, allant jusqu’à citer son nom dans deux de ses chansons et évoquer dans un de ses titres quelque chose de dégueulasse avec un beau nom !) qui consiste, en guise de refrain, à répéter une phrase en fin de couplet, qu’on entend venir par la rime qui précède. Car sur un sujet aussi sensible, faire rimer djihad et marmelade, ça le fait quand même pas trop…

Le répertoire pas encore trop fourni de Gauvain Sers se compose de chansons sociétales et de chansons plus intimes. Qu’il me soit permis de trouver les premières maladroites : Hénin-Beaumont, sur la victoire de l’extrême-droite, a une chute contradictoire (le narrateur dégoûté annonce pendant toute la chanson qu’il va déménager mais conclut qu’il reviendra aux prochaines élections pour virer le maire facho : ben non, si tu t’en vas, tu pourras plus voter dans cette commune…), tandis que Mon fils est parti au djihad est un affreux mélo qu’on devine écrit après la lecture d’un reportage ou la vision d’un Envoyé spécial poignant sur les mamans désemparées…

Par contre, les morceaux tirés de son vécu (ou du moins qui le laissent à penser) sont d’un tout autre niveau, qu’il s’agisse de chanter ses craintes sur sa future amoureuse (superbe Pourvu que…), les conversations téléphoniques de son amie avec sa mère ou la galerie de portraits des usagers du bus 96… Dans ces titres-là, mêlant tendresse et ironie, l’âme de l’artiste se fait ressentir derrière le déjà habile trousseur de mots et c’est bien cela qui nous le rend touchant.

Le premier album de Gauvain Sers sortira en février 2017. Rendez-vous est pris pour ce qui s’annonce comme le premier chapitre d’une œuvre qu’on prédit passionnante. C’est en tout cas tout le mal qu’on lui souhaite.

Le site de Gauvain Sers, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là.