Tournée Génerale, des hommes qui nous parlent

Si, après deux albums live, Tournée générale fait une Pause avec ce troisième album studio, ce n’est certes pas celle du talent. Les habitués du poing levé d’Avenue du dragon ou de J’suis libre sur fond d’accordéon seront un peu étonnés, ceux de Baldo et sa ballade désenchantée retrouveront leurs marques. Sans rien perdre de son mordant, il laisse de côté le style chanson populaire révolutionnaire pour s’exprimer d’une manière plus universelle. Sans doute parce que son leader et auteur compositeur, Jean-Philippe Vauthier, alias Jeph, a commencé une carrière en solo où il s’exprime d’une façon plus intime.

Musicalement c’est d’une extrême richesse avec une orchestration où s’ajoutent à l’accordéon et au banjo de Maxime Vauthier, la contrebasse d’Albert Boutilier, les guitares sèche ou électrique de Jeph, et la batterie de Patrice Hue. Les mélodies un peu nomades varient du rock musette au blues-folk américain, empruntent aussi au pop-rock anglais des années glorieuses, le tout dans une fusion naturelle et actuelle. L’homme parle sur une emballante guitare électrique épicée d’un accordéon tourbillonnant, soulignée de battantes percussions, c’est celui qui se cherche dans cette société et ses faux-semblants : « Il a repris de l’abondance / Auprès de ces bonheurs feutrés / Mais toujours pas l’essence /De cette vie fanée » pour renaître loin de la facilité.

L’impression générale de l’album est extrêmement dynamisante, presque festive, difficile de ne pas danser sur ses rythmes chaloupés, On n’est pas rien, ou Johnny,  qui est si fort mais qui s’en va, avec cette guitare omniprésente. Ou sur ses blue-grass enlevés : «Tu m’fais penser aux fleurs qui meurent au bord de la chaussée / Tu m’fais penser aux toujours, à l’éternité / Tu m’fais penser qu’un beau jour / On s’est passé à côté. » Jusqu’au slow très 70’s d’Un nouveau vol et son joli monologue de séduction douce, qui nous fait à nouveau la vie en rose. Impossible encore de résister à l’envoûtante montée des cordes suivant le refrain d’Où es-tu : « Toi, bonheur que l’on condamne / Et toi, vie que l’on punit ? » et à l’injonction « Ouvre ton cœur de pierre. »

Pourtant dans l’amour la fêlure n’est jamais loin. La rupture, avec cette Petite qu’il voit partout (reprise du répertoire solo) « J’ai marché pendant des plombes / Sous l’averse de bombes / Qu’allumait ton deuil » est douloureuse, mais traitée sans rancœur ; l’amitié pour ces copains bien dessinés, avec leurs forces et leurs faiblesses, Marco ou Marlou, avec une tendresse virile. Les textes de la belle écriture de Jean-Philippe sont poétiques, précis, simples et évocateurs ; s’ils sont très personnels, ils nous permettent d’autant plus l’appropriation, bien servis par la voix expressive du chanteur.

La chanson titre en duo avec Rachid Taha avec ses sonorités orientales (Hakim Hamadouche au mandoluth) respire  la rose d’Ispahan et les  lourds parfums de sa fanaison. Elle pourrait nous suggérer d’autres images, vieilles chansons comme La vie en rose, fausseté d’un monde artificiel. Les mots tombent, la famine au Sahel, le pouvoir de l’oseille, on pense à d’autres symboles, une rose au poing qui n’a plus que des épines, qui rime avec morose et sclérose… La douce mélodie cache de plus radicales couleurs, le rouge et le noir,  jusqu’à l’implosion, « Stop /Allez viens qu’on explose / Ces recéleurs de chaines » Espoir d’aller  vers le soleil et des merveilles oubliées… Demain !

Tournée Générale, Pause, 2016. Le site de Tournée générale, c’est ici ; celui de Jeph, c’est là. Ce que NosEnchanteurs a déjà dit de Tournée générale, c’est ici. Après la soirée de lancement à l’Européen le 12 octobre 2016, le groupe continue sa tournée en France. Jeph se produit tous les premiers mardi du mois au Connétable à partir du 4 octobre.