Avignon Off 2016. Ménage à trois de Chloé Lacan : trois raisons de (se ré)jouir

Au sortir de la salle (photo Catherine Laugier)

Off Avignon, Théâtre l’Arrache-Cœur, 15 juillet 2016,

À la quatrième étape de ce marathon de la chanson que constitue une journée entière à l’Arrache-cœur (et encore, je n’ai vu que six des neuf spectacles au programme, celui de Volo, à 16h30, ayant été remplacé par un débat au lendemain des attentats de Nice, et le premier spectacle, Entre 2 Caisses, ainsi que le dernier, Parité mon Q, étant en dehors de mon créneau horaire), je commençais à ressentir une fatigue physique bien compréhensible.
Heureusement le trio de Chloé Lacan, elle-même auteur, compositeur interprète et  femme-orchestre à l’accordéon et au  ukulélé, voire aux percussions, Nicolas Cloche au piano, percussions et ukulélé, et Brice Perda « à l’haleine fraîche » au Saxhorn basse, flugabone (cuivre américain intermédiaire entre la trompette  et le cor de défilé, au ton de trombone baryton, NDLR) et  glockenspiel  (carillon à lames métalliques), étaient là pour nous emporter dans leurs univers musicaux : du bel canto au cabaret expressionniste allemand en passant par la mélodie de Chopin, le baluche ou le choral spirituel, et à la base une musique world tendance tzigane louchant vers le jazz…
Après une brève allusion à la « fichue frousse » qui nous serre tous en ces moments difficiles, et une exhortation à enfiler nos babouches pour lui botter le cul, nous entrons, si j’ose dire, dans le vif du sujet.

(photo Nicolas Blanchard)

Chloé Lacan fait partie de ces femmes qui décortiquent sentiments et sensualités avec une liberté toute féminine, avec une crudité jamais vulgaire et une tendresse piquante ; une vraie partenaire pour un vrai mâle, alors, vous pensez, deux ! Quelle autre femme peut nous confier : « Je suis chiasseuse comme une terreuse / Je suis pisseuse comme une taiseuse (…) seule la biture me chibre, me chevalière » tout en percutant la batterie d’une seule main ?
Qu’elle exhorte une jeune fille à se libérer pour aller À la pêche au bonheur (beau trio a capella), un jeune homme à s’enfuir avant de se trouver englué comme un oiseau pris au piège « Envole-toi avant que je me lasse » sur un rythme syncopé suivant le célèbre aphorisme : « Suis-moi je te fuis, fuis-moi je te suis » , qu’elle stigmatise l’usure des couples qui donne des Envies de meurtre « Tes envies de salope / Mes rêves de pompier »,  ou chante une petite mélodie très ancienne au son du glockenspiel « Il me reste sur les lèvres des petits mots de toi » elle n’a pas son pareil pour coucher sur le divan nos coupables ( ?) activités solitaires ou en trio. Et si Dieu dit « va au diable », alors elle y va…
Les reprises qu’elle affectionne pour les revisiter vont d’Aznavour « You’re the one for me, for me formidable » à Marilyn « …the girl best friends » ou Nina Simone, toujours en parfait accord avec ses deux choristes musiciens, un blond discret et un brun ténébreux.
On ne quitte la sphère intime que pour se soucier  du sort peu enviable des immigrées parties dans l’espoir d’un Nouveau départ « Komm mit mir / dans le pays où je t’emmène / On s’ra les reines du macadam » ou « Tu arrivais de Byzance », mais tu t’es vite rendu compte que « Les royaumes enchantés répondent à des quotas. »
Une sélection s’est faite sur ce spectacle afin de le faire tenir en une heure, on découvrira certainement à Barjac d’autres facettes de son talent singulier ; le rituel est respecté, en guise de  rappel notre Trio sort avec « une dernière pour vider les lieux », Rock me more and more, dansant et chantant encore et encore dans la rue devant le Théâtre « Take me up to Paradise », merci, c’est fait.

Le site de Chloé Lacan, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs e déjà dit, c’est là. Jusqu’au 30 juillet à l’ Off d’Avignon, relâche le lundi 25, Théâtre l’Arrache-Cœur 11i7, salle Moustaki, Ménage à trois à 18 heures puis le 31 juillet à Barjac m’en chante. Attention, pour Entre 2 caisses, Sous la peau des filles à 10h30, la relâche est le mardi 26 juillet.