Tri Yann, légendes d’avant-hier pour après-demain
Les contes et légendes s’accordent bien à l’art presque séculaire de Tri Yann, qui oscille entre traditionnel et actuel : même si le possible tube un rien déjanté du présent disque dérape vers l’électro, le curseur est plus ici sur la musique sinon ancienne au moins reposée (mais pas toujours), avec notamment un bel instrumental, The velvet otter, à la harpe celtique… d’une contribution d’ailleurs extérieure au groupe. Dans leur imposante discographie, nos Bretons s’essaient souvent, avec plus ou moins de réussite, à explorer diverses thématiques. Et pour l’heure semblent revenir, sinon à leurs débuts (l’effectif n’est pas le même et l’expérience toute autre) au moins à l’un de leurs fondamentaux.
Ça donne un des albums les plus aboutis de nos Nantais même si on ne retrouve pas tout à fait le charme d’albums comme La découverte ou l’ignorance de jadis : question de patine sans doute pour ces chansons bien trop neuves à nos oreilles. La féconde faconde de Jossic, le charme vocal de Corbineau, la force d’un important équipage sont au service de contes et de légendes sur des sujets d’antan ou « à la façon des temps anciens », dans « des scénarios du XXIe siècle » aussi. Le dosage est cette fois-ci idéal – il ne l’a pas toujours été –, presque parfait, entre tradition et modernité, vocaux et musiques, simplicité et faste, rock et baroque. Baroque, comme ces deux titres d’une même légende (la soif du roi Arthur étanchée par une source que Saint-Efflamm fait jaillir de la pierre) extraite du Barzaz Breiz, tous deux bénéficiant des voix surnuméraires de Kohann et Clarisse Lavanant : l’un en v.o., façon chant de messe, l’autre adapté en français. Ce sont manifestement les deux titres que nous retiendrons ici. Mais pas que. En des portées parfois surprenantes qu’on tiendra pour belle incursion dans les musiques actuelles, surlignons de fluo La bonne fam au courti ou l’ancien se frotte au carrément moderne en une démarche subtile et cohérente : ce rond de Loudéac quelque peu mutant peut indifféremment être diffusé en fest-noz comme en boîtes, avec des résultats peut être pas si éloignés (en vidéo ci-dessous).
Belles et intrigantes histoires (une sur la reine Aliénor d’Aquitaine, une adaptée d’Alphonse Allais, une autre – femme squelette – d’un conte inuit, et encore une licorne et des dragons, le miracle d’une sainte, l’Ankou et le pays des songes…) qui, entre fiction et réel, renouvellent le fond documentaire d’un Tri Yann qui n’est jamais aussi bon que quand il nous en conte.
Car nul doute que, dans une production foisonnante et inégale, ce disque, une fois fait à votre oreille, s’apparentera à un grand disque de Tri Yann. Il l’est. Pas loin de cinquante ans après sa création (1970), nos trois Jean de Nantes et leurs amis brillent toujours sur la chanson celte à la manière d’un phare. Un phare breton il va de soi.
Tri Yann, La belle enchantée, Marzelle/Coop Breizh 2016. Le site de Tri Yann, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs à déjà dit de ce groupe, c’est là.
Cet article et le premier extrait si original m’ont fortement donné envie d’acquérir ce nouvel album… malheureusement les Fnac parisiennes n’ont pas été approvisionnées…
Difficile de se procurer de la bonne musique de nos jours!
JLuc