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Vive la Reprise 2015 : les Ogres de Barbara

Final avec, au premier plan, nos Ogres de Barback (photo)

Final avec, au premier plan, nos Ogres de Barback (photos Stéphane Portier)

Le soir tombe… Vu de l’intérieur du très moderne Centre FGO-Barbara, en plein cœur de la Goutte d’Or, le métro aérien balafre régulièrement de lumière crue le velours noir de la nuit parisienne. Ce n’est que le début de cette très belle soirée… Et il n’y aura pas que ces lumineuses rames à être aériennes, mais aussi de magnifiques rencontres et des chansons pleines de souffle, d’envol, de vie, pour cette finale tant attendue de Vive la Reprise, concoctée par le Centre de la Chanson.

21ème édition déjà pour ce tremplin désormais incontournable pour la scène française, parrainé chaque année par une sommité du métier (pour les années passées, Graeme Allwright, Clarika ou Yves Jamait, par exemple…). Aussi, quel plaisir de retrouver cette année la bienveillance des quatre frangins/frangines des Ogres de Barback, un groupe mythique avec lequel, décidément, la fratrie n’est pas en danger…

Issus des 107 candidats auditionnés au travers de tout le pays, vainqueurs déjà des sélections organisées à Paris, Lyon et Toulouse, ils seront donc huit à se présenter devant nous ce soir, avec pour chacun sur scène une reprise du répertoire, une reprise des Ogres et une composition personnelle. Un beau challenge, convenez-en…

Infiltré discrètement pour vous durant les balances, chers Enlecteurs, j’assiste avec délectation du fond de la salle obscure aux ultimes préparatifs, petits coups de folies, petits coups d’esbroufe, petits moments de panique plus ou moins maitrisés, petits et gros coups d’adrénaline aussi… Chacun sa façon de gérer sur scène le stress qui monte doucement.  Les Ogres ne sont pas en reste, qui fignolent leurs ultimes réglages entre garçons, les sœurettes n’étant pas encore arrivées : ce qui nous vaut cette scène surréaliste de Fredo en doublure-son d’Alice, s’essayant à une balance du violoncelle sur une étonnante version des plus approximatives du Temps des Cerises.. !

Avant l’ouverture des portes au public, le Centre de la Chanson avait organisé une petite rencontre professionnelle informelle et conviviale, sympathique occasion de mettre quelques visages sur des noms croisés de ci de là au fil des échanges par mails interposés.  Inutile de préciser qu’il y avait là la fine fleur de la crème du gratin de la CFDQ (Chanson Française de Qualité…).

Une fois les spectateurs installés (pour les plus chanceux d’entre eux !), c’est la pétulante Stef, en chair et en os chair qui lance la soirée sous les traits de l’attachiante Stéphanie de Morano, reprochant d’emblée au Président du jury, Claude Lemesle, d’avoir écrit jadis pour le dangereux gauchiste Gilbert Bécaud. Flottements délicieux dans la salle, avant une présentation de soirée qui ne sera pas en reste… Chapeau, la miss ! Les Ogres-zé-Ogresses nous gratifient d’entrée de quelques titres, jouant le jeu jusqu’à se plier aux mêmes contraintes que les autres participants : deux reprises du répertoire (Au café du canal, de Pierre Perret, et C’est quand qu’on va où, de Renaud) ainsi que Dans une rue de Paname, une reprise… d’eux-mêmes !

Les hostilités débutent avec Sarah Mikovski à qui revient le redoutable honneur de réellement lancer la soirée. Seule au clavier, arborant une robe vert-pomme très seventies, elle nous fait entre autres découvrir, d’une belle voix claire et délurée, un titre étonnant de la méconnue Stella Vander, Pourquoi je chante. Bel exercice de style ensuite avec Rue Mazarine des Ogres, formidable défi de diction quasi oulipien, dont elle se sort haut la main. Une belle présence attachante.

Nous retrouvons ensuite Guilam, qui lui a déjà un peu plus de bouteille, scéniquement parlant. Un beau parti que d’interpréter son premier titre (Souchon, C’est déjà ça…) a cappella en bord de scène, captant immédiatement le public. S’accompagnant à la guitare ou à la mandole, il a le mérite d’exhumer un titre peu connu des Ogres, Coup d’poids dans la gueule, avec dans la voix un petit quelque chose d’épuré façon Volo. Mais l’ensemble, agréable, reste cependant assez convenu.

Zoé Malouvet

Zoé Malouvet

Premier coup de cœur ensuite pour Zoé Malouvet, qui nous avait déjà touché lors des sélections au Forum Léo-Ferré. Seule également en formule guitare/voix, elle nous gratifie d’un joli choix de reprises, le sublime Deux qui s’aiment de Michel Bülher et le poignant Il ne restera rien des Ogres, dans une version taillée au plus près de l’os. Sa belle voix se fait légèrement rauque sur certaines fins de phrases, une vraie patte d’interprète et une troublante signature vocale. Sa création personnelle, elle, traite joliment de dépendance affective, comme elle nomme cet étrange sentiment que d’aucuns appellent l’amour… Une jeune artiste entière et prometteuse, à suivre de très près.

Changement radical d’ambiance avec la Québécoise Geneviève Morissette, LA Morissette comme on commence à la nommer dans certains milieux autorisés (je ne vous dirais pas lesquels, elle ne m’a pas autorisé.. !). Accompagnée à la guitare électrique par une sidewoman de luxe en la personne de la flamboyante Émilie Marsh, dans une posture résolument rock, elle s’avance en scène comme on jouerait sa vie, vêtue d’un improbable tutu de tulle noir et de gros godillots. Des croquenots au croque-note, il n’y qu’un pas de princesse qu’elle s’empresse de franchir à pieds joints pour une version du Crache des Ogres résolument testostéronée… En complément de la déjantée Parisienne de Marie-Paule Belle sur une rythmique galopante façon Bonanza, sa belle composition La femme en beige fait le portrait terriblement désabusé d’une femme effacée à laquelle elle ne veut surtout pas ressembler. L’émotion est au rendez-vous… Clairement, Geneviève Morissette ne laisse pas le public indifférent selon que l’on rentre ou pas dans son univers et son interprétation, mais rien que cela, c’est déjà un exploit en soi… Et elle commence à bien tailler sa route, déjà.

Nous vous avons déjà en ces lignes chanté les louanges de Gauvain Sers, lequel était ce soir accompagné aux claviers d’une certaine Missonne qui ne doit pas non plus vous être totalement inconnue, fidèles Enlecteurs. Du gavroche, le gaillard n’a pas que la gapette, mais aussi la gouaille et la nonchalance. Tant dans la voix que dans l’attitude, le Renaud des débuts n’est pas loin non plus, vous savez, celui que l’on regrette tous… (Pas convaincus ? Vous avez vraiment écouté Elle a vu le loup ou Les Bobos sur les derniers albums ?). Gonflé aussi pour le minot à visière de reprendre J’suis heureux de Debronckart, dans une belle interprétation toute en tripes, avant son propre titre Mon fils est parti au djihad, le genre de chanson qui vous cueille au cœur et vous laisse le cul par terre…

Le contraste est forcément saisissant avec la toute jeune Anissa, qui se produit entourée d’un contrebassiste et d’un guitariste un peu maniéré à la formation visiblement (très) classique. Je sais certain(e)s d’entre vous très friands de certaines de mes considérations musico-vestimentaires, mais en l’occurrence, une adorable petite robe et de ra-vi-ssan-tes petites bottines fauves ne sauraient détourner l’attention d’une voix parfois à la limite de la justesse… La reprise est un titre de Michèle Bernard, lui aurait-on glissé que c’est l’année passée que cette dernière était marraine de l’événement ? Rajoutez à cela que l’accompagnement fut parfois quelque peu brouillon, et il sera temps pour nous, sans nous étendre d’avantage, de passer à la seconde très belle surprise de la soirée…

Les Ogres de Barback

Les Ogres de Barback

Elles nous sont tombées de nulle part, ces toulousaines, quasiment aucune information disponible concernant ces deux donzelles un peu mystérieuses se présentant sous un nom pour le moins énigmatique, Au creux de l’A. Encore nous précisent-elles d’office que cette appellation est peut-être provisoire, enfin, l’on verra bien… Il se murmure tout de même qu’Alice et Elisa, puisque tels sont leurs patronymes, seraient montées sur scène sous l’affectueuse pression de Lucas Lemauff, mais nous n’en sauront pas beaucoup plus ce soir. Une belle page vierge, donc, sur laquelle vont venir s’imprimer de bien chatoyantes arabesques sonores… Le violoncelle ou le violon se frottent à un banjo joué à la façon d’un luth ou d’un théorbe, les deux voix graciles se répondent sur les refrains aquatiques en d’étranges volutes éthérées. C’est parfois fragile, parfois un peu frais, souvent délicat et habité, mais en tout cas très touchant et très prometteur… Une belle reprise inattendue de Mathieu Boogaerts est accompagnée subtilement au cavaquinho et aux petites percussions corporelles, on songe par instants aux univers perlés de Camille ou Mansfield Tya. Leur composition s’élève, psalmodiée comme une sorte de chant médiéval très moderne, nous n’avons pas peur de l’oxymoron à NosEnchanteurs… Une image encore, très onirique : dans un silence quasi-religieux, l’une d’elles rythme Avril et toi des Ogres de Barback de subtils frottements de paumes. Et sur le mur de côté de la salle, dans une pénombre complice, on jurerait voir l’ombre délicate de la Fée Clochette invoquant la danse immobile des étoiles au ciel…

Les derniers à se présenter ne sont pas, loin s’en faut, des inconnus pour nous, puisqu’ils s’étaient déjà hissés en finale de Vive la Reprise l’année passée.  Nous retrouvons donc avec plaisir les trublions chevelus de Danny Buckton Trio, accompagnés d’un attirail musical conséquent (guitare, percussions, mélodica, métallophone, cajon, saxophone baryton…). Le cheveu aussi ras que ses comparses sont capillairement gâtés, Danny le chanteur impose d’emblée une putain de belle présence scénique, s’emparant de l’espace à bras-le-cœur, balançant ses textes avec une fougue jubilatoire. La voix est aussi ample que le geste, le timbre fait penser aussi bien à Brel qu’à Alexandre Lenoir, le charismatique chanteur des défunts Blaireaux. Le choix des reprises en impose, avec La Castagne d’un Henri Tachan qui fut combatif (si, si) et Solène de Grenoble, un des plus beaux titres des Ogres à mon sens. Leur propre titre, sensible et superbement crépusculaire, n’est pas sans évoquer le meilleur de Francis Jammes dans La Prière… Et plus que tout, ce qui marque, ce qui touche, chez Danny Buckton Trio, c’est cette si belle entente en scène, cette complicité palpable entre les trois gaillards.

La soirée se terminera, l’aurez vous deviné, en chanson avec une chorale improvisée constituée du jury et des Ogres poussant la goualante de concert avec le public dans la salle. Pardon ? Comment ?  Ah oui, désolé, la soirée fut si belle que l’on en aurait presque oublié qu’il s’agissait d’un concours, et que vous attendiez le palmarès…

Que voici, petits impatients que vous êtes :

Le Grand Prix du Centre de la Chanson (2000€) a été décerné à Sarah Mikovski

Le Prix d’interprétation ADAMI (2000€) a été attribué à Danny Buckton trio

Le Prix de la meilleure chanson de l’UNAC (500 €) a été attribué à la chanson Immobile du groupe Au creux de l’A

Sans oublier de nombreuses programmations à gauche et à droite qui font que vous pourrez très bientôt découvrir ces beaux artistes près de chez vous. Mais demain est un autre jour…

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2 Réponses à Vive la Reprise 2015 : les Ogres de Barbara

  1. NosEnchanteurs 4 novembre 2015 à 10 h 29 min

    Palmarès du tremplin Vive la reprise 2015, communiqué par le Centre de la Chanson

    Le grand prix du Centre de la Chanson (2000€) a été décerné à Sarah Mikovski
    Le Prix d’interprétation ADAMI (2000€) a été attribué à Danny Buckton Trio
    Le Prix de la meilleure chanson de l’UNAC (500 €) a été attribué à la chanson Immobile du groupe Au creux de l’A

    Le jury professionnel a attribué les prix de programmation suivants :

    Le Prix du public et le Coup de cœur des professionnels (une programmation dans le cadre de la saison culturelle de la Ville de Sarcelles) ont été attribué à Danny Buckton Trio.

    Le Bijou à Toulouse programmera Geneviève Morissette
    A Thou Bout d’chant à Lyon programmera Gauvain Sers et Danny Buckton Trio
    Le festival Une chanson peut en cacher une autre à Stavelot en Belgique programmera Gauvain Sers
    Le festival DécOuvrir à Concèze programmera Geneviève Morissette et Au creux de l’A
    Le Festival de Marne et La Grange Dimière à Fresnes programmeront Danny Buckton Trio
    ACP La Manufacture chanson à Paris programmera Sarah Mikovski
    FGO programmera et accompagnera Au creux de l’A
    Le Forum Léo Ferré à Ivry programmera Zoé Malouvet
    La Menuiserie à Pantin programmera Geneviève Morissette, Au Creux de l’A et Danny Buckton Trio
    La Ville de Sarcelles programmera Zoé Malouvet dans le cadre d’une journée consacrée au Centre de la Chanson durant la saison culturelle 2016.
    Le Magique à Paris programmera Zoé Malouvet
    Le collectif Les beaux esprits programmera Zoé Malouvet, Gauvain Sers et Danny Buckton Trio
    Le Magazine Francofans chroniquera l’artiste Zoé Malouvet
    Les Médiathèques de la Ville de Paris mettront en avant l’artiste Zoé Malouvet

    Répondre
  2. Danièle Sala 4 novembre 2015 à 16 h 41 min

    Merci pour toutes ces belles découvertes , en espérant les écouter de vives oreilles un de ces jours par chez moi ou ailleurs .

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