CMS

Marie Leurent, force fragile

Marie Laurent (photos © 2015 Anne-Marie Panigada)

Marie Laurent (photos © 2015 Anne-Marie Panigada)

Oser ! Oser être sur scène, se mettre à nu, oser s’exposer avec toute la force de sa fragilité, toute l’urgence de vivre, montrer ses blessures et ses larmes, ses déchirures, ses fêlures, oser le ridicule, l’outrance mais trouver aussi les mots qui émeuvent et bousculent, c’est tout cela qui fait de Marie Leurent, une interprète de talent et un auteur tout aussi pertinent.

Le rendez-vous à la Comédie Nation était noté apéro-concert mais c’est un vrai festin que cette artiste rare nous a offert. Rien de léger en effet, mais de la densité tant étaient copieux les mots et les musiques puisque, pour bâtir son spectacle, Marie était accompagnée par Jean-Louis Beydon au piano. Rien de mieux pour porter une écriture et un choix de textes fort bien agencé qui conjugue ses propres chansons avec celles, entre autres, d’Anne Sylvestre, Allain Leprest ou Henri Courseaux. De quoi construire une fort belle maison avec de telles fondations.

D’emblée, l’entrée en scène nous la fait découvrir volontaire, écorchée vive, avec cet aveu « Non, ne me brusquez pas  / Car je reviens de loin / Ni les coups, ni les poings / Ne servent les combats / Si les sanglots déjà / Bruinent sur nos matins / Tant que s’ouvrent nos mains / On sent le coeur qui bat » et c’est nous qu’elle brusque, qu’elle vient réveiller avec l’énergie du désespoir tant elle saura, tout au fil du spectacle, montrer les plaies de l’âme, les blessures du cœur, les amours éphémères, des vies bancales et décalées où « même être nous bouscule ».

L’amour, bien sûr, est là, avec sa part d’ombre et de lumière, ses déchirures et ses émois, celui qui trouble et qui foudroie, ses « élans de petite mort », charnel, sensuel avec Ta robe ou Je viens, emprunté à Henri Courseaux, amour éperdu ou perdu qui laisse le cœur et le corps à vif (Sous la peau de l’autre, Tremble).

cM0922-076L’univers de Marie Leurent est fait de chemins de traverses, d’errances, de retours nostalgiques. Quoi d’étonnant alors d’y retrouver l’évocation des baloches chère à Allain Leprest ou Comme à Ostende de Caussimon. Sur ces routes où beaucoup se « perdent en chemin », ce sont des existences brisées que l’on retrouve, des trajectoires où chacun peut « glisser », des vies meurtries comme celles de ces femmes humiliées, violentées que Marie nous décrit dans une magnifique chanson (L’air des  filles).

Marie sait aussi manier l’art de la rupture, ponctuer son concert de moments fantaisistes avec quelques titres issus de la tradition réaliste, un registre où elle est vraiment à l’aise, alliant humour et démesure. Paradoxalement, le ton reste le même, mêlant tragique et comique, dérision et inquiétante étrangeté que ce soit dans Quand on vous aime comme ça ou Le tango stupéfiant. Une mention toute particulière à cette chanson qu’elle signe de sa propre main, titre étonnant, point d’orgue de ce spectacle où un embarras féminin devient une extraordinaire et désopilante histoire de Flamand rose, mystère de cette alchimie de l’écriture qui peut transformer le plomb en or.

Il y aura, à l’avenir, bien des choses à dire sur Marie Leurent car elle est une artiste en devenir qui se déploie et prend son essor, un talent à découvrir. Laissons le dernier mot à Henri Courseaux qui a su si bien la conseiller et la mettre en scène : « Voix parfaitement centrée, justesse de l’intention et de la diction, elle se pose d’emblée comme une artiste incontournable. Et si j’osais cet oxymore : comme une chanteuse et poétesse réaliste des états sensiblesCourir voir et entendre Marie, c’est un peu courir au-devant de soi.

 

Ce que NosEnchanteurs a déjà dit de Marie Leurent, c’est ici. Image de prévisualisation YouTube

Une réponse à Marie Leurent, force fragile

  1. catherine Laugier 2 octobre 2015 à 21 h 52 min

    Merci Francis, oh le coup de poing dans le cœur !

    Répondre

Répondre à catherine Laugier Annuler la réponse.

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*

code

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>

Archives