Lafore, plus fort ou nettement moins ?
Plus que d’être est un cas d’école, Lafore est un cas tout court. A force de pousser la chanson dans ses derniers retranchements, ses ultimes soupirs, ses déjà râles, on ne demandera si c’est encore de la chanson. Sages, nous laisserons universitaires et vieux schnoks d’académie le soin d’en disserter : nous, nous écouterons, ne cachant pas notre satisfaction, parfois notre jubilation (là, je parle pour moi, n’osant engager ici l’approbation de toute une équipe que j’imagine ne pas être unanime) de principe pour qui ose faire bouger les lignes. Bien sûr, il serait osé de qualifier de chanson ce Minou, où le seul mot prononcé de toute la chanson est justement « minou ». Placé tout près d’une chanson au joli titre textile de Ta petite culotte, on n’est pas tout à fait sûr qu’il s’agisse là d’un félin, même cougar, même épilé. Fait l’un pour l’autre ?
Tel est Lafore, David Lafore, qui enfin nous revient, autonome (là, sur cet opus, il a tout fait : de l’écriture à la réalisation, de la compo à l’arrangement, et tous les instruments). J’ai le souvenir d’avoir chroniqué son précédent album dans les colonnes de Chorus, c’est dire s’il y a un bail. Il nous revient pareil côté textes, enfin pas vraiment, nous y reviendrons. Un peu beaucoup différent côté musique : le minou se lâche, met un tigre dans son moteur, y fourgue du disco, du post-punk, « des arrangements organiques, vrillés et puissants » nous souffle même son prière d’insérer. Largement de quoi danser sur des mots bizarrement agencés, obsessionnels, souvent minimalistes (y’a pas que le minou sus-cité) : faudra ensuite trouver le DJ qui daigne passer ça sur ses platines et c’est autre paire de manches. J’ai l’amour nous chante-t-il comme on dirait « j’ai la morve », précisant utilement « le zizi c’est pour toi. » Allez, dansez-moi ça !
Lafore a-t-il changé depuis Vingt francs (le cunnilingus) ? Sa chanson s’est raidie, radicalisée, épurée. Minimaliste, comme un string, comme du Robi. Sa poésie s’est muée en pure abstraction, tant qu’on doute qu’il puisse s’agir encore de poésie. S’il fut un temps – ça n’a pas duré – où il tentait de s’ébrouer dans la dimension chanson, pas celle dite de parole mais pas loin, il fait désormais fi des dites paroles, lâchant de rares mots en pâture qui sont autant d’amusements, de gadgets que de possibles concepts, des Père Dodu, des Président, des Yoplait (lui même est en jockey sur la pochette), de mots automatiques de grande consommation qui, dissous dans l’électro, peuvent s’apprécier au soixante-quinzième degré. C’est peu ou c’est beaucoup, c’est selon.
Lafore a-t-il changé ? Oui, un peu quand même.
David Lafore, J’ai l’amour, Crépuscule/Musicast 2015. Sortie le 4 septembre. Le site de David Lafore, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs en a déjà dit, c’est là.
Il faut certainement le voir en spectacle. J’espère qu’il n’a pas perdu cet humour de 2013 au Limonaire (plusieurs chansons sur youtube) qui fait un peu penser à celui de Nicolas Jules (Si tu es je suis):
https://www.youtube.com/watch?v=WkLsEAnoPVI
J’aimerais bien aller m’en rendre compte par moi-même, il passe le 10 octobre à Marseille au Poste à Galène, mais j’avais un autre concert en vue à Aix.
Je ne sais pas si c’est le côté punk électro, et la voix, mais là j’ai plutôt pensé à Pierre Lapointe : « Danse avec moi » :
https://www.youtube.com/watch?v=YFHvcg_EQW4
Et là à Philippe Katerine : « Choses » :
https://www.youtube.com/watch?v=NvtoAz29Ctg