Paroles et Musiques 2015. Se fendre des Brigitte…
Brigitte, 9 juin 2015, festival Paroles et Musiques à Saint-Étienne, Le Fil,
Elles sont venues, nombreuses. Qui entre copines ; qui, parfois, avec leur mec, leur amant, leur ami. Mais le féminin domine largement. Une cohorte de filles, jamais vu autant à la fois. L’une d’elle me l’a dit d’ailleurs : « Les Brigitte, c’est un truc de nanas » me suggérant que, nous les mecs, nous ne saurions tout à fait comprendre. Sans doute.
Commerce de filles, concept. Deux filles, Brigitte et Brigitte donc (Aurélie et Sylvie, pcc), ci-devant en longues robes noires, épousant au plus près les contours de leur corps, pailletées, fendues jusque… ooooh ! Dieu qu’elles sont fendues ! Dos largement nus, décolleté de dos en forme de cœur, coiffure années 60. Chorégraphies lascives… Le visuel c’est ça. Esthète. Éclairages élaborés qui soulignent ces jambes mises à nu. Du coup, on ne songe même pas à regarder les musiciens (combien étaient-ils d’ailleurs?) qui jouent les utilités, qui aux guitares, qui aux claviers, qui à la batterie : eux sont hors notre champ de vision, hors éclairages, on ne voit qu’elles, ces mannequins puissamment érotisés : « Viens ce jour ma peau ne sait plus attendre / Viens cours des papillons au creux de mon ventre… » A telle supplique, qui peut résister à la chasse aux papillons ?
Tout le concert c’est ce même visuel de sœurs jumelles, sans doute nées sous le signe des gémeaux (leur intro fait très Demoiselles de Rochefort), cliché clean de quadrichromie sur papier glacé, comme un clip de bien plus que quatre-vingt dix minutes. Vous pouvez vous absenter, aller au bar ou aux toilettes (les filles vont souvent aux toilettes), que vous retrouverez le film comme si vous aviez mis la touche pause.
Vamps, ensorceleuses aux déhanchements programmés, savamment étudiés. Comme des modèles en vitrine des Galeries Lafayette. Musiques disco et discount. Le concept est assumé et les paroles vont avec. Tout tourne autour des mecs et des choses de l’amour : « Embrassons-nous, embrassez-vous / Aimez-vous, aimons-nous les uns sur les autres » On a l’impression que cette chanson-là est calculée, pensée, programmée, testée comme n’importe quel autre produit avant de le lancer sur le marché. Un produit qui ressemble et rassemble, qui se vend. Démarche commerciale et sociologique, futée et diablement efficace. Truc de nanas ? Oui, comme un magazine féminin, avec ses rubriques, son vocable, ses codes, ses larges pages sexualité et son catalogue du possible. Et, au hasard d’une chanson, quelques mots troublants, comme un autre rubrique encore : « La belle je sais faire / La conne je sais faire / La cuisinière aussi / La fille je sais faire / La pute je sais faire / Mais pas donner la vie / Je veux un enfant / Je veux dans mon ventre / Sentir le sang, la vie dedans / Je veux un enfant. » C’est le seul moment où ce concert prend vie, se raccroche au réel. Tout le reste n’est qu’illusoire illusion, qui plus est lointain avatar de la chanson.
Après le « Dieu que c’est beau » de l’article précédent, voici donc le Dieu que c’est bon des Brigitte !
Là, Danièle, pour apprécier, faut se t’athée. Car je ne suis pas sûr d’avoir la foi. C’est du fabriqué, de l’industriel… Mais, entre nous, quelles jambes !
Nos Brigitte ce sont des bonbons tendres, fruités, acidulés enrobés de papier doré. Cela pourrait être ce petit chocolat ou plutôt la cerise qui fond sous la langue avec sa liqueur. J’ai lu l’article. Je pense qu’elles s’amusent, que cette légèreté colle bien à notre époque même si les mélodies rappellent les années disco. Et si ces apparences trompeuses, cette illusion à laquelle vous faites allusion n’étaient qu’une façon de nous faire oublier que cette vie est trop âpre, difficile, problématique… Une façon de nous faire évader d’un quotidien morose. Allez, c’est l’été alors on se laisse emporter avec légèreté et ça fait parfois du bien.