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2015 : les bonnes révolutions

Bertrand Burgalat (photo DR prélevée à sa page facebook)

Bertrand Burgalat (photo DR prélevée à sa page facebook)

Oreilles qu’on branche en permanence; culture qui rime non même plus avec confiture mais avec centre commercial ; enfin subventions et festivals qui s’évanouissent : de 2014 à 2015, on a beau prendre de bonnes résolutions, dur dur d’être optimiste sur les conditions de la chanson en France. Et pourtant, au milieu de ce marasme vulgarisant et globalisant du tout et vite consommable, la chanson française est bien loin de fondre comme neige qui ne tombe même plus.

Chro-quée : chanson française ou musique amplifiée ?

« Depuis quelques années se dessine une nouvelle cartographie de la chanson française qui aurait ses influences anglo-saxonnes pour mieux s’en détacher ». Eh oui, ils ont osé : en bleu, blanc et rouge, le magazine Chro dédie hardiment son numéro de transition annuel à un sujet rarement chroniqué dans la presse – ça change des « huit résolutions pour se remettre des fêtes » : la chanson française.

En fait de chanson, c’est surtout de pop-électro-rock dont il s’agit (« indé » pour les intimes, « musiques actuelles et amplifiées » pour notre cher Ministère). Mais exit petites boîtes, la chanson française au sens large – c’est-à-dire dont les textes sont en langue française – remonte en scène, comme le témoigne la simple existence de cette une. Au travers de plusieurs entrevues d’artistes tels que La Féline, Jean-Louis Murat ainsi que Bertrand Burgalat et Benoît Forgeard [créateurs du Ben&Bertie show] ; le magazine présente pour son bimestriel d’hiver et de son plus beau manteau tricolore cette « nouvelle génération de songwriters » en français « du plus mainstream au plus souterrain » (des influences anglo-saxonnes bien digérées qu’on vous dit). Au risque d’en fâcher certains (je sens les sceptiques arriver à grand galop, saut d’obstacle au-dessus de ces termes fort peu français, accompli avec satisfaction de celui qui sait ce qu’il fait), il semble qu’amplification et chanson ne soient pas incompatibles. Une question de définition me direz-vous ? Et si la chanson française amplifiée existait, une chanson aux rythmes peut-être « jeunistes » mais avec des textes qui ne sont plus compris Outre-Atlantique sans traduction et qui n’obligent pas l’auditeur à se fourrer des bouchons dans les oreilles au risque de finir sourdingue au bout de 1’27 de son ? Écoutez donc Féloche ou La Féline. Grand Corps Malade ou Moodoïd.

Les pages du magazine Chro

Les pages du magazine Chro

C’est mélanger torchons et serviettes, entends-je encore résonner. En effet, on retrouve ici des genres musicaux bien différents. Et l’on peut tout à fait choisir de ne chroniquer ici que ce qui n’appartient aux titres qu’on ne pourrait classer ni en rock, blues, pop, électro, musique du monde et j’en passe,  mais il m’étonnerait fort aujourd’hui que l’on y gagne à délimiter ainsi la chanson.

Finalement, ce que l’on retient de cette prise de température est surtout une envie renaissante dans notre Hexagone aux côtés peu réguliers de faire de la chanson en français, « locale » plutôt que patriote (d’après les tendances évoquées par le même magazine, une chanson humide et sombre nourrie au charbon des villes du Nord et au fumier de la campagne loin de pétulants réverbères citadins), sortie par des petits labels indépendants échappant au rouleau-compresseur des gros producteurs. Pas si mal, non ?

Une génération qui s’exporte

Autre signe qui ne trompe pas : l’image de la chanson outre frontières nationales. Si l’on constatait désespérément quelques années en avant que la chanson française à l’étranger c’était Voulez-vous coucher avec moiTomber la chemise, Édith Piaf ou Le Bossu de Notre-Dame, la donne a visiblement quelque peu changé. Stromae ou Yelle ont gagné les rivages de l’Amérique du Nord quand Zaz cartonne un peu plus à l’Est (notamment en République Tchèque où cette dernière était encore en tournée en novembre dernier). Peut-être les raisons de l’engouement ne seront pas celles que nous préférerions entendre : « on l’aime parce qu’elle a de l’énergie, pas parce qu’on comprend les paroles, mais parce qu’elle a la présence d’une star » explique un tchèque à propos de Zaz ; mais une « chanson » ne peut être réduite à la qualité (ou non-qualité) de son texte.

Féloche, Grand Corps Malade : deux artistes que l’on retrouve sur Génération Française 9, album créé dans le but de promouvoir la langue française par la chanson, et ce non uniquement au travers de textes simples et consensuels tel que l’on pourrait le penser (bien sûr, ne vous attendez pas non plus à trouver du polémique ou censurable dans cette vitrine auditive de la France). Pas de Brassens ni de Ferré, de Piaf ni de Barbara, mais Albin de la Simone, Riff Cohen, ou encore Gaël Faye : comme l’indique son nom, on y chante chaque année la nouvelle génération de chanteurs français.

C’était mieux avant comme disent les vieux cons (Grand Corps Malade)

Alors oui, en France, « les lieux pour jouer [de la chanson] se font de moins en moins nombreux et les festivals commencent à se casser la gueule par manque de subventions » confirme Olivier l’Hôte. Mais les artistes sont là, le public aussi. Et pas seulement au sein de nos frontières. « Il y aura toujours un public si on le cherche bien ! » positive le chanteur qui, lui, croit encore en la neige, tout du moins dans ses chansons.

Et au pire, comme le confie si bien Bertrand Bugalat à Chro à propos du rock français – remarque que l’on peut philosophiquement élargir à tout domaine : « plus c’est pourri, plus ça donne envie de retourner la table ». Pour une fois, on va peut-être les suivre, ces bonnes révolutions…

3 Réponses à 2015 : les bonnes révolutions

  1. Danièle Sala 14 janvier 2015 à 11 h 50 min

    Bon, il y a à boire et à manger dans cet article ! Pour moi, il n’y a pas de frontières , quand la musique est bonne d’où qu’elle vienne, quand les paroles sont compréhensibles , et que ce soit du local, de l’urbain, de partout, c’est bon à prendre . Il n’y a pas qu’un renouveau des  » influences anglo-saxonnes » , les chansons se colorent de plus en plus de musiques nomades, celles qui portent la mélancolie de l’exil, l’espoir d’un nouveau monde de fraternité et de liberté , là est la vraie révolution

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  2. catherine Laugier 15 janvier 2015 à 22 h 23 min

    A propos de musique amplifiée, je citerai, en plus, des groupes comme Iaross, ou 3 minutes sur mer dont les textes sont recherchés autant que les musiques : Nous n’avions pas encore le temps http://youtu.be/H74yJU6pVpU?list=PLvflGeH30-DW2jHQncSwCOPlwnjt76LLl,
    des individuels comme Jérémie Bossone : La Tombe
    http://youtu.be/e7i-6lSKpw4?list=PLjgARH5GHfS_AZjohUaaFh-2G6zSQe2AK,
    Nicolas Jules ou Dimoné, ou Syrano qui mixe chanson française et rap , ou HK et les déserteurs, spécialiste du métissage : Les Passantes
    http://youtu.be/63c3YKvVGCY,
    et beaucoup d’autres qui mélangent diverses influences, rock, jazz, java, musique orientale… et chanson française.
    La chanson française n’est pas morte, elle est très vivante comme le dit Danièle, se métisse, s’enrichit, comme le monde que nous souhaiterions !

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  3. Agnès André 23 janvier 2015 à 7 h 41 min

    Tout à fait en accord avec cette idée de métissage! Ceci était notamment une réaction à l’impression de pessimisme flottant autour de la chanson française, suite à l’article de Michel Kemper sur les conditions de création et production, ainsi qu’à la lecture de ce dossier (Chro).
    Et il faut bien se rendre compte que cette diversité de la chanson française est très peu connue, je dirais même en France. A l’étranger, cela demeure une certaine image de la chanson (qui doit coller à l’image française), c’est-à-dire Edith Piaf et toute autre chanson qui lui ressemble.
    Et enfin, je pense qu’il reste encore une encore une certaine rivalité entre l’anglais et le français dans la chanson, comme dans d’autres domaines d’ailleurs. Mais vous allez me dire, ça, ça ne date pas d’hier…
    Alors non, la chanson française est loin d’être sous terre, mais il faut faire voir sa diversité et sa vivacité!
    PS: Très belles découvertes amplifiées, merci Catherine. J’aime beaucoup Jérémie Bossone.

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