Sourigues : souriez, je chante chez vous !
Ça se nomme Chant’Appart en Vendée (c’est d’ailleurs là où c’est né), Chante Jardin du côté de Lyon, Chansons chez l’habitant à Aix-en-Provence, Chansons à domicile à Vesoul, Chants domicile fixe à Foix, Concert appart’ par le concierge un peu partout (une initiative commerciale) et ça porte des tas d’autres noms ailleurs. On recule les meubles, on fait un peu de place et la chanson y est comme chez elle, dans un rapport direct au public. Des réseaux souvent inconnus du grand public, de grande convivialité, où la chanson trouve non seulement refuge mais aussi un nouveau public et c’est important. Aujourd’hui nous sommes à côté du Puy-en-Velay…
Je descends du T.E.R. Il fait déjà nuit, les alentours de la gare pas éclairés. Un homme me suit qui, soudain, dans la pénombre, me lance un joyeux « Salut, Nos Enchanteurs ! » Nous sommes à Vorey-sur-Arzon, Haute-Loire, en terrain de connaissances. Lui, c’est Francis Laporte, le manager d’Alain Sourigues. La rencontre n’est finalement pas si fortuite qu’elle en a l’air : c’est ce soir Chant’appart chez une voreysienne, avec Sourigues justement.
Vorey ne leur est pas inconnu. C’est la cinquième fois que le gascon s’y produit. Jusqu’à présent abonné aux lieux municipaux, à présent chez l’habitante. Chez Laurence B., sinon une inconditionnelle au moins une fieffée connaisseuse.
Le salon est dégagé. Les spectateurs arriveront tout à l’heure avec leurs chaises. Sur les murs, la collection des affiches de Sourigues : y manque juste la première, introuvable collector. Dans la salon, Jules Thévenot, guitariste et banjoïste, Jean-Michel Martineau, contrebassiste, et Alain Sourigues, vedette. Répétition. Francis imagine l’éclairage de scène. Apéro et saucisses-lentilles sur le pouce avant…
Le public se pointe à l’heure. Quarante personnes dans le salon, ça fait du monde. Tout le monde se connaît ? Même pas. Il y a les amis. Et les amis des amis. Tous ne sont pas forcément de l’habituel public chanson : il y a même peu ou pas de cheveux blancs, c’est dire si ça renouvelle.
Le coup à boire, les quiches, tartes et autres saleries et sucreries sont pour après. Là, le salon va s’obscurcir et l’artiste entrer en scène. Pas très en forme d’ailleurs, l’artiste, un peu malade (mais seul le rire est contagieux). Mais même un demi-Sourigues reste un géant sur toute scène, celle de l’Olympia comme dans le salon de Laurence.
De l’acteur ou du chanteur, qui est au service l’un de l’autre chez Sourigues, on ne sait. Il mutualise ses dons et talents et, ma foi, fait forte impression. C’est lettré et théâtral, c’est musical. C’est gorgé de mots, juteux, malicieux, qui se culbutent l’un l’autre, qui font bombance, s’ordonnant en un discours cohérent, séduisant, en des chansons habiles, subtiles, par une voix qui se partage entre ce qu’on sait de Nougaro et ce qu’on devine de Cyrano. Une chanson de proximité, au plus près du public sur qui pleuvent les postillons gorgés de mots et de bacilles. Superbe prestation, impressionnante, sertie des notes des amis Jules et Jean-Michel (lire ici ce que nous avions écrit il y a dix-huit mois déjà de ce récital).
Largement de quoi séduire, de donner envie de revenir. Chez Laurence, oui. Dans tout lieu, toute salle où se produit un artiste, un chanteur. Un enchanteur de cette trempe.
Avec qui on prolonge la soirée, en grignotant, en levant les vers, comme si, durant sa prestation, sa représentation, il n’en avait pas déjà soulevé des quantités. On en veut toujours plus.
Le site d’Alain Sourigues, c’est ici. Ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là.
Il n’y a pas que sa voix qui fait penser à Nougaro, c’est aussi un magicien des mots . Dommage que mon salon soit trop petit !