L’Auguste Festival 2014: gagnante aux points, Clio s’amuse de l’histoire
Et pourtant, point de Mnémosyne dans la petite salle accueillante de l’Auguste Théâtre, sise à deux pas du Père Lachaise et subséquem- ment, comme dirait l’autre, à quatre pas de ma maison… Mais plutôt des curieux, des passionnés, des défricheurs de chanson, venus se réchauffer aux mots et aux notes des postulants à ce tout nouveau petit tremplin dont c’est la deuxième édition cette année. Sept minutes, pas une de plus à perdre (Pas une pinute à merdre, dirait le Père Ubu…), c’est ce dont disposait les artistes pour convaincre le public de les envoyer en finale le 21 novembre. Et dans la salle, je vous garantis que sept minutes, c’est parfois long, bien long… Sur scène, un sympathique salmigondis d’artistes débutants et de vieux briscards de la scène parisienne, NosEnchanteurs n’en ayant absolument pas les moyens matériels, je vous laisserais le soin de faire vous-même le choix parmi les noms de participants à cette soirée et de redonner à chacun le statut qui est le sien : Virginie Carrillo, Laurent Brunetti, Ben Nodji, Jann Halexander, Axel Saddier, Sophie Terol, Clio Tourneux et Joachim Gaury. J’ai eu un instant la tentation délicieuse de retranscrire en ces lignes l’essentiel des notes prises durant la soirée, mais vous savez ce que c’est, on va encore me reprocher d’être un méchant garçon (ce que je peux être au demeurant, adressez vos demandes directement à NosEnchanteurs…). Alors, foin de médisances, il vous faudra vous contenter de mon avis sur les trois artistes qui, à mon sens, sortaient plus que largement du lot. Et faire une impasse sur les autres qui, pour la plupart, n’ont pas grande légitimité à émerger du légitime anonymat où les maintient leur indigence tenace (Pierre Desproges, sors de ce corps !).
En premier lieu, le jeune Axel Saddier, seul en formule guitare/voix, frêle d’apparence et doté d’une fine moustache de hipster (vous épargnerais-je ma blagounette du moment sur les fameux hipsters de l’Ouest ? Allez oui, vous n’avez pas mérité ça, chers Enlecteurs…). Le premier titre sera mi-parlé mi-chanté, mais pas tout à fait un slam cependant, comme il l’annonce. La voix est bien posée et assez grave, avec quelque chose d’assez prenant. Sur le second titre, Au détour d’une ballade, elle s’envole presque étonnamment et se fait plus aérienne, avec un petit côté que l’on situera, selon sa sensibilité du moment, plutôt du côté de Raphaël ou de celui de Stephan Eicher. Un peu maladroit, mais assurément touchant.
Laurent Brunetti, ensuite, accompagné de fort belle façon au piano par le talentueux Mario Pacchioli. Mais que ces deux là se sont bien trouvés ! Les deux titres, chantés sans micro d’une belle voix ample, dépeignent successivement les affres d’un fossoyeur à la sensibilité exacerbée (Le grand gala des RIP), et de bien belles réminiscences d’enfance portés sur les ailes fragiles d’un cerf-volant faseyant. Saluons la belle complicité scénique des artistes, tout autant comédiens que musiciens, un peu à l’instar de ce que peut être l’ambiance du Cirque des Mirages. Et puis, ne me demandez pas pourquoi, on peut y voir par instant un petit côté de l’univers de Reggiani… Et c’est un compliment.
Clio Tourneux, enfin, oui, la Clio dont je vous rebats les oreilles depuis que j’ai eu la chance insigne de la voir il y a peu sur la scène des BBB (Trois Baudets, suivez un peu, que diable !). Toujours accompagnée par la discrète guitare bossa de Gilles Clément, elle s’installe avec cette même impression étrange de détachement, avec un peu l’impression de s’excuser d’être là… Elle nous offre un titre, un seul titre, Les équilibristes, mais un très beau titre qui prend le temps de se lover, de se déployer et de prendre toute sa place, avant de nous emporter dans son univers faussement délétère et désabusé. Un véritable moment de grâce suspendue, qui a proprement cueilli l’auditoire qui la découvrait. Un petit avis tout personnel cependant, elle en fera ce qu’elle voudra et c’est très bien ainsi, mais pour charmant que soit son simple prénom, on ne saurait trop lui conseiller d’utiliser pour la suite de sa carrière son patronyme en entier, tout d’abord parce que cela sonne bien, et ensuite pour de basses raisons de visibilité et de référencement dans les méandres hostiles du Net. Et puis, Tourneux, pour une artiste appelée à beaucoup tourner dans les salles de concerts, quoi de plus approprié… Pas de faux suspens, elle remportera ce soir tous les suffrages à l’issue du vote du public, lui permettant donc d’accéder à la finale du 21 novembre. A suivre, donc…
Mais demain est un autre jour.
La page facebook de Clio, c’est ici ; celle d’Axel Saddier, c’est là. Le site de Laurent Brunetti, c’est là.
Je réagis à cet article car justement, j’étais aussi à cette soirée.
Au passage, déjà, je signale des erreurs : on dit Jann Halexander et non Jan Alexander – dont il est en plus question, je m’aperçois, sur ce site, dans un article par Norbert Gabriel. C’est justement ce chanteur, sachant que j’habitais pas loin du théâtre, qui m’a suggéré de venir, via twitter, bien que je n’étais pas très enthousiaste. Il m’avait déjà convaincu de venir au festival ‘Chanson j’écris ton nom’, le 13 septembre dernier, qu’il co-organisait avec les éditions Lalouline, et dont le chanteur Jean-pierre Réginal (‘Les mots’) était le parrain. Il y avait une cinquantaines de spectateurs – la salle fait 90 places je crois, mais au delà de 40, il m’est d’avis qu’on est un peu serré. J’avais d’ailleurs écrit un article là-dessus. Il s’agissait de la première édition, le festival sera reconduit l’an prochain, mais pas au même endroit.
Cette façon de voir les choses relève davantage du mépris qu’autre chose. Je ne vois pas du tout ce que viennent faire des expressions malheureuses comme ‘indigence tenace’. Rien ne force un artiste à chanter et parmi ceux qui chantaient ce soir-là, certains continuent, bon an, mal an, leur chemin et réussissent leur vie, je pense, sans trop de drames et de névroses. Je ne suis même pas sûr, au sens large, en fait, qu’ils attendent de la pitié et autres commisérations. Quant à la légitimité, c’est aux artistes de la prendre et de s’imposer, ou pas, il n’y a pas d’artiste légitime ou illégitime. Il y a peut-être des chefs d’état illégitimes (ceux qui arrivent via un coup d’état) mais en art, je regrette, la légitimité n’existe pas. Il y a l’artiste et puis le public en face. Des fois, il répond, des fois il ne répond pas. Des fois il répond trop. Des fois, il y a des malentendus. Il faut se méfier de l’emploi du mot légitimité pour quelque chose d’aussi subjectif que la chanson, le cinéma ou la peinture. En conséquent, il n’y a pas de légitime anonymat et certains artistes justement présents sont loin d’appartenir à l’anonymat, c’est l’aspect qui m’a le plus dérangé, j’y reviendrai.
Reconnaissons-le, la salle de l’Auguste Théâtre est très belle, propre, le hall est spacieux, avec des banquettes et canapés confortables, on peut y boire un coup pendant l’entracte. Ah, et l’acoustique est excellente. D’autre part, j’ai la chance d’habiter pas loin. Mais là le 22 octobre, j’ai un peu le sentiment de perdre mon temps. Côté public, on devait être difficilement une vingtaine, l’ambiance était assez déprimante pendant la première partie. On voyait bien aussi que certains étaient venus pour soutenir untel ou untel, que ça allait jouer au niveau des votes. C’est là qu’on arrive à l’aspect totalement bizarre, j’ai trouvé, de cette soirée qui se fait appeler Festival. Mais qui n’a rien d’un festival (qui regroupe des chanteurs, sans qu’il y ait quelque chose à gagner, il me semble que c’est ça) mais plutôt un concours. Alors, passe encore que certaines débutants utilisent cette scène pour justement espérer y chanter plus tard. cela ne me choque pas.
Ce que je n’ai pas compris, par contre, c’est la présence des endurcis de la ‘chanson’, des artistes comme Sophie Terol, Laurent Brunetti, Jann Halexander, qui ont chanté un peu partout, chantent un peu partout et sûrement continueront de chanter un peu partout -je le leur souhaite, qu’on les apprécie ou pas. Je me suis renseigné sur Laurent Brunetti, l’un des ‘miracles’ de la soirée. Voilà un artiste qui a des années de métier derrière lui, qui a une belle notoriété en Suisse, n’est-ce pas une sorte de retour en arrière d’aller se soumettre aux jugements dans un concours ? Qu’est venue faire aussi la talentueuse Sophie Terol (que j’avais déjà vue, me devant d’accompagner un couple d’amis, au théâtre de l’Essaïon, il y a un bon bout de temps) ? Ne les connaissant pas, je n’ai pas osé leur demander. Et d’ailleurs, ça ne se fait pas. Après tout c’est leur choix. J’espère simplement qu’ils ont pris plaisir à chanter. Je pense que oui, vu leurs prestations excellentes. J’ai été profondément bouleversé par ‘Le chant des nymphes’ de Brunetti, mon plus beau moment de la soirée, le plus profond. Les applaudissements polis du public m’ont d’ailleurs peiné. Quant à Jann Halexander, il s’est vite éclipsé après la soirée mais je sais, pour avoir discuté avec lui sur face de bouc, qu’il aime jouer et chanter à l’Auguste Théâtre, qu’il y a fêté ses 10 ans de carrière en 2013 et qu’il se foutait de gagner ou pas. Bon, il n’habite pas très loin non plus, ça aide. Il a ouvert la seconde partie avec le délicieux ‘Le sexe triste’. Sophie Terol , tout simplement génialement décalée. Elle n’a pas changé. Ou plutôt si, elle se perfectionne.
Après les goûts et les couleurs, dont on sait que ça ne se discute pas : je n’ai pas été transporté par Antoine Dubreil, c’était de très bonne facture mais je n’ai rien ressenti. Virginie Carillo, qui ouvrait la première partie, m’a fait penser, en version slam, à Clémence Savelli. Mais je n’aime pas franchement le slam. Toutefois j’ai été content qu’elle soit parmi les trois nominés, sa fresque sur la vie des Gitans ne laisse pas indifférent. Un artiste s’est désisté et le dernier de la soirée, ‘no comment’ : faire passer une bande musicale d’arrangements synthés électriques dans une salle pas du tout appropriée, c’était moyen. Quant à Clio, j’ai trouvé ça péniblement gentillet, fade au possible. Son manque d’enthousiasme quand elle a été nominée m’a surpris. Peut-être s’y attendait-elle, ça doit être ça, la ‘force tranquille’ de ceux qui savent qu’ils vont gagner. Mais peu importe, on ne peut que lui souhaiter de durer, c’est ça le plus difficile pour les artistes, durer, continuer d’exister, envers et contre tout.
Donc bilan : des pointures, évidemment, dont je persiste à penser qu’elles n’avaient pas vraiment leur place dans ce concours, des débutants corrects mais qui n’ont pas suscité d’enthousiasme particulier chez moi. Souhaitons le meilleur aux nominés pour le 21 novembre et que les futurs perdants se rassurent : ce ne sera pas la fin du monde, je suis convaincu que s’ils aiment chanter, l’épreuve de la scène, alors ils continueront…peut-être même que dans quinze ans, devenus artistes endurcis, ils se frotteront à d’autres débutants dans un concours de chanson, qui sait ?
Frédéric
Heureux de voir, cher Frédéric, que les ressentis peuvent différer pour une même soirée, et nos deux points de vue me semblent tous les deux eminemment respectables… Concernant votre belle envolée sur la supposée « légitimité » de certains artistes, je vous invite (comme mon billet le suggérait finement) à vous reporter à l’excellente « Chronique de la Haine Ordinaire » de Desproges en date du 19 février 1986, et à méditer le bel aphorisme dudit selon lequel, décidement, on peut rire de tout mais pas avec n’importe qui… Quand à la prestation de Clio (dont, encore une fois, vous pouvez penser ce que bon vous semble), saluons le public qui s’est donc trompé dans son immense majorité… (pour info, bien plus que le chiffre que vous annoncez, et j’ai participé au dépouillement des bulletins.).
Eh oui, tous ces concours sont à la fois nécessaires pour mettre en avant des talents débutants et cruels pour ceux qui sont laissés de côté . C’est vrai que pour certains, il vaut mieux les encourager dès le départ à choisir un plan B,( voire les notes de Patrick!) mais d’autres, comme Laurent Brunetti et Axel Saddier , que j’ai pu apprécier avec ces vidéos , n’ont juste pas eu de chance, et Clio « Un véritable moment de grâce suspendue, » a bien mérité cette sélection .
Mea culpa si je n’ai pas saisi l’allusion à Desproges (je suis plus branché Raymond Devos). Il est possible que j’ai un peu sous-estimé le nombre de spectateurs mais enfin, il me semble qu’on était pas très nombreux, et ça en soi, dans le fond, est-ce vraiment grave ? Non (pour paraphraser Jacques Brel : rien n’a d’importance).
Sinon, je voudrais clarifier ma position, car l’ironie a du bon, mais elle a du moins bon dans le sens qu’elle coupe l’herbe sous le pied des avis divergents : je n’ai jamais prétendu dans mes propos que le public s’est trompé dans sa majorité -j’en profite pour rappeler au passage d’ailleurs que majorité ne signifie pas ‘avoir raison’, l’Histoire ne l’ a que trop montré. Non simplement je n’ai pas été convaincu par le choix principal du public et je le dis, là encore je n’exprime qu’un point de vue purement personnel, je ne vais donc pas culpabiliser. Je souhaite le meilleur à cette chanteuse – et si tout se passe normalement, elle connaîtra le meilleur et le pire, c’est un classique.
‘Eh oui, tous ces concours sont à la fois nécessaires pour mettre en avant des talents débutants et cruels pour ceux qui sont laissés de côté .’
Concours cruels, oui évidemment. Même malsains. Faire de la musique un champs de compétition me paraît dévalorisant pour les artistes. C’est juste une réplique en plus petit de ‘nouvelle star’, ‘rising star’ et autres ‘star académie’. Saupoudré d’un vernis qui se voudrait plus authentique. Concours nécessaires et révélateurs de talent, je n’y crois absolument pas. Jacques Brel, dont je suis un fan absolu, lors d’un concours auquel il a participé au concours de Knokke en 1953, en Belgique, est arrivé avant-dernier : le public ne fut pas réceptif pour un sou, le jury, à l’exception de Canetti, ne l’a pas encadré non plus. Mais de tous ceux qui participaient à ce concours, seul le nom de Brel est resté. Sans aller jusqu’à Brel, ils sont nombreux les artistes actuels qui n’ont jamais gagné de prix, n’ont jamais été sélectionnés par les concours et qui poursuivent leur chemin. Heureusement que Brel n’a pas choisi de Plan B sous prétexte que personne ne pouvait l’encadrer ce jour-là…
Pour ce qui est des concours/crochet/tremplins, le peu que j’en ai vu (mais en ayant suivi de mon mieux sur la longueur) me laisse très insatisfait sur les jurys qui ont délibéré, et choisi, en résumé, ce sont souvent les artistes novateurs qui sont supplantés par des gens plus conventionnels. Il n’y a pas souvent un Canetti pour aller à contre courant et retenir ceux qui apportent quelque chose de neuf..
Bonjour, je me suis mal exprimé. Non, je n’ai pas dit que vous avez mal écrit le nom de l’artiste, j’ai dit simplement que j’étais surpris sur le même site de voir le nom de l’artiste orthographié de façon différente. D’ailleurs, l’erreur dans l’article ci-dessus est restée, puisqu’il manque toujours le H de Jann Halexander; Mais bon si l’intéressé lui-même ne se manifeste pas, hein.
Je découvre ce site, vraie mine et par ailleurs je découvre le débat autour de la participation de Gérard Genty (je connaissais pas), au concours vive la reprise. Je mettais l’accent dans ma réaction à l’article ci-dessus, sur la pertinence de la participation de chanteurs plutôt confirmés, en tout cas pas du tout débutants, à ce genre de concours. Et bien comme quoi, je vois que je ne suis pas le seul à soulever cette ‘problématique’, les débats enrichissants qu’elle soulève (en plus dans l’article sur vive la reprise, on a droit au point de vue l’artiste, c’est plutôt chic.).
Bonjour Frédéric et bienvenue sur ce site. Bon courage aussi : vous avez 2763 articles en retard à lire ! A vous comme à tous autres lecteurs de participer à faire connaître NosEnchanteurs : je compte sur vous. A bientôt !
Cette fois-ci, la discussion dérivant sur les concours, tremplins et autres scènes du même type, je me sens obligée de mettre un commentaire car j’ai été durant 8 ans organisatrice d’un tremplin. Il nous a donné tant de beaux et grands moments, il a permis des échanges, rencontres, collaborations artistiques entre artistes et pour moi de précieuses amitiés ! C’est lorsque nous sommes arrivés au 100 ème candidat que nous avons décidé de passer à une version festival …qui nous a , au final, conduits où nous en sommes , c’est à dire à la disparition ! Mais je m’empresse de dire que c’est sans regret d’aucune sorte que j’y pense. C’était une belle aventure qui a duré 11 ans ; 11 années au service de cette chanson qui me fait encore courir les concerts aujourd’hui et donné de mon temps à la rédaction de chroniques, comme vous le savez. Dans le domaine des tremplins il y a le pire et le meilleur mais ce sont des petites scènes qui offrent une lisibilité, voire une occasion de se confronter à la critique, de se frotter à l’univers des autres… je pense qu’ils ont leur rôle dans une carrière qui débute !