Elie Guillou, livraison publique de commandes privées

Sans cesse mais avec grand talent Elie Guillou travaille la matière chanson. Qu’il porte parfois en de singulières situations (faire Paris Brest à pied par exemple, en trente étapes et autant de concerts, chaque soir dans une commune différente…), en des endroits inédits aussi (ses tournées des Lavomatic, qui passent prochainement à Brest, Avignon et Rennes ; le temps d’un programme avec soquette pour mise de fond, les rappels au séchage. En fait, pas des concerts une scène ouverte qu’Eric Guillou organise et au sein de laquelle tout le monde peut venir s’exprimer [soit par une chanson, un texte, un poème, de la danse, etc.] que l’on soit pro ou amateur, enfant ou vieillard).

Il se dit chanteur public. Qu’est-ce donc ? « Il s’agit de mettre la chanson au service de ceux qui cherchent à exprimer les nuances de leurs émotions et d’accompagner, par l’écriture, les instants saillants de l’existence. » Et les demandes affluent : naissance, enterrement, portrait, déclaration d’amour, fâcherie… la vie se presse dans les attentes expédiées à cet écrivain-chanteur public. Nous vous en avions déjà parlé il y a trois ans : c’est ici.

Donc Elie Guillou honore les commandes. Et ne fait finalement pas autre chose que jadis, chez trouvères et troubadours, sauf que les commanditaires sont moins snobs, moins de la noblesse, nettement plus populaires.

De cette activité de Chanteur public, Guillou vient d’en tirer un bien bel album : dix chansons de commande, par nature privées, mises en pleine lumière, magnifiées ici qui par la viole de gambe ou la clarinette, le cor de basset, la guitare, quelques percus ou par la scie musicale.

Elie Guillon c’est un peu Cyrano de Bergerac qui souffle les vers à Christian de Neuvillett pour séduire Roxane. Ainsi ce « client » (de fait c’en est un) qui s’adresse à sa bien-aimée : « Je ne vais pas pleurer devant ta porte / Je ne vais pas crier pour que tu sortes / Je resterai chez moi, tu sais / Que si tu sonnes, je t’ouvrirai. » Ou cet autre qui offre une chanson à son enfant pour ses dix ans : « Le torrent / C’est ton âme / C’est ta flamme / Ton élan / Dans la cascade de tes 10 ans. » Comme cette autre qui célèbre une maison, du champ qu’elle était aux dépendances, des enfants qui y naissent à leur départ : « Le fruit est sur la branche / Le bois dans l’appentis / La maison est immense / Les enfants sont partis. »

Dix chansons qu’on écoute comme ça, pour le plaisir de leur belle construction, pour leur évidente musicalité. Mais sans mode d’emploi, sans (bien qu’on le devine un peu) le pourquoi ni le comment des commandes initiales, sans ces quelques indices qui puissent nous mettre sur la piste. Les curieux que nous sommes seront frustrés, foules sentimentales qui aimons les belles histoires, les émotions : nous reste l’imagination…

C’est a priori un disque comme un autre, un qui mérite amplement ce regard critique, un que vous aurez plaisir à écouter, à repasser. Qui est tout de même différent, porteur qu’il est d’histoires et d’attentes d’individus vrais.

Passionnant.

Elie Guillou, Chanteur public, Hé ouais mec productions 2014. Le site d’Elie Guillou c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là.