Les Grandes bouches : pourquoi ont-ils chanté Jaurès
Écoutez un tel album juste après avoir lu les propos d’un Pascal Nègre affirmant la mort de la chanson engagée fera sourire….
Oui, la chanson engagée (appelez-là ainsi ou comme ça vous chante…) existe. Notamment par les toulousains des Grandes bouches, ces rescapés du collectif Les Motivés et de 100% collègues : c’est même grand pléonasme les concernant. Ils sont sur la ville rose ce qu’est Christian Paccoud sur la capitale. Ce qu’est HK avec ou sans ses Saltimbanks. Ou Encore Tournée générale et bien d’autres encore.
Chez eux, accordéon, guitare et batterie valsent, tourbillonnent, révolutionnent de concert avec un chant impliqué.
Ce nouvel opus, Jaurès !, est le prolongement de leur précédent : Le bal républicain. Ils chantent le climat politique actuel et la réalité sociale et leur chant est engageant, festif. Comme s’ils dansaient une Carmagnole joyeuse et engageante, ce qu’ils font en fin de spectacle, en fin de chacun de ces deux disques, dans une version nouvelle, actualisée. Leur leitmotiv est « partager plus pour partager plus » : plus qu’un programme, une réalité.
Donc, Jaurès !, en un projet dont la version discographique (même si c’est un livre-disque) n’est pour autant qu’une simple et frustrante trace : car c’est un spectacle total fait tant d’exposition de dessins originaux d’Ernest Pignon Ernest, de photographies de Stéfane Henriques, que de prises de parole d’historiens et de personnalités liées à Jaurès, d’un concert étroitement mêlé, d’une chorale populaire, de poésie et de chansons partagées).
Le président de la République, François Hollande, s’est rendu au Café du croissant, là où Jean Jaurès fut assassiné, le jour du centenaire. Il a fait un discours, que tout le monde s’est empressé d’oublier, lui le premier : l’ombre de Jaurès est dérangeante pour qui s’adonne désormais à la Macron-économie. En célébrant Jaurès, les Grandes bouches actent un combat social permanent et ne se tournent pas, eux, vers le passé mais envisagent l’avenir : la différence est d’importance.
Avec joie, comme tous bons toulousains qui se respectent (Zebda, Fabulous trobadors…), avec chaque fois un peu de cette liesse populaire dont ils connaissent l’adn. Ils font chanter, ils font danser Jaurès : c’est sur une splendide valse qu’ils nous chantent « Jaurès ils t’ont assassiné et nous nous en mourrons aussi. » Associer le vieux leader socialiste à la notion de plaisir n’est pas le moindre intérêt de ce projet. Avec ces Grandes bouches, Jaurès (« lourde peine » qu’ils associent, en un superbe gospel laïc, à Néruda, Ghandi, Llorca, Martin Luther King…) redevient autre chose qu’un nom de rue ou d’école. Il redevient lui, non une icône poussiéreuse de photos jaunies, mais un compagnon de lutte, de luttes, de scène. Avec lui, la chanson reprend une de ses fonctions premières, à propager des idées qui parfois – ça s’est déjà vu – peuvent conduire à des révolutions.
Les Grandes bouches, livre-disque Jaurès ! Le bal républicain, Chants d’action 2014. Le site des Grandes bouches c’est ici. Sortie le 8 septembre ; en concert à Paris le 14 septembre sur la grande scène de la Fête de l’Humanité.
Chronique d’intérêt général ou de salut public, comme tu préfères ! Tu sais, Toulouse, la ville « rose », garde en effet dans ses murs, un peu de ce que lui apportèrent les Républicains espagnols, et cette Espagne là continue d’y pousser un peu sa corne !
Michel, ce que vous nous racontez-là est très réconfortant.
à Toulouse et partout, avec ces spectacles vivants, ces chansons, nous gardons espoir et avons envie de continuer la lutte. Il faut les envisager, les propager, les partager, pour que la parole qu’ils portent aujourd’hui devienne la réalité de demain. La révolution en chantant, quel beau programme !
Aaaahhh, les charmes de la Macron-économie…
Il y a 100 ans ce 31 juillet mourait Jaurès assassiné. Demain 3 septembre, c’est son anniversaire de naissance. Merci pour cet article, et merci aux Grandes Bouches, toulousains bien placés pour lui rendre hommage, et continuer le bal républicain.