La Colombe à tire d’ailes
La Colombe en 1970 (document « Le joli temps de La Colombe »)
Après l’agitation des concerts, place au calme de la lecture. Mon premier auteur de cet été est Michel Valette qui explore sa boite d’archives dans laquelle ont sédimenté en ordre chronologique ses notes sur tous les artistes passés dans son cabaret « La Colombe » entre 1954 et 1964, voire ponctuellement au delà. Et la prospection est fructueuse : à raison d’une programmation différente toutes les trois semaines, ils sont légion à avoir proposé leurs chansons, parfois leurs sketches, aux deux niveaux de cette maison de l’Île de la Cité. Le rapport, parfois anecdotique, au bâtiment et à ses évolutions sert de fil rouge et accroche le lecteur qui ne relève pas la tête avant la page 439, et voit défiler une galerie impressionnante (plus de 800 noms dans l’index final).
Avec un don de conteur qui sait captiver (comme dans ses conférences), Michel Valette détaille les caractéristiques de chacun, comment il a été auditionné, quelles étaient ses chansons, son style, sa présentation, son impact sur le public… et il prolonge parfois en précisant quels furent ses premiers enregistrements et son devenir ultérieur, dans le « métier » ou en dehors ! L’auteur, c’est évident, aime les artistes, même les quelques uns dont le comportement fut décevant, et met en exergue leur côté positif. Evidemment – qui ne le serait pas – il est fier d’avoir décelé les potentialités de Guy Béart, Anne Sylvestre, Pierre Perret, Jean Ferrat, Yvan Dautin, Jean Vasca, Brigitte Sauvane, Colette Chevrot… (la liste serait fastidieuse) et de les avoir « lancés ». Mais il n’oublie pas tous les autres, ceux pour qui la rencontre avec le public a davantage tardé ou ne s’est jamais réalisée. Ce livre captivant est une mine d’informations nouvelles ou qui recoupent et enrichissent celles d’autres ouvrages (par exemple de Gilles Schlesser, Marc Chevalier, Christian Stalla, Gilles Tcherniak et récemment de Nathalie Solence – voir dans ce site).
Michel Valette
Ce parcours haletant de dix années de programmations à « La Colombe » contribue puissamment à cette histoire de la chanson et des cabarets des années cinquante et soixante qui commence – enfin – à susciter un regain d’intérêt et à s’étoffer. Soutenir les initiatives de cette nature est urgent car – comme cela apparaît dans l’ouvrage – les acteurs de cette saga sont de moins en moins nombreux… Et pour les recherches futures, il est important de conserver le maximum de documentation. Par exemple, que sont devenues toutes ces chansons citées dans le livre, ces partitions parfois manuscrites, ces premières galettes confidentielles, ces revues de presse personnelles et ces bandes magnétiques précieuses ? Où peut-on les trouver, les consulter, les écouter voire les numériser ? Ne manque-t-il pas en France une « Maison de la chanson » dont le fonds pourrait être alimenté par ces cartons de souvenirs qui peuvent encombrer les héritiers, un lieu où ces précieux documents seraient classés et serviraient à toutes les recherches en cette matière ? Et alors certains de ces valeureux titres rendus disponibles pourraient aussi être utilisés par les artistes actuels en recherche de quelques belles reprises pour compléter un album. Un certain nombre l’ont fait et cela a, par exemple, sauvé Roger Riffard de l’oubli. Mais pour un Riffard réhabilité (et de quelle magistrale façon par Gérard Morel – voir « Gare à Riffard » sur ce site), combien de Jean-Pierre Suc, Annie Colette, Pierre Brunet, Pierre Frachet, Lise Médini et autres Jean-Claude Massoulier (là encore la liste serait longue) complètement occultés.
En attendant, on souhaite donc que d’autres plumes enthousiastes comme celle de Michel Valette nous fassent revivre un demi-siècle plus tard ces moments uniques pour la chanson française, dans des contributions aussi passionnantes.
Michel Valette, Le joli temps de La Colombe, Guy Trédaniel éditeur 2013. 466 pages + dvd de 38 minutes. 24.90€
En vidéo, l’un des artistes que La Colombe dénicha : Guy Béart 
François, votre passionnant article me donne vraiment envie de lire ce « Joli temps de la Colombe ».
Tous ce que l’on aime dans ce site : découvrir ou se souvenir !
Je vais partir à la recherche de cette Colombe !
Merci.
La photo du document est superbe!
A noter que Michel Valette présentera son film « Le joli temps de la Colombe » (du même titre que le livre, donc) le samedi 9 août 2014 au 1er Festival de chansons de Saint-Cirgues en Montagne (Ardèche, 8 & 9 août 2014). Au programme également de ce festival, les concerts de Véronique Estel, Francesca Solleville, Nathalie Solence +et Alain Aurenche.Renseignements et réservations au 06.18.43.52.37. Organisation L’Anar-Scène.
Sûrement un livre passionnant pour les amateurs de chansons et des histoires de chansons. Et l’on peut lire la belle histoire qui a donné son nom à « La Colombe » dans un autre livre de Michel Valette : « Jean Ferrat tout simplement ».
Quitte à apporter une note un peu discordante…
Ne faisons pas la fine bouche : Le joli temps de La Colombe est un fort intéressant livre de souvenirs et sera, dans le futur, comme le Schlesser et d’autres bouquins de référence, un outil précieux pour d’éventuels historiens de la chanson. Ne serait-ce parce qu’en quelques notes chaque fois, Valette consigne nombre d’artistes dont, pour beaucoup, nous n’avons plus trace (heureux d’y retrouver, qui plus est en bonne place, mes amis Georges Bilbille et Jacques Doyen !). Quelques notes, mini-bios, parfois plus.
Bien entendu que je me suis arrêté sur les deux pages consacrées à Bernard Lavilliers, et c’est, je dois dire, assez consternant. Outre le fait que cette notule ne semble pas rédigée d’un même élan, d’une même plume (ça fait légende fournie prête-à-insérer), elle fait de nouveau le lit de tous les mensonges colportés par Lavilliers lui-même, tout ce qui, je crois, à été largement démontré comme étant uniquement des éléments de légende : maison de correction, pratique de la boxe, départ au Brésil (reconnaissons toutefois que Valette se pose la question si c’est une légende ou non : bah oui, c’est est une !), insoumission, forteresse de Metz, etc. Tout faux ! (non, Evelyne n’est pas la mère de sa première fille et Bernard ne s’est jamais marié avec elle, etc etc). Trouver de telles fadaises dans un livre qui se veut sérieux, qui sera pour nous et pour longtemps un instrument de travail, met en doute le reste de l’édifice, la fiabilité de l’ouvrage. Michel Valette ne pouvait ignorer le livre Les vies liées de Lavilliers, paru bien avant le sien, qui lève le voile sur cette légende et la ruine. Comment peut-on, après, encore imprimer de telles sottises, sinon intentionnellement ?
Allez ! ce ne sont pas deux pages qui vont nous gâcher le plaisir de lire ce livre , et ceux qui ont lu » Les vies liées de Lavilliers » corrigeront d’eux même . Les légendes sont tenaces !
« Quand la réalité dépasse la légende… » on imprime la légende ? ça me rappelle quelque chose …
Ça me rappelle aussi un nombre impressionnant de livres qui ont repris « Henri Crolla, manouche ou gitan »… Alors que sa musique n’a rien de manouche ni de gitan, et ça, parce que Montand l’a résumé en 1948 ou 49, par une jolie phrase imagée: » je vois arriver un gitan de Naples sorti d’un dessin animé de Prévert et Grimaud » … Et tous les journalistes ont repris « gitan de Naples » dans les notices bio. (Tous sauf Patrick Williams, Alain Antonietto et François Billard, références incontestables en jazz dit « manouche » et guitare jazz)
Michel VALETTE participera le 8 et 9 août prochain au festival de Saint Cirgues en Montagne (Ardèche) et y présentera un documentaire de 1 h 20 sur les chanteurs de La Colombe. Il y aura là également Francesca SOLLEVILLE, Alain AURENCHE, Véronique ESTEL et Nathalie SOLENCE qui chantera et présentera son ouvrage » mes années SERIZE ».
Nathalie SOLENCE…
J’ai déjà ici même conseillé à tous de lire son livre foisonnant d’informations et d’anecdotes, et je ne peux que réitérer ces exhortations !
Pour Lavilliers, je laisse évidemment Michel en parler. Pour ma part, j’ai trouvé dans le livre de Michel Valette – sous forme bien discrète mais très compréhensible pour qui est au courant – la confirmation de propos « off record » que m’avaient tenus plusieurs personnes, dont Pierre Maguelon, pilier du Cheval d’Or et grand archiviste de ce cabaret. Cette convergence d’informations m’a, au contraire, paru valider l’ensemble. Et j’ajoute que d’autres précisions échangées ensuite avec l’auteur m’ont conforté dans cette appréciation. Il y a toujours çà et là des erreurs inévitables. Et dans ce genre de bouquin, on a tendance à gommer les choses négatives, ou à seulement les évoquer. C’est donc avec plusieurs livres sur cette période et en recoupant les informations qu’on finit par se faire une idée aussi proche que possible de la réalité de ce monde foisonnant des cabarets.
Le joli temps de la Colombe, c’est un peu le joli temps de nos guitares comme le chantait Moustaki dans l’une de ses dernières chansons-hommage aux artistes.