Pourchères 2014 : Miravette et Sylvestre, partage du rire
Déjà le cadre. Non d’ailleurs pour la beauté du site, c’est acquis. Mais parce qu’elle est là, face aux montagnes, à se produire en extérieur, et c’est rare. Que le public est en pleine lumière, qu’elle voit chacun, chacune, les yeux dans les yeux. Ce n’est pas courant. Bizarre et follement décontracté, loin des salles parisiennes. Ici, il n’y a pas de pression, il n’y a que le partage, l’amour et l’amitié.
C’est un récital particulier, pour ça et parce qu’il est l’addition, la fusion de deux spectacles, ceux de la Miravette et de la Sylvestre. Avec la volonté de s’amuser, d’en rire, même si certaines chansons se prêtent moins à l’exercice.
C’est par une de ses primes chansons, Si vous ne n’aimez pas, de 1963, qu’Anne Sylvestre, en vieille amazone, débute son tour de chant, « par fidélité envers la jeune fille qui avait peur qu’on ne l’aime pas. » Sans surprise, le répertoire est féministe, en d’implacables titres d’un humour incisif, ravageur. Comme cette Clémence, femme en grève, en vacances, qui a bien assez travaillé comme ça et décide de ne plus rien faire, révolte individuelle vite virale. Ou encore Simone et ses hormones… Les « abrutis pleins de Pernod ne [lui] ont pas fait rater le créneau » de cette chanson qui célèbre la dignité de la femme.
On attend Sylvestre sur des chansons graves encore… Et c’est Miravette, notre « Cucul mais pas que », qui s’y colle. A elle de chanter Un mur pour pleurer, dans une interprétation saisissante, en tout point bouleversante, sans doute le grand moment de ce spectacle. Une Miravette qui, souvent, quitte son clavier pour de micros révoltes, de fausses colères, et s’impose par ses chansons oscillant entre doux-dingue et carrément déjanté. Autre registre où Anne Sylvestre ne donne pas sa part au chien (ni aux coqs voisins qui invariablement, parfois synchrones, parfois à contre temps, rythment le déroulement du récital) : danseuse, harmoniciste ou gagwomen, notre amazone sème la sienne en de joyeux et souverains éclats de rire. Nos deux artistes mêlent leur art, se mélange les vers et les pinceaux en un moment rare, précieux, inédit, sans avant, sans après. Un récital qui se clôt par un savoureux art postal aux tâches partagées : l’une écrit l’enveloppe, l’autre colle le timbre. Elise lira la lettre, ou pas. Le public est debout résolument, mesurant la chance d’avoir été là. Douce ivresse, incroyable bonheur. Demain (ce dimanche), Sylvestre fait de nouveau scène, cette fois-ci avec cohorte d’invités. Bonheur vous dis-je, à répétition.
Sylvestre et Miravette, un moment de bonheur que j’aurais aimé partager .