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Pierre Barouh, biographie non policée mais policière

artistes_barouh_listeS’atteler à la rédaction d’une biographie n’est pas une mince affaire, convenez en. Une fois rassemblés mille documents, coupures de presse, témoignages et que sais-je encore, il faut bien s’y mettre, trier, sérier, ordonner le tout. Et un beau jour se poser devant le clavier. Ecrire.

L'assistante judiciaire avait choisi de se pencher sur Chorus, Je chante et La saga des disques 45 tours, un numéro spécial du Nouvel Observateur. Au juge de dépouiller Chanson et Paroles et Musique. Il s'y attelait avec le plus grand sérieux. Cette assiduité à lire la vie et les propos d'artistes lui rappela sa jeunesse quand il chipait à ses sœurs OK, Tilt ou Podium, leurs magazines favoris. Il voulu partager avec Martine cette amusante association mais, du coin de l'oeil, il la vit toute entière absorbée dans ses recherches et n'osa pas la distraire. Il se replongea dans son travail de bénédictin. La chanson, pour eux, se résumait à celles que leur station de radio leur envoyait le matin avant de quitter leur appartement et le soir à leur retour, c'est à dire surtout des succès confirmés ou des chansons concoctées pour devenir des tubes mais qui, dommage pour leurs concepteurs, n'avaient guère de prise sur eux. Aussi les publications qu'ils examinaient leur révélaient-elles un monde insoupçonné, une forêt cachée par quelques arbres. Masquée par des chanteurs vedettes qui ne formaient en vérité qu'un microcosme, vivait la chanson qui, elle, s'apparentait à un véritable macrocosme. Cela ne les surprit pas qu'il fallût pas moins de quatre revues pour en présenter ses multiples facettes et contenter ses fidèles. - Jacques Bertin, interrogea Martine, cassant le silence studieux, est-il passé chez Saravah ? Le juge ne savait pas. Il consulta ses fiches. - Non, répondit-il, pas à ma connaissance. - S'il n'y est pas déjà, rajoute ce nom sur ta liste : Pierre Akendengue, dit Martine un moment plus tard. - Pierre qui ?

L’assistante judiciaire avait choisi de se pencher sur Chorus, Je chante et La saga des disques 45 tours, un numéro spécial du Nouvel Observateur. Au juge de dépouiller Chanson et Paroles et Musique. Il s’y attelait avec le plus grand sérieux. Cette assiduité à lire la vie et les propos d’artistes lui rappela sa jeunesse quand il chipait à ses sœurs OK, Tilt ou Podium, leurs magazines favoris. Il voulu partager avec Martine cette amusante association mais, du coin de l’oeil, il la vit toute entière absorbée dans ses recherches et n’osa pas la distraire. Il se replongea dans son travail de bénédictin.
La chanson, pour eux, se résumait à celles que leur station de radio leur envoyait le matin avant de quitter leur appartement et le soir à leur retour, c’est à dire surtout des succès confirmés ou des chansons concoctées pour devenir des tubes mais qui, dommage pour leurs concepteurs, n’avaient guère de prise sur eux. Aussi les publications qu’ils examinaient leur révélaient-elles un monde insoupçonné, une forêt cachée par quelques arbres. Masquée par des chanteurs vedettes qui ne formaient en vérité qu’un microcosme, vivait la chanson qui, elle, s’apparentait à un véritable macrocosme. Cela ne les surprit pas qu’il fallût pas moins de quatre revues pour en présenter ses multiples facettes et contenter ses fidèles.
- Jacques Bertin, interrogea Martine, cassant le silence studieux, est-il passé chez Saravah ?
Le juge ne savait pas. Il consulta ses fiches.
- Non, répondit-il, pas à ma connaissance.
- S’il n’y est pas déjà, rajoute ce nom sur ta liste : Pierre Akendengue, dit Martine un moment plus tard.
- Pierre qui ?

Beaucoup de biographies ressemblent à d’autres. Nous parlons ici de chanson et c’est vrai que la vie d’un chanteur à un autre chanteur ressemble. La première guitare pré-pubère, l’acné et l’acmé de la juvénile création, les révélations (c’est, selon, Neil Youg, Bob Dylan, Charles Trenet, Jacques Brel ou Renaud Séchan), les premiers groupes au lycée, les premières scènes, les galères, les rencontres, les cachets qui manquent pour faire le joint et l’intermittence… Quelle que soit l’époque, le protocole est semblable.

Joël Luguern, lui, est sûr que sa biographie n’est pas banale. Lui s’est intéressé à Pierre Barouh, le plus brésilo-japonais des chanteurs de l’Hexagone, le créateur de à bicyclette (chantée par Montand) et du Chabada-bada de pure anthologie

Au lieu de débuter par la naissance du gniard qui déjà chante à la maternité pour terminer provisoirement à l’artiste au soir de sa vie qui contemple son œuvre, lui a préféré écrire non un polar mais une enquête policière, scrupuleuse, menée non par des journalistes mais par des flics puis par un juge d’instruction, tous à la recherche du père Barouh, un mystérieux homme aussi talentueux que charmeur. C’est original et passionnant. D’autant plus passionnant que ces fins limiers, à part la soupe servie à la radio (c’est pas France-Culture !), n’entendent rien à la chanson. Pour appréhender Barouh, ils doivent, en parallèle, se documenter, se mettre dedans, s’affranchir de leur totale ignorance (lire extrait ci-contre). L’amateur de chanson appréciera, y retrouvant traces et chemins qu’il a lui-même suivi. Luguern montre au passage, sans forfanterie, son amour et son érudition sur la chanson.

La pertinence des informations, « pistes prometteuses et indices irréfutables », interrogatoires musclés et témoignages volontaires, la qualité de l’écrit et son originalité, le suspense même, tout concoure à aiguiser votre appétit.

Hélas, le livre est techniquement sans respiration : 450 pages denses, texte composé en corps 12 et 9 (c’est petit !), sans aération, une table des matières un peu sommaire, sans index des œuvres et noms cités… Ça sent, de la part de l’éditeur, le choix économique, la drastique réduction de pagination, l’économie de bouts de chansons. Et c’est toujours une erreur : ça effraie, ça retire le confort de la lecture, ça tue le plaisir.

C’est dommage. Car ce livre vaut le coup (plus que ça, même) pour qui ose plonger dedans. Les trop rigoureux biographes (j’en connais) prompts à donner des leçons d’écriture, s’insurgeront contre le procédé, l’enquête, les filatures, le dossier prétendument à charge. Mais cette mise en examen de Pierre Barouh nous instruit de plein de choses. Sur l’artiste, sur la chanson, sur une philosophie de vie. Et pour le prix d’un seul, vous avez deux livres : une biographie et un roman policier. Au moment de bourrer les valises de livres pour les vacances, l’argument peut peser dans votre choix.

 

Joël Luguern, Pierre Barouh l’éternel errant, Jacques Flament éditions, 2014

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2 Réponses à Pierre Barouh, biographie non policée mais policière

  1. Norbert Gabriel 1 juillet 2014 à 9 h 29 min

    Une biographie de Pierre Barouh ne peut se faire dans une forme classiquement chronologique, si on veut retrouver un peu de sa vie foisonnante aux rebonds qui semblent inattendus, mais finalement cohérents: c’est un homme qui cultive l’art des rencontres au plus haut point, et comme il est curieux de tout ce qui est humain, la ligne droite n’est jamais le meilleur chemin pour vivre ces rencontres. Trouver et faire partager le meilleur du pollen de la vie, Saravah, Pierre…

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  2. Danièle Sala 1 juillet 2014 à 11 h 13 min

    Un  » procès » en bonne et due forme et haletant donc ! j’assisterai aux débats et aux ébats du prévenu , sur un air de samba, au Kabaret de la dernière chance, dans le grenier de Saravah ou quelque part sur les chemins de traverse, entre le Brésil et le Japon .

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