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Faut-il subventionner Stromaé ? (bis repetita)

Stromaé (photo Athos99)

Stromaé, pour 90 000 € aux Nuits de Fourvière (photo Athos99)

Nous venons de parler ici de Roujan, de ces fieffés et irréductibles Anartistes et de leur festival « Femme plurielle », dont Sylvie Roblin, leur présidente, en début de chaque soirée, rappelait avec un mélange de bravache et d’amère ironie que ce festival existe sans subvention aucune. Pas même de la commune ou de l’intercommunalité, si ce n’est du prêt de matériel et de salles. Pas de presse, si ce n’est de valeureuses radios locales animées par des bénévoles. La presse locale, dont il n’est pas venu une seconde à l’idée des journalistes professionnels que ce festival pouvait valoir le coup, en fera peut-être un petit écho, une photo-légende, dans quelques jours, par la localière de Roujan.

Pas de subventions, malgré des concerts et animations de qualité : au final 30 000 euros de déficit pour nos Anartistes ! Va leur falloir faire la manche, un ou plusieurs concerts de soutien…

Géraldine Torrès et Alee à "Femme plureille" : pour pas grand chose, pour presque rien (photo Etienne)

Géraldine Torrès et Alee à « Femme plurielle » : pour pas grand chose, pour beaucoup moins (photo Etienne)

De retour de Roujan, je lisais dans le train le dossier du mensuel Lyon Capitale sur « les cachets délirants des stars » à propos des lyonnaises et très médiatiques Nuits de Fourvière. Très médiatiques car il y a des stars et de l’argent, beaucoup de stars, beaucoup d’argent. On ne prête qu’aux riches et la presse, en son ensemble, ne relate que ce qui brille, que ce qui a l’odeur de l’argent. Parlons de pognon, donc : je vous donne le palmarès de nos confrères, un vrai secret d’état par bonheur éventé pour eux par deux élus plus républicains que d’autres, qui trouvent la note salée. Pour leur prestation à ce festival, le groupe Franz Ferdinand touche 120 000 €, Damon Albarn 92 000 €, Etienne Daho 95 000 €, Stromaé 90 000 €, Bernard Lavilliers 60 000 €. Julien Doré ne palpe, lui, que 45 000 €. Gardons pour la bonne bouche la cachet d’Elton John : 270 000 € ! Pour la bonne compréhension de ces chiffres, ne confondez pas le cachet et le budget du concert, forcément plus important : quand il y a du fric, tout le monde se gave, sauf peut-être les intermittents.

Les Nuits de Fourvière sont subventionnées à hauteur de 37%, ce qui représente 3 700 000 € d’aides publiques : c’est le joyau culturel du Conseil général du Rhône, son bébé, l’une de ses plus belles cartes de visite.

Daho, une tête d'affiche à 95 000 €

Daho, une tête d’affiche à 95 000 €

Car, chez ces gens-là, ce n’est pas la culture qu’on subventionne, c’est son image, c’est sa pub, sa com’, sa possible réélection. C’est de l’argent public, on peut donc, même en période de crise économique, sortir le chéquier, au nom de leur idée particulière de ce qu’est la « culture » où, en même temps, on baise les pieds des prétendues stars et on fait crever les intermittents. Pardonnez-leur, ce ne sont que nos élus : ils ne savent pas ce qu’ils font.

Les petits, ces petites salles, ces bénévoles, ces petits artistes aux cachets vingt à cent-vingt fois moindre, eux qui sont par essence le maillage culturel de nos départements, de nos régions, de notre pays, eux peuvent disparaitre. Eux n’existent pas, ce n’est jamais eux qu’on subventionne : c’est Stromaé !

C’est d’ailleurs dans ce genre de festivals riches, dument subventionnés, que les stars demandent le plus : ils sont sûrs d’être payés, rubis sur l’ongle. Pourquoi s’en priveraient-ils ? Pourquoi Elton John ne racketterait-il pas les finances publiques françaises puisque ce sont elles-mêmes qui ouvrent grand leurs coffres et cassettes ?

Sur ce scandale des mégas stars qui pompent l’argent public, il serait intéressant que la Cours des comptes se penche et sévisse.

 

16 Réponses à Faut-il subventionner Stromaé ? (bis repetita)

  1. Bernie Calatayud 15 juin 2014 à 9 h 40 min

    Je ne partage pas cet article pour dire que Stromae ou Etienne Daho sont trop payés !
    mais pour montrer la différence énormissime entre les cachets, mais surtout ce que peuvent financer les institutions, les partenaires, ou pas…

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  2. Arti Louis 15 juin 2014 à 9 h 56 min

    D’abord, c’est la différence entre l’humain et l’humaniste. L’humain, le petit, reste prés de la vérité parce qu’il est ancré à elle ; et, forcément, ce qu’il chante, ce qu’il écrit n’est pas un discours de masse. Il est donc l’humble serviteur de la pensée, tout en construisant, souvent, des œuvres beaucoup plus innovantes et touchantes sur la vérité de sa pensée. L’humaniste, lui, ou elle, a de beaux discours dont le but est, souvent, lié au pouvoir et, forcément à l’argent. Qu’un Bernard Lavilliers donne un moment sa scène aux intermittents, c’est très juste, mais qu’il touche 60 000 euros sur le dos des contribuables, là y a un problème d’éthique colossal.

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  3. Zed 15 juin 2014 à 10 h 13 min

    Il serait toutefois judicieux de savoir la répartition du reversement de ces sommes entre l’artiste, ses musiciens, son équipe technique, maison de disque , éditeur ….

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    • Fred Haurand 15 juin 2014 à 10 h 25 min

      Oui, Zed. Je serais curieux de connaître la répartition des 270 000 euros du cachet d’Elton John : il finance sur nos impôts la couronne britannique ou quoi ?

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  4. Danièle Sala 15 juin 2014 à 10 h 26 min

    La subvention est proportionnelle à l’image de « marque » du subventionné , pas à son véritable talent . C’est le principe du marketing , ensemble des techniques pour promouvoir et diffuser un produit . Si j’achète une robe cousue mains par des petites bengalis , je ne la paierai pas cher, si j’achète cette même robe avec la signature d’un grand couturier français, cousue par les mêmes petites mains, je paierai la signature très cher . Il en est de même pour les artistes, les uns se battent pour survivre de leur art, les autres bénéficient du système .

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  5. Julien Heurtebise 15 juin 2014 à 12 h 06 min

    Ah, Michel a décidément la plume juste et efficace ! Est-ce qu’il ne faudrait pas joindre dorénavant cet article dans tous les dossiers que L’assos’thau Mate enverra aux prochains financeurs, décideurs et communicateurs ? Il n’est pas mauvais d’entretenir (ou de faire naître) les mauvaises consciences…

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  6. Floréal Duran 15 juin 2014 à 12 h 45 min

    Je suis entièrement d’accord. Aujourd’hui, on ne prête qu’aux riches, quelque soit le domaine. Il est aberrant que l’on subventionne des « artistes » ou des spectacles dont on sait par avance qu’ils « vont faire le plein » même avec des billets à des prix astronomiques. Si à côté de cela on programmait d’autres chanteurs, moins connus, dont le talent mérite une belle visibilité on pourrait en discuter.

    C’est tout le débat entre art/culture et développement économique. Les deux ne sont pas inconciliables. Je suis un fervent partisan d’un équilibre répondant à la fois à des critères qualitatifs et des retombées positives pour la ville ou la communauté qui organise le festival.

    Là on a pris deux extrêmes. D’un côté une machine bien huilée drainant des foules et un public déjà acquis avec sponsors, partenaires et grosses subventions publiques. De l’autre un festival artisanal (le mot n’est pas péjoratif) avec des artistes, pour la plupart inconnus du grand public et même des médias, qui n’attirent pas grand monde.

    Je renvoie les deux systèmes dos à dos car ils sont autant responsables l’un et l’autre, d’une façon inconsciente, des errements de la société du spectacle. Les uns sont grassement surpayés, les autres ne sont pas payés.

    Récemment, pour la fête de la musique, on aurait voulu qu’une des artistes que je manage soit sous-payée à tel point qu’une fois ses musiciens rémunérés il ne lui restait plus rien. Est-ce vraiment sérieux ?

    L’indécence est des deux côtés. Du côté de ceux qui demandent des royalties injustifiées comme de celui de ces artistes qui acceptent des boutons de culottes en guise de cachet. Les uns et les autres tuent le spectacle et font le jeu de programmateurs peu scrupuleux.

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  7. Camerlynck 15 juin 2014 à 15 h 01 min

    C’est combien déjà le soi disant déficit unedic des intermittents ? Ah subventionner les stars ! J’ai lutté contre ça il y a longtemps. Par exemple à Arras j’ai toujours refusé de négocier des cachets… Je demandais aux amis artistes d’être présents dans des animations des ateliers… Quand on me parlait de contracter des « locomotives » je râlais. Je disais que la locomotive devait être la qualité du festival. D’ailleurs je préférais. Faites de la chanson. Les amateurs étaient des locomotives pour faire découvrir des artistes inconnus… Mais très vite ce fut intenable… Nous ne partagions pas tous la même philosophie… Hélas… D’ailleurs je trouve qu’il y a trop de chapelles dans la chanson. J’aimerais ça avoir assez d’argent pour aider les Anartistes. Même dans nos listes chansons, oń passe du temps à évoquer des gens qui n’ont pas besoin de nous….

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  8. Pierre L 15 juin 2014 à 17 h 52 min

    C’est toujours les plus aisés, qui obtiennent des aides financières, matérielles et j’en passe, comparés aux plus discrets mais autant efficaces.
    Personnellement, je ne vais plus dans ces lieux avec des noms de prestige. Il est plus intéressant d’aller découvrir qui croient en eux et en leurs créations.
    Je ne supporte plus que l’on monte aux nues des produits mercantiles plébiscités par des médias en mal d’audience.

    Combien en vivent vraiment aujourd’hui ?

    Certes le geste de Lavilliers est louable mais comme le dit Louis, vu les idées du stéphanois, il est légitime qu’il prenne faits et causes pour les intermittents sans qui il n’aurait pas pu chanter ce soir là et les prochains à venir. Mais pour son honneur, il aurait pu minorer son cachet !

    Mort au MEDEF et laissez nous vivre de nos passions !

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  9. trochu 15 juin 2014 à 18 h 28 min

    sans compter que ces artistes ont peu de frais de communication; celle-ci est prise en charge par leur participation aux actions humanitaires médiatisées, incontournables dans leur developpement de carrière (cf restaurants du coeur…)

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    • Norbert Gabriel 16 juin 2014 à 9 h 28 min

      C’est pas faux, mais ceux qui sont invités « aux restos » ont tous une notoriété, ce ne sont pas les participations à ces opérations humanitaires qui les rendent célèbres, c’est leur notoriété qui sert aux assos.

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  10. Yves Martiniere 16 juin 2014 à 13 h 57 min

    J’adore les commentaires : on tape sur Lavilliers ,celui qui touche le moins, et le seul de ceux là qui donne une partie substantielle de ses cachets à des ONG, et le seul à se produire « réellement gratos » pour ces mêmes ONG, voire des mouvements d’opinion. Renseignez vous donc avant de vilipender au hasard ; cela dit le fond de l’article, ,lui, est tout à fait justifié, donc je partage, et j’en remet une couche : les petit, les sans grade, les « pas encore connus », eux sont obligés de jouer gratis, ou presque, dans les festivals ! Voyez les annonces de pln-concert ,des tonnes d’annonces ou l’on vous propose de « profiter » des installations mises à notre « disposition gracieusement  » ! Pendant ce temps là, fête de la musique ou pas, les commerçants du coin raflent la mise ; pas un comité des fêtes ou assemblée de commerçants assez honnêtes pour le reconnaitre, et encore moins pour en reverser la dîme, quand ce ne serait que le cent, aux « saltimbanques » invités à se produire pour le renforcement de  » l’image du bled en question ! Et ce sont les mêmes qui dénient à ceux qu’ils exploitent le droit au chômage !! Quel monde d’immondes salauds !

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  11. Michel Kemper 16 juin 2014 à 14 h 14 min

    Je vous engage, Yves, à lire le dossier complet publié sur Lyon Capitale : bien d’autres chiffres, plus affolants encore, sont révélés sur les éditions précédentes. Les cachets sont très modulables selon les salles et les opportunités (celle-ci en est une, parmi les plus fameuses). Ne pas oublier que le théâtre antique de Fourvière, à Lyon, est de 4400 places seulement : les cachets semblent s’adapter à la capacité financière du Conseil général du Rhône, non à la jauge réelle (sur 4400 places, comptez sur un max de 4000 places payantes).
    Ce n’est pas pour « défendre » Louis Arti, mais je vous mets au défi de présenter les comptes exacts de Lavilliers, ni d’aucun autre artiste d’ailleurs. Un cachet comme celui que Nanar demande aux Nuits de Fourvière peux sembler grandement excessif. Qu’à côté de ça, il soutienne des causes (financièrement ou non, on ne sait pas, sauf vous ?) c’est quand même autre chose.

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    • Norbert Gabriel 16 juin 2014 à 16 h 14 min

      Sans oublier que les négociations se font parfois par les gens de la maison de prod, sans que l’artiste soit vraiment au courant des détails, à savoir ce qui s’ajoute à son cachet. Un exemple, une jeune artiste de premier plan qui tourne beaucoup a été contactée en direct pour un concert de soutien dans une ville moyenne, pour une institution associative, elle donne son accord pour chanter sans cachet, mais il faut payer les musiciens, ce qui est normal ( 5 musiciens) pour celà, elle renvoie vers la maison de disques Polydor, pour les cachets et les frais, et le « devis » de Polydor est annoncé à 40 000 €…. pour un concert à 30 kms de Paris … soit 8000 € par musicien… Peut-être que Polydor s’est trompé d’un zéro dans ses comptes??

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  12. Claude Fèvre/ Festiv'Art 16 juin 2014 à 23 h 17 min

    Il me semble que l’on pourra encore longtemps débattre de cette question récurrente sans que l’on avance d’un centimètre sur la question ! Je vous avoue avoir un goût amer dans le gosier en lisant ces chiffres, en me souvenant des 11 ans de combat associatif de Festiv’Art qui vit actuellement ses dernières heures – sereinement, je m’empresse de l’ajouter … 11 ans c’est déjà ça, au service de la Chanson qui n’a pas accès à ces sommets ! Mais tout de même… dans quel monde sommes-nous ?
    En confidence, à l’heure où je rends mon tablier de diffuseur – programmateur, je me sens soulagée…comme délivrée d’un poids immense.
    Je ne sais même pas comment on survit à un déficit de 30 000 € …j’ai déjà assisté à des bilans d’autres festivals que le mien avec de tels chiffres …et je les ai vus repartir la saison suivante …Par quel miracle ?
    Pour finir, j’ai la conviction que ces questions là concernent si peu la création, l’Art …

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  13. Michel Kemper 20 juin 2014 à 12 h 14 min

    Précision : un déficit de 30 000 € pour le festival « Femme plurielle » des Anartistes de Roujan, c’était l’info qui nous avait été donnée au terme du festival. En fait, le déficit exact se monte à 19 763,17 €

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