Sous le charme des free songs…

Claire Bellamy et Juliette Kapla (photo prélevée à la toile)

« Des free songs partout » Arras, samedi 10 mai 2014,

Un duo enchanteur que NosEnchanteurs se devait de mentionner : Juliette Kapla et Claire Bellamy. La première chante ses chansons depuis une quinzaine d’années et a sorti en 2001 et 2005 deux disques totalisant une bonne vingtaine de très beaux titres. La seconde est contrebassiste et participe à diverses expériences (avec Dorothée Daniel ou divers groupes de musiciennes jouant du jazz). Depuis plus de cinq ans, elles proposent « Des free songs partout », et le nom de ce spectacle n’est pas usurpé, on n’en sort pas indemne…

Il faut entrer délibérément dans la démarche textuelle et musicale de ces duettistes. Elles abordent les sujets en jouant sur les allitérations qui donnent un second sens aux mots et aux expressions et qui appellent des développements inopinés et inattendus. Par exemple, leur chanson d’amour est une phrase qui s’enrichit d’une syllabe à chaque répétition, et de ce fait oscille entre deux significations opposées : « Je t’ai / Je t’aime / Je t’ai menti / Je t’aime entièrement… » ; la contrebasse dans tous ses états, enrichie par un sampler, souligne cette alternance, et le procédé est repris crescendo dans d’autres directions comme « Je t’ai maudit ». Toutes les chansons font entrer le spectateur dans des univers théoriquement oniriques, mais pas tant que ça. La chanteuse y rêve de Fukushima, de Bachar et autres horreurs, et se réveille soulagée de savoir que c’était un songe ! Elle y vit dans une pièce protégée par quatre murs qui peu à peu s’effritent comme les certitudes. Elle y décline jusqu’à l’écoeurement toutes les raisons d’avoir peur et de ne rien faire… Le déroulé de chaque morceau est soit taillé au rasoir et précis à la seconde, soit fait place à l’improvisation par Juliette pour les paroles et par Claire pour la musique. Et le spectateur est happé par ce flot inaccoutumé qui mobilise son attention. C’est magique, c’est à la fois de la chanson, du free jazz, de la poésie, des jeux de langage et une sorte de théâtre où les mots et les notes seraient les acteurs emmenés dans une sarabande. C’est unique !

Leur petit cinq titres ne donne qu’un aperçu très incomplet de ce spectacle qui séduit toujours ceux qui l’abordent sans préjugé. Et comme elles le tournent depuis déjà cinq ans, elles le font évoluer : il n’est jamais le même deux fois de suite, on peut y retourner sans crainte de s’ennuyer, on ressentira toujours des free songs !

Par ailleurs Juliette Kapla propose un autre spectacle solo extraordinaire, Fautes de frappe, dans lequel des changements de consonnes appellent de nouveaux sens aux mots et mobilisent la voix et le corps qui se contorsionne en complicité avec le glissement sémantique. L’attention du spectateur est entraînée sur des routes parallèles où les surprises s’enchaînent… comme en mathématiques, les nombres imaginaires offrent tout un tas de perspectives ! Le one woman show dans toutes ses dimensions.

Le site de Juliette Kapla, c’est ici. Et là, une vidéo d’une des versions de ce spectacle.