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Chanson d’art et d’essai, classée « recherche »

artetessaiEst-ce un terme de mépris ou de reconnaissance, toujours est-il que le nouveau mot à la mode pour qualifier cette part de la chanson (que jadis on nommait « rive-gauche », que dans la Gard on appelle « chanson de paroles ») serait « chanson d’écoute », supposant qu’il y en a une autre qu’on n’écoute pas. Ce qui, d’ailleurs, aurait tendance à me rassurer. Non pour celle qu’on écoute (je suis de ceux qui écoutent paroles, qui plus est attentivement, et musique), mais pour toute cette bouse, bien souvent dans un piètre anglo-saxon mais pas toujours qu’on me donne ainsi l’autorisation, presque l’ordre, de ne pas écouter. C’est un machin d’ambiance, de corps en transes, un truc pré-coïtal, un bruit qui fait le pont entre le marteau-piqueur et le métropolitain, une « musique » dit-on encore… tout ce que vous voulez mais pas de la chanson. Mais ça nous dit aussi qu’il n’y a que ça qui compte : l’autre chanson, celle qu’on écoute, est hors-jeu, hors-économie, hors-tout, incongrue, presque d’un autre âge.

D’ailleurs, circule une autre appellation – à ce que nous rapporte l’amie Claude Fèvre dans sa récente chronique sur le B.I.S. de Nantes – : la « chanson d’art et d’essai », comme on le dit du cinéma hors circuit, hors Gaumont et Pathé en tous cas. La chanson d’art et d’essai, c’est celle qui ne vaut pas tripette, pas une tune, réalisée sans grands moyens mais pas sans talent, qu’on doit bien reconnaître à la marge : tant qu’elle ne gêne pas les industriels de la chanson, ça va. Elle se produit dans des salles aux jauges modestes, voire dans la rue, dans des festivals faits avec trois francs six sous, elle s’autoproduit, Manoukian ne sait pas qui elle est, ni même Filipetti, notre ministricule ministre de la culture (je vous cite là deux célèbres incultes mais il y en a d’autres, rassurez-vous).

Alain Souchon, "écoutable" ou pas, "art et essai", chanson ou variété ? (photo DR)

Alain Souchon, « écoutable » ou pas, « art et essai », chanson ou variété ? (photo DR)

Donc une chanson d’écoute quand elle n’a pas de public. Si elle gagne en renommée et en réflexes d’achat, elle passerait donc en « non écoutée », en bruit d’ambiance qui équivaut à respectabilité, je suppose ? Renan Luce, on l’écoute ou pas ? Et Olivia Ruiz ? Souchon et Le Forestier, c’est retombé en art et d’essai ? Et Jacques Bertin, Louis Ville, Jérémie Bossone, Jean Duino, Lily Luca, François Gaillard, François Corbier ou Véronique Pestel, c’est comme au cinoch’, en catégorie « recherche » ?

Sauf que, dans le milieu cinématographique, des subventions et autres aides sont allouées aux salles classées « art et essai », encore plus à celles dites de « recherche ». Dans la chanson, c’est l’exact contraire. Plus vous vous vautrez dans le pognon et plus vous êtes subventionnés. Moi je dis qu’il faut, comme pour le cinéma, ponctionner dans la poche des gros, des gras, des Stromaé et des Noah, des -M- et autres grosses prods pour faire vivre la chanson d’écoute. Au cinéma encore, on nomme ça l’exception culturelle française. Qu’elle s’applique aussi à la chanson !

Car la chanson d’art, d’essai, de paroles ou de recherche, c’est celle qui n’a rien en poche. Et pourtant, si on peut parler de chanson en ce pays, c’est à celle-là qu’on se réfère. L’autre, peu ou prou, n’est que bruit que, effrayant paradoxe, on écoute avec des bouchons d’oreilles.

6 Réponses à Chanson d’art et d’essai, classée « recherche »

  1. Laffaille 27 janvier 2014 à 10 h 07 min

    Cette même réflexion a été faite il y a peu à Jean Lemaire dans son excellent festival à Stavelot en Belgique. Il demande à un jeune: « le concert t’a plu ? » et le jeune répond: « oui mais il faut écouter »… Il y a quelques années dans un grand festival de chanson, on distribuait aux spectateurs à l’entrée des bouchons pour les oreilles. Les musiciens sur scène jouaient eux aussi avec des bouchons (authentique! tellement c’était fort). Imagine-t-on d’aller à une exposition de peinture avec des lunettes noires ? Cela dit, il y a toujours eu aussi une chanson festive, pour danser par exemple.

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  2. Claude Fèvre/ Festiv'Art 27 janvier 2014 à 10 h 24 min

    Allons bon, voilà que j’ai réveillé la plume de Michel !! Enfin, je veux dire ses humeurs …
    J’ajouterais pour ma part un point d’interrogation au titre pour être fidèle à ce qui a été dit aux B.I.S. Il s’agirait en effet de trouver les moyens d’aider une « chanson d’auteurs « …Flûte ! Une autre classification !!
    Et puis une chronique étant inévitablement réductrice je souhaite ajouter qu’il a souvent été rappelé une évidence : les salles généralistes qui ne programment pas ou si peu de Chanson en arguant du fait que le public la boude, n’hésite pas à développer des trésors d’ingéniosité pour financer le théâtre… qui, à ma connaissance, n’a pas encore réussi à se démocratiser comme le rêvaient ses militants de l’après guerre.
    Je crois définitivement que la Chanson souffre d’être mal connue et mal défendue, d’être mal aimée !

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    • Norbert Gabriel 27 janvier 2014 à 14 h 00 min

      On peut déplorer en passant que le partenariat avec la Comédie Française initié par Philippe Meyer ait été blackboulé par Val, on demande bien pourquoi … Si j’avais mauvais esprit, je dirais que cette émission « La prochaine fois je vous le chanterai » a le tort de réunir 1 700 000 auditeurs depuis des années, une des plus fortes audiences de France inter, et que ce n’est pas à Val qu’on le doit.. mais c’est du mauvais esprit, genre Fontéval…

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    • Christophe Novelet 30 janvier 2014 à 4 h 32 min

      Je suis d’accord avec Gilbert,
      c’est une évidence,
      il faut écouter !

      Même s’il faut s’entendre sur les « genres »,
      terme qui va devenir, en « théorie »,
      le buzz des prochaines semaines…
      …mais je m’éloigne du propos.

      Claude,
      je propose une autre classification:
      chanson d’hauteurs,
      chanson de moyens…
      …de ceux qui n’en ont pas,
      chanson de bas-étage…
      …celle de l’ascenseur au sous-sol !

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  3. Danièle Sala 27 janvier 2014 à 17 h 17 min

    Pour le cinéma , l’art et l’essai tend à promouvoir la création cinématographique, présenter des oeuvres de qualité mais qui n’ont pas eues l’audience méritée, des oeuvres représentant un intérêt historique ou artistique, des oeuvres d’amateurs présentant un caractère exceptionnel , ou œuvres cinématographiques récentes ayant concilié les exigences de la critique et la faveur du public et pouvant être considérées comme apportant une contribution notable à l’art cinématographique . ça, c’est Wiki qui le dit et l’art et l’essai cinématographique est subventionné . Et si on applique cela à la lettre pour une catégorie de chansons , ce n’est pas forcément péjoratif .

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  4. Michel Trihoreau 27 janvier 2014 à 18 h 35 min

    La chanson, par ses supports techniques, a évolué très rapidement depuis le milieu du XXe siècle. Elle est aujourd’hui servie (donc dépendante) par l’électronique et l’informatique. Qu’on le veuille ou non, elle est avant tout un objet de consommation distractif. Elle doit toucher rapidement le plus grand nombre par des émotions ou des secousses et non par l’intellect.
    Les jeunes n’écoutent pas, ils ressentent ce qu’ils consomment (apparemment) gratuitement à la télé, sur internet, en fond sonore des magasins et des bars.
    Soit ! Prenons acte et acceptons en le fait.
    Mais que les chanteurs qui veulent continuer à faire de la chanson intelligente (sans notion de valeur : littéralement ce qui se comprend, ce qui se perçoit par l’intellect), soient ringardisés, méprisés, ignorés comme c’est le cas de la part des médias, c’est intolérable. C’est comme si, pour ne pas faire de tort à MacDo, on considérait que le boucher du coin ou le restaurant d’à côté (pour ne pas dire Bocuse ou Troisgros) était tout juste bon pour les nuls ou les nostalgiques.
    J’utilise pour ma part depuis longtemps la notion de chanson « qui s’écoute » pour la différencier de la chanson « qui se danse » ou « qui se ressent », l’un n’empêchant pas l’autre.
    Et défendre cette chanson « qui s’écoute » ce n’est pas vouloir la ruine des autres, c’est seulement réclamer le droit de vivre pour tous !

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