Aubercail 2013 : Malicorne, en vrai

Malicorne la légende est de retour (photos Norbert- »Peter » Gabriel)

Je vous parle d’un temps…

L’idée même d’un jour revoir Malicorne nous était passée depuis longtemps. Nous nous contentions des concerts, en solo ou avec son groupe, de Gabriel Yacoub, superbe folk-singer, évident poète, qui, chaque fois, nous gratifiait d’un Prince d’Orange et, à n’en point douter, de Pierre de Grenoble, socle fondateur de son entrée en chanson.

Malicorne est mort deux fois. A l’issue de la tournée Balançoire en feu, en 1981. Les membres du groupe avaient semble-t-il fait le tout de la question et le répertoire nouveau (signé Etienne Roda-Gil) fut diversement apprécié par les fans d’alors. Ainsi qu’à l’issue de la furtive tournée Les Cathédrales de l’industrie, en 1986, qui n’était déjà plus Malicorne. Un producteur sans scrupule avait sorti l’album de Yacoub à la condition qu’il porte le nom du groupe défunt. Bien que ce soit le meilleur album de Malicorne, ce n’en était pas un. La tournée fut sans suite.

Malicorne est ressuscité deux fois. Il y a trois ans aux Francofolies de la Rochelle, à l’initiative de son directeur, Gérard Pont. Pour une représentation unique, les « historiques » de Malicorne (Gabriel Yacoub, Marie Sauvet, Hugues de Courson, Laurent Vercambre et Olivier Drzalik) étaient rassemblés : cédé et dévédé live en atteste. Et désormais, depuis un an, où Gabriel et Marie ont reconstitué Malicorne, avec les musiciens de Gabriel. Ce n’était d’ailleurs que sous l’appellation « Gabriel et Marie de Malicorne ». Chassez l’évidence qu’elle revient au galop : c’est bien de Malicorne qu’il s’agit !

Après quelques mois sans nouvelles, les voici, sur la scène d’Aubercail, devant une salle bondée : le revival fait recette.

Gabriel Yacoub, le leader-fondateur du groupe Malicorne

Alors ? Alors imaginez l’émotion. Chez les musiciens sans nul doute. Chez le public aussi qui, d’un coup, rajeunit de quatre décennies, qui retrouve ce qu’il a aimé et n’était plus. Des gens qui, parfois, sont venus avec enfants et petits-enfants…

Mais encore ? Le répertoire d’hier au soir fut tant un florilège de Malicorne que l’anthologie Gabriel Yacoub. Puisé dans nombre d’albums (surtout l’Almanach, nullement les derniers) mais également dans le Quatre (Je suis solide et Beauté, à mon sens les meilleurs moments du concert) et le Babel de Yacoub (Les bannières qui claquent), jusqu’à ce superbe Comprenez-vous extrait de l’Anthologie de la Chanson traditionnelle paru jadis chez EPM sous la conduite de feu Marc Robine. Et quelques nouveautés à figurer sur un album promis pour la fin de cette année.

Il y a certes besoin de dérouiller un peu la machine : tout n’est pas au point, tout ne s’ajuste pas, ça fait parfois cacophonie, comme sur L’écuelle, un des inédits (un peu dans la veine du Tour de France… si vous me suivez). Mais Malicorne est là, sa polyphonie retrouvée, le charme intact. Le luneux, Margot, Pierre de Grenoble, Salut à la compagnie, La nuit des sorcières, Voici la Saint-Jean, Nous sommes chanteurs de sornettes… autant de plaisirs retrouvés.

Aux sceptiques, disons que le groupe actuel, formé tant de Gabriel et de Marie que des musiciens de Gabriel (Romain Personnat, Gilles Chabenat, David-Pouradier-Duteil, Yannick Hardouin et, exceptionnellement, Nicolas Yvan Mango ) n’a rien à démériter d’une précédente formation. Du reste, les musicos sont, tous, d’une complicité attestée avec Yacoub. Le groupe est légitime, même si, pour l’heure, il ne puise que dans les acquis d’antan.

Pas de costumes à la Vercambre, pas vraiment de mise en espace (du reste, la scène d’un Magic-Mirrors est étroite), c’est à la bonne franquette que ce concert s’est déroulé. Avec cependant, c’est inédit chez Malicorne, un peu d’humour. En tous cas chaque fois que Gabriel veut présenter une chanson et que Marie le lui interdit, cause qu’il cause trop.

Longues ovations, vous vous en doutez… Le présent renoue avec le passé, avec ces belles ballades et ces dramaturgies, cette indicible poésie venue de la tradition et ce savoir-faire si malicornéen. Si l’an passé le point d’orgue d’Aubercail fut un enterrement (le formidable hommage à Leprest), l’événement 2013 fut une renaissance. Qu’il est doux d’assister à ça.

Le site de Gabriel Yacoub, c’est ici (vous y trouverez les infos sur Malicorne). Nos Enchanteurs a maintes fois parlé de Malicorne, notamment par une longue interview de Yacoub en quatre parties, que vous retrouverez ici.