« Les Magnifiques » de Paccoud : comme son nom l’indique

Christian Paccoud et les Sœurs Sisters, vendredi 21 décembre 2012, bar Le Melting potes aux Lilas,

Là, c’est dans un café des Lilas, avec un public venu spécialement. Et un autre, habituel pilier du lieu, qui parfois rechigne au partage, quelques mégères ivres et bruyantes jouant leur propre partition, notes discordantes… Autour du coin « scène », quatre jeunes femmes (Sophie Plattner, Céline Vacher, Armelle Dumoulin, Eléna Josse), pour l’heure en impers et juchées sur des cubes de bois, en clarinette, violon, caisse claire et flûte. Et un accordéoniste… En, comment dire, un étonnant spectacle vraiment…

« La chanson est l’art du peuple. Avant que des filous en fassent une source d’abondant profit, elle était la parole des pauvres gens, des maltraités, des humiliés. Tout le monde peut écrire une chanson. Les plus beaux textes, la source même de la poésie se trouvent au cœur de la souffrance ». Arrivent les chansons.

Qui toutes nous parlent de difficulté de vivre, de douleurs, de familles explosées, de rudesse, de justesse, de justice, de prisons, de camisoles… : « C’est juste une injustice de plus / Une puce qui pique et fait des cicatrices. » Paroles impliquées, du dedans. Les plus beaux paroliers de la chanson, artisans habiles de la ritournelle, n’y sont pour rien : tout est de la plume d’ados en centre éducatif fermé ou de résidents d’hôpitaux psy : « Le cri est toujours le début d’un chant. »

Pour porter ce chant, Paccoud a choisi cette formule, très « comédie musicale ». Tant et si bien qu’on se l’imaginerait bien en de belles salles aux fauteuils rembourrés, sur de luxueuses avenues de Paris. Mise en scène efficace qui visiblement sait s’adapter aux circonstances. Le propos n’a par contre rien de ludique, qui tranche avec ce postulat de scène : là, on est constamment dans le grave, en des réflexions vraies en prise avec la vie, pas de ces futiles verbiages de philosophes télévisuels englués dans leur suffisance. De paroles d’enfants, de ces « mauvais gosse(s) qui fait pipi / Et met l’nez d’dans », d’exclus, on tire show du meilleur tonneau, respectueux de la parole donnée, confiée. Show… Chaud et pas lissé, avec le rugueux, l’abject de la vie : « Troquez troquez vos enfants / Contre un bon verre de bière / Troquez vos enfants / Contre un Martini blanc… »

Etonnant spectacle, vraiment, où on admire et on guette les Sœurs Sisters dans leurs évolutions, où on attend le chant majeur de Paccoud qui ajoute à la plainte de ses consoeurs, où on se délecte de chansons abouties comme rarement, d’une infinie musicalité… Dont on aime le cri, aussi fort, aussi insupportable, aussi beau aussi qu’une toile de Munch. J’ai souvent parlé, ici ou en d’autres lieux, d’autres supports, de Christian Paccoud, de ce chant déchirant, sans recours, sans répit. Ce que Paccoud chante cette fois-ci n’est pas de lui, mais c’est pareil, tout comme. Et ce chant est important. Essentiel. Bouleversant, géant. La vérité sort de la bouche de ce chant.