Vendeurs d’enclumes : lourds propos d’un looser lumineux
Vendeurs d’enclumes, 15 novembre 2012, Espace Camus Le Chambon-Feugerolles, festival Les Oreilles en pointe,
L’Espace culturel Albert-Camus au Chambon-Feugerolles, dans l’agglomération stéphanoise, est un lieu fabuleux, sans doute la plus belle salle à des dizaines de kilomètres à la ronde, un cocon pour la chanson : l’architecte doit être un fieffé mélomane. On aimerait que cet écrin n’accueille que des bijoux. Avouons qu’en recevant Vendeurs d’enclumes nous n’en sommes pas loin.
Vendeurs d’enclumes, drôle de nom vraiment. Un de ces p’tits boulots de merde comme peut l’être tailleur de menhir ou bâtisseur de tours chez m’sieur Eiffel. Physique et sans issue… Avec un tel blaze, on pourrait s’attendre à une rythmique d’enfer style tambours du Bronx. Ou à des propos lourds style… mais je ne citerais personne de peur d’en nommer beaucoup. C’est paradoxalement un peu de l’art de la dentellière que ces chansons-là, même si les sujets sont parfois un peu plombants : l’enclume, ça doit être ça.
Vendeurs d’enclume c’est un groupe. Soudé, complice. A priori la formation ressemblerait presque à celle d’un Bénabar, très cuivrée comme on aime, dynamique. Mais ici les musicos font bien plus que leur strict boulot d’intermittents, à distribuer les notes où il faut, quand il faut. C’est copains que cette bande-là, et l’amitié étalonne leur talent, en fait d’espiègles acteurs de scène, tant que c’en est réjouissant. Un groupe, donc. Et manifestement un chanteur. Un bon. Un qui a en lui – ça a dû être déjà dit – un peu de Brel et de Mano Solo, qui vit la chanson comme la dramaturgie qu’elle est. Qui en fait parfois des tonnes, de l’enclume donc, mais retombe sur ses pattes dans une légèreté, une fragilité confondantes : Valérian Renault est étonnant, assez enthousiasmant. Ecoutez-le virevolter de mots : « La vie est moche quand on l’approche / D’un peu trop près / Que tout le blush aux gueules des proches / Se défait / Qu’un détail cloche et tout le cinoche / Apparaît. » L’écriture est assez puissante, l’interprétation tout autant. On se dit qu’avec beaucoup moins de talent, nombre de chanteurs de groupes sont partis faire carrière solo, sans fil ni enclume à la patte. Le destin de Renault est tout entier dans son art. Qu’il joue le looser cocu, l’infâme brute qui tue sa femme, qu’il incarne l’impatience des garçons d’un printemps à venir, qu’il se balance au bout d’une corde à ne plus toucher terre, Valérian est au-dessus des mots, en lévitation presque, en une interprétation qui force le respect. Oui, c’est assez noir, oui ça plombe comme le ferait toute enclume, mais, nous dit-il avec sagesse : « La vie est con comme une chanson / Désespérée. »
Le site de Vendeurs d’enclumes, c’est ici.
Avec les mots réalistes de la comédie humaine, les Vendeurs d’enclume forgent des chansons désabusées, décapantes, et ils finissent par en faire des chansons « qui retombent sur leurs pattes » avec la souplesse et la légèreté des félins. De la belle ouvrage…
On aurait pu les faire à la Forge….
Je lis seulement maintenant ce billet…
Mi figue mi figue donc ?
j’ai envie de te piquer une belle accroche sur Valérian !
« Le destin de Renault est tout entier dans son art. Qu’il joue le looser cocu, l’infâme brute qui tue sa femme, qu’il incarne l’impatience des garçons d’un printemps à venir, qu’il se balance au bout d’une corde à ne plus toucher terre, Valérian est au-dessus des mots, en lévitation presque, en une interprétation qui force le respect. » Merci pour lui !
Réponse : Oui, mi-figue… Mais content de les avoir vus en scène. Tu peux piquer, Christelle, les mots que tu veux : c’est un peu fait pour ça. Pour autant je ne saurais que recommander ces Vendeurs d’enclume à nos lecteurs. Un avis d’une personne, un soir précis, ce n’est vraiment qu’un avis, même si c’est pas mal écrit, ça ne vaut que par lui. MK