CMS

Concèze 2012 : Tomislav, comme une rare évidence

Tomislav (photo d’archives DR)

Beau comme une tunique bleue défroquée, comme un déserteur de l’armée… Il y a, à l’évidence, du Woody Guthrie en Tomislav. De lui comme de tous ces folk-singer, ces bluesmen qui, sans réel soucis de bien mener carrière, se sont attaché à peindre la fresque d’un peuple cabossé, exploité, humilié, histoire en creux des Etats-Unis d’Amérique, moins glorieuse, qui s’est bâtie dans le sang et la misère. Pauvres hères toujours en recherche d’embauche, en quête de quoi subsister, dans un monde fait d’injustice et de misère. Il y a du John Steinbeck et du John Ford en Tomislav. Et toutes les raisons de la colère… Si sa tenue, ce presque uniforme de la guerre d’indépendance peut suggérer cette lecture, ça va bien au-delà. L’homme est croate (Tomislav est son nom, pas un pseudo à l’agréable et exotique consonance) et on sent d’intuition que d’autres drames se jouent en filigrane de ses chansons, comme des gènes encombrants, un adn entre tous douloureux : « Je suis là où s’écrasent nos valeurs / Où le diable rit de bon cœur / Sous un casque aux couleurs / D’un ciel bleu et pur… » Seul en scène depuis toujours, Tomislav est homme instrument, même si sa voix l’est plus encore. Touchante, avec ce léger vibrato, sans surcharge autre que la pure émotion, celle qui suinte de ses chansons et qu’il a visiblement de la peine à contenir. Il semble prendre à lui les malheurs du monde, en un blues magistral, sans effet, sans emphase, sans rien, pour en faire chronique, témoigner, comme un Albert Londres portait sa plume dans la plaie. Lui, c’est sa guitare usée, amochée, qui scande le chant de la dignité. Tomislav chante les loosers, ceux contre qui le monde cogne, qui en recherche de travail, qui en recherche d’amour. C’est une thématique du départ et l’illusion d’un possible retour, l’âpreté de la vie, de ses coups. Même l’amour fait peur, trop beau peut-être… Subsiste la tendresse, pour les mères notamment, là en croate dans le texte.

Hier au soir sur la scène de Concèze avec Hervé Cristiani pour accompagnateur (photo DR-facebook)

Tomislav est impressionnant, dans son approche comme dans sa redoutable simplicité, dans l’épure de son talent. C’est en le découvrant qu’on s’aperçoit qu’il nous manquait, que la place était vacante et désormais pourvue. Pas grand monde le connaissait ici, à Concèze, avant qu’il ne sorte sa guitare et son harmonica, sa petite batterie aussi. Après, ce fut rare plébiscite. Un festival de Concèze qui lui a offert, lui le solitaire de la scène, un élégant sextet sur une chanson. Puis le précieux accompagnement d’Hervé Cristiani sur une autre : « Jamais j’avais été autant accompagné qu’aujourd’hui ! »

Des rappels bien sûr, et cette ultime chanson, Y’a pas mort d’homme, sur un texte de Marouane, alors détenu à Fleury-Mérogis, là où Tomislav s’en est allé animer un atelier d’écriture. Fulgurante beauté de cette chanson-confession qui – c’est rare – s’évade de prison pour s’en aller toucher le cœur d’un large public. Merci à Tomislav d’en être l’humble et talentueux passeur.

Image de prévisualisation YouTube

 

 

 

3 Réponses à Concèze 2012 : Tomislav, comme une rare évidence

  1. Norbert Gabriel 17 août 2012 à 11 h 39 min

    Ravi de ce triomphe de Tomislav ( et clin d’oeil à Chrystelle..) je l’ai découvert il y a 2 ans , j’ai été scotché, et bravo à Michel d’avoir trouvé les mots pour raconter ce french folksinger, qui m’avait fait penser aussi à Dylan première époque … Mais Woody, c’est aussi très bien.

    Répondre
  2. geni 18 août 2012 à 22 h 44 min

    j’ai bien fait d’aller à Concéze ,je me sens plus riche ,maintenant que je sais qu’il existe ! quel talent !!

    Répondre
  3. Pascal Mathieu 20 août 2012 à 12 h 00 min

    J’ai passé quelques jours en Corrèze à l’occasion de festival DecOuvrir de Concèze et j’ai pris une vraie claque devant la prestation de Tomislav. Très bel univers, des mots justes qui font voyager et tous les ingrédients pour me rendre content. Le journaliste Michel Kemper qui était là également décrit mieux que je ne pourrais le faire ce que tout le public a ressenti…

    Répondre

Répondre à Norbert Gabriel Annuler la réponse.

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*

code

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>

Archives