Romain Didier est ainsi fait

Romain Didier (photo Chantal Bou-Hanna)

Romain Didier, festival Paroles et Musiques, Saint-Etienne, 16 mai 2012,

Les chansons de Romain Didier sont comme des paysages, des toiles de maîtres, jamais des croûtes, des livres que traversent des vies : les amours y entrent par des portes de sorties, les émotions s’y incrustent… C’est contemplatif, parfois insolite, nimbé d’une douce, étrange et envoutante poésie. Avec, parfois, des fulgurances de mots, des folies, des yeux, des femmes, des sourires, des fou-rires… Et de belles considérations : « Les gens gentils / Sont des salauds / En manque de scénario »… Moi je consigne consciencieux mes émotions sur mon papier plié, je prends note. Lui aussi : « J’hésite encore pour les baisers / A compter le nombre ou le temps passé / J’ai noté… » Didier est totale séduction, type toujours classe rivé à son clavier. Qui d’ailleurs est l’excroissance de l’autre ? Le chanteur ou le long piano noir ? Lui aussi ne fait que chroniques de vie (et de rêves) qu’on pourrait s’imaginer un peu bourgeoise (est-ce dû au grand luxe de ses mots et des vers, tant qu’il doit sans doute s’acquitter de l’ISF et plus encore ?) s’il ne chantait également les SDF, avec ses rimes graves, sentencieuses, réveillant les consciences… Et cette Retraite de bout de récital, en presque bout de vie, autre chanson de son compère aux deux « l » qui s’est fait la belle il y a peu. Et cette valse lente « A ceux qu’la vie assèche / Malmène et cabosse et galère / Aux cantonniers d’la dèche / De la misère / A ceux qu’la vie assigne / Au bas côté / J’ai cet air là, cette mélodie frangine / A chanter. » Nous sommes en ce Magic-Mirror, qui lui va bien, toiles pourpres et bois vernis, miroirs de partout : soirée forcément privilégiée, entre nous et lui, presque veillée d’amis de longue date. Car Romain Didier est ainsi fait, ses chansons sont ainsi fabriquées, que la confiance et la fidélité ne sont pas de vains mots et que c’est douce drogue que cet homme et ses chansons toutes d’une classe infinie. Juste le temps d’explorer son dernier album (« De loin, on aurait cru des oies… »), de poser quatre cinq autres chansons sur le clavier, pour faire bon poids, et le récital est déjà terminé. Si… un dernier rappel, histoire d’encore chanter son copain Allain, d’enchanter le Magic, d’irradier la chanson : « Où vont les chevaux quand ils dorment / Plus d’abonné au téléphone… »

Cette chronique clôt la (belle) parenthèse consacrée au festival Paroles et Musiques. Le site de Romain Didier, c’est ici. En vidéo, dans un tout autre contexte : SDF (paroles d’Allain Leprest, musique de Romain Didier).