Johnny : à quand son dernier « Arrrrrgghh ! » sur scène ?

C’était il y a quatre ans lors de l’inauguration du Zénith de Saint-Etienne. Johnny y annonçait sa tournée d’adieu, la fameuse Route 66 dont, il ne le savait pas encore, il ne verrait pas le bout. Tournée d’adieu, oui, car, disait-il, ne voulant pas finir comme d’autres chanteurs qui n’ont pas su s’arrêter à temps. Sans dire de nom ni dénoncer personne. Mais on pensait à pas mal de gens, des Salvador, Reggiani et autres oiseaux de même volée…

La suite fut celle qu’on sait. Cette Route 66 d’abord, puis sa mort et sa résurrection, sa boulimie d’activités et de présence médiatique, sur tous les terrains où on croise des journalistes complaisants. Par bonheur ils sont légions.

Entre temps, son copain Eddy Mitchell a rendu son tablier, pour vieillir en silence, à l’écart des projecteurs. Monsieur Eddy est parti avec cette grâce qui le caractérise. Et ne reviendra plus jamais sur scène. Respect, m’sieur Schmoll !

Johnny il sait pas faire, ça. Ne sait pas tenir une promesse. De toutes façons il n’a pas d’idées, pas d’opinions (même plus pour son pote Sarko, c’est dire), pas d’avis (autres que ceux d’impositions).

Ça fait cinquante-deux ans qu’il dure, parfois endure, comme une machine à exister, une mécanique programmée pour chanter. Peu importe quoi, d’ailleurs. Il est éponge qui absorbe tout, toutes les postures. Les impostures aussi.

Là, trois ans après sa tournée d’adieu, il nous refait une tournée. Mais plus d’adieu, on ne l’y reprendra pas : Johnny n’injurie plus l’avenir : « Au contraire, c’est un recommencement » nous dit-il. Sa vie lui coûte tellement cher et les fiscs français et suisse lui réclament tant (cause à toutes ses irrégularités) et tant (cause à ses tricheries) qu’il va continuer. Il ne peut plus faire autrement. Il paiera de sa vie et crèvera comme Molière, faisant son dernier « Arrrgghh ! » sur scène, dans un micro hs.

Derrière cette caricature de vie, ce personnage de guignols, cette grandiloquence qu’entretiennent à l’unisson les médias, tous les médias, il est de plus en plus difficile de dégager un fil conducteur, une logique artistique. La chose est entendue : l’aqueu Johnny est bête de scène où il faut (mais c’est pas obligé, vu le prix) l’avoir vu. Mais encore ? Johnny n’a pas qu’épousé Sylvie, Babeth, Nathalie, Adeline et Laetitia : il s’est marié à l’air du temps, épousant toutes modes et, ce faisant, perdurant. Mis à part le livre des records (il les bat tous, sur quasi le seul sol français : 100 millions d’albums vendus à ce jour, 28 millions de spectateurs en concert…) et malgré la foison d’ouvrages sur le phénomène Hallyday, il me semble qu’on attendra longtemps l’indispensable travail critique qui transformera la performance en œuvre, improbable alchimie d’une chanson trop calculée pour être tout à fait vraie. Même si on peut y prendre légitime plaisir.

Après un tour de chauffe à Los Angelès, début de sa 181^e tournée ce soir, lundi 14 mai 2012, à Montpellier.